iChaque année, ils sont des milliers à tenter de franchir la Méditerranée sur des radeaux de fortune pour atteindre les côtes européennes. Leur objectif : fuir la guerre, la famine ou tout simplement avoir une meilleure vie à l’étranger. Des idéaux qui les conduisent parfois… à la mort.
Dimanche, au large de le Sicile, un bateau de pêche transportant 590 réfugiés venant pour la plupart d’Afrique du Nord a été secouru par la Marine italienne. A son bord, les militaires ont fait une macabre découverte : une trentaine de corps de migrants, probablement morts par noyade ou par asphyxie, côtoyait les vivants dans une honteuse promiscuité. Un drame qui relance le débat de l’immigration clandestine, presque un an après la tragédie de Lampedusa. Un naufrage qui avait fait 366 morts.
Immigration : voyage au centre de l’enfer
« C’est au cours d’une opération de secours et d’inspection d’une embarcation, qu’une trentaine de cadavres ont été découverts », a précisé lundi, dans un communiqué, la Marine militaire italienne. « Le personnel médical est ensuite intervenu sur les lieux et a déclaré que les causes des décès [étaient] probablement l’asphyxie et la noyade. Puis a déconseillé d’enlever les corps en raison de l’étroitesse de l’espace », a-t-elle ajouté. Des analyses qui confirment donc la possibilité que l’embarcation ait pris l’eau. Il faut dire que les conditions y sont plus que précaires : fragilité de la chaloupe, manque d’espace, pénurie de nourriture et absence de soins. Une croisière à mille lieux de s’amuser mais pour laquelle, pourtant, bien des migrants déboursent des centaines, voire des milliers d’euros. Car, s’ils arrivent finalement (et miraculeusement) à bon port, cet onéreux ticket d’entrée leur ouvre les portes de l’« Eldorado » européen.
Et, parmi ceux qui prennent la mer pour changer de vie (au péril de la leur) on ne trouve pas que des hommes vaillants et forts : il y a bien souvent, aussi, des femmes et des enfants. La preuve, dimanche, plusieurs passagers, dont deux femmes enceintes, ont dû être évacués. Le bateau de pêche a ensuite été remorqué vers le littoral italien et ses passagers ont été pris en charge par le navire de la Marine nationale, Grecal. Avant que ceux-ci soient rapatriés dans leur pays d’origine.
Exploiter la misère humaine
Malgré les risques encourus, les candidats à cette immigration « quitte ou double » sont toujours plus nombreux. En témoignent le nombre effarant de 5000 migrants auxquels la Marine italienne a porté secours rien que ce week-end, dans le cadre de l’opération « Mare Nostrum ». Celle-ci a été lancée par l’Italie à l’automne 2013, après les naufrages de Lampedusa et de Malte, afin d’assurer un contrôle maritime permettant d’éviter de nouveaux drames. A l’époque, le ministre de la Défense, Mario Mauro avait déclaré que « l’opération Mare Nostrum [devait] permettre avant tout d’améliorer le niveau de sécurité humaine », car « il [était] intolérable que la Méditerranée [devienne] un cimetière. ». Et pour l’aider dans cette tâche, l’agence de surveillance des frontières européennes Frontex a récemment promis un renforcement de ses effectifs, l’Italie étant la principale porte d’entrée des réfugiés dans l’espace Schengen.
« Il faut arrêter les départs, les aider chez eux, immédiatement. Les chemises de Renzi [Matteo Renzi, chef du gouvernement] et Alfano [Angelino Alfano, ministre de l’Intérieur] sont ensanglantées », a écrit sur son compte Facebook Matteo Salvini, le chef de la Ligue du Nord, un parti italien anti-immigré. Des propos qui font échos à ceux de Luigi Ammatuna, maire de Pozzallo –où le bateau de pêche, transformé en tombeau et stoppé dimanche, devait accoster– : « C’est une situation d’urgence que nous ne pouvons pas affronter seuls […] les centres d’accueil de notre zone sont tous remplis ».
Mais, malgré ce dispositif, les autorités italiennes ont recensé, depuis le début de l’année, plus de 65 000 migrants et réfugiés débarqués sur leur sol. Le record de 2011 –où le nombre de migrants avait atteint les 63 000 personnes en raison des printemps arabes– a donc déjà été dépassé, alors que l’été ne fait que commencer. En effet, lorsque la météo est clémente, les départs se font encore plus nombreux, au bonheur des passeurs sans scrupules qui récoltent les fruits financiers de ces traversés de tous les dangers. Sans compter les multiples tensions (guerre civile en Syrie et en Irak, virus Ebola en Sierra Leone…) qui émaillent en ce moment-même le continent africain. Bref, a n’a malheureusement pas fini de dénombrer les victimes de cette mortelle immigration.