Alors que Mr Robot vient d’arriver sur Netflix (portée par Rami Malek), on revient sur les grands moments d’une saison 1 importante.
Mr Robot c’est quoi? C’est l’histoire d’Elliot Alderson, jeune homme brillant, quoique schizophrène, sujet en outre à une paranoïa aiguë. Il est programmeur au sein d’une firme spécialisée dans la cyber-sécurité nommée Allsafe. Mr Robot fait irruption dans sa vie. Il désire hacker les données de l’une des firmes, E(vil) corp, qu’Elliot est chargé de protéger. L’enjeu est d’abattre le géant méphistophélique qu’incarne E Corp afin de permettre une révolution financière qui entraînera la redistribution d’une grande partie des richesses de l’Amérique.
Elliot est interprété par Rami Malek (The Pacific). Il est entouré de Portia Doubleday (Mr. Sunshine), Carly Chaikin (Suburgatory), Michel Gill (House of Cards) ou encore Ben Rappaport (The Good Wife). Mr Robot, quant à lui, est incarné par Christian Slater..
ATTENTION SPOILERS
Mr Robot est une série américaine, diffusée depuis juin 2015. Elle est encore inédite en France. France 2 vient de l’acquérir et la proposera bientôt. Mr Robot bénéficie d’un immense succès aux Etats Unis. Décorée du golden globes de la meilleure série dramatique, il s’agit de pas moins de 3 millions de téléspectateurs qui ont suivi son pilote. Le site référence en matière de série, Rotten tomatoes, l’a noté à 98%, contre, par exemple, 94% pour la saison 6 de Game of thrones.
Le créateur se nomme Sam Esmail. Depuis tout petit, celui-ci est fasciné par la culture de l’hacking. Il a consulté des professionnels pour rendre les scènes d’hacking plausibles. La calligraphie du titre de chaque épisode est celle d’un programme informatique. Dérogeant au traditionnel S1E1, l’épisode 1 de la la saison 1 sera 1.1 puis le deuxième, 1.2… On retrouve le langage dit L33t. C’est un système d’écriture qui utilise des caractères alphanumériques de type ASCII. Il permet à la communauté gaming de créer des pseudos au sein desquels des chiffres remplacent certaines lettres.
De plus chaque titre possède un double sens : le premier se réfère à un terme connu au sein de l’univers des hackers, le second a un sens commun. Par exemple, dans l’épisode 3, « eps1.3_da3m0ns.mp4 », un daemon est un programme informatique mais le terme est également entendu dans son sens commun, tout a fait adapté au trait du personnage et au sujet de l’épisode en question.
Par ailleurs, américano-égyptien d’origine, Sam Esmail s’est beaucoup intéressé au printemps arabe et l’utilisation faite des réseaux sociaux et de l’informatique afin de lutter contre la perversion du pouvoir et la capitalisation.
De premier abord, le créateur a pensé à un film dont la chute serait celle du dernier épisode de la saison 1. Mais le format de la série s’est progressivement imposée de lui-même. Sam Esmail s’inspire d’American psycho, The matrix, A clockwork orange, Taxi driver pour la narration d’Elliot et de Fight club, auquel il fait un clin d’oeil dans l’épisode 1.9 en réutilisant sa chanson « Where is my mind ».
La série entretient une esthétique irréelle, un scénario audacieux, regorgeant de twists décisifs, nous mettant en haleine. Mr Robot renverse l’illusion du réel. Tout au long de la série, le spectateur doit échafauder des hypothèses et rassembler les pièces du puzzle. Il est comme Elliot : inadapté à la réalité mise en exergue. Il a du mal à se repérer dans ce monde qui a tout à voir avec notre monde actuel mais qui dérange et frustre. La narration se perd et avec délice, nous nous perdons également. Quand enfin nous nous y retrouvons, c’est à l’aune d’Elliot : qui est Mr Robot ?
Le cadrage joue beaucoup. Sam Esmail propose une esthétique bien particulière qui cristallise son scénario désorientant. Les images sont décentrées des personnages, elles ne sont pas cadrées, 30% trop hautes, comme si elles capturaient quelque chose que le spectateur ne pouvait voir. C’est la marge d’incompréhension d’Elliot vis à vis du monde qui l’entoure. En effet, les personnages ne sont pas les plus importants. Sans cesse la question de leur réalité est soulevé. C’est donc autre chose et le mystère reste entier.
Mr Robot est filmé à travers les yeux en détresse d’Elliot, véritable génie mais irrémédiable addict, dont la voix off nous escorte tout au long des épisodes. Cette voix off est une délicate rupture car elle perméabilise la relation entre le narrateur et le spectateur. La série commence dés lors qu’Elliot décide de s’adresser à son ami imaginaire qui est en fait le spectateur, unique témoin et donneur de sens.
Mr Robot invoque les échéances altermondialistes actuelles, pointant du doigt un système déchu, perverti, sujet à la corruption : la tâche d’Elliot est de provoquer une révolution financière, libérer les américains de leurs dettes, changer le monde. La série semble être une réponse aux dommages de la crise financière de 2008. Dans cet univers fictif mais si réel, tout devient possible, du retournement de situation jusqu’au rêve latent d’abattre le capitalisme de marché. Des problèmes écologiques et économiques sont pointés à travers l’histoire du père d’Elliot et de la mère d’Angela. Il s’agit de réparer une injustice mais aussi d’une vengeance.
La mondialisation est dénoncée dans ce qu’elle engendre une uniformisation totale. C’est le mal moderne car elle aliène la société. Paradoxalement le mal psychologique dont souffre Elliot semble le sauver, lui permettant d’être clairvoyant car justement, il ne joue pas avec les mêmes codes. Le héro doit sans cesse s’ajuster à ce monde froid où les valeurs sont mises en berne. L’esprit d’Elliot est aussi malade que la réalité dépeinte par la série. Mr Robot ne nous épargne pas le vocabulaire informatique, véritable métalangage. Elliot évolue comme un poisson dans l’eau au sein de ce langage immatériel. C’est avec les humains qu’il devient désemparé, incapable de communiquer. On comprend Mr Robot.
On ne peut résister à s’attacher à Elliot, ce jeune homme brillant, complètement à part, perdu qui balaie la palette de la névrose d’un revers de main. Amnésique, paranoïaque, maniaque, schizophrène, drogué, cynique, nihiliste, violent, on a tout de même qu’une envie, c’est de le protéger, le sauver de son pire ennemi : lui-même. Elliot hack les esprits. Il met à nue les systèmes psychiques des individus. Au cour de son rituel psychotique, il grave ces informations sur des CD qu’il collectionne ensuite comme des trophées. Dans les doutes d’Elliot, ses réflexions torturées, l’unique chose qui donne du sens est la nécessité de l’utopie, de changer le monde. C’est l’unique but poursuivie et « tous les chemins mènent à Rome ».
Ainsi il est un nouveau type de lanceur d’alerte, un anti-héros moderne, reprenant fièrement le flambeau des Snowden et autre Deltour… Malgré les handicapes que peut entraîner son trouble, ce dernier lui octroie une conscience, un sens encore plus poussé de ce qu’est la justice et sa justesse. Véritable misanthrope sauvage et justicier qui s’ignore, il s’agit d’œuvrer pour la destruction du capitalisme de marché afin de construire un nouveau monde transparent et équitable.
ATTENTION SPOILERS FIN DE LA SAISON 1
Mr Robot repose sur des paires paradoxales : Fsociety face à E Corp, Mr Robot et Tyrell, Darlene et Angela… les personnages se reflètent les uns dans les autres sans s’opposer vraiment. Ils sont fantomatiques et insaisissables. C’est ainsi qu’ils apparaissent à Elliot.
Mais le véritable mystère de la série demeure Mr Robot lui-même. Qui est-il ? Existe-t-il réellement ? Au cours les 5 premiers épisodes, personne ne réagit à ce que dit Mr. Robot, personne ne parle non plus de lui comme d’un être à part entière. Lorsqu’il semble avoir des conversations avec d’autres personnages, Elliott est toujours présent. Et si on le retire des scènes, tout laisse à croire que c’est Darlene qui est à la tête de Fsociety, pas lui. Ce n’est qu’à partir de l’épisode 5 que Mr Robot interagit enfin avec des gens.
Elliot a vécu un traumatisme dans son enfance, au cœur de son trouble amnésique. Cela a à voir avec feu son père qu’il désire à tout prix faire revivre. Le tout est de se souvenir, mais pour quoi faire ? Elliot est obsédé par ce qu’est « être normal ». Son quotidien est fait de rituel aseptisés, de calculs incessants, d’un cadre rigoureux auquel il ne doit pas déroger. Il essaie de vivre avec « les » lui-mêmes sans réellement savoir ou lui s’arrête et où « ils » commencent (Mr Robot, son ami imaginaire, les spectateurs…)
Qui est donc Mr Robot ? C’est lui, une hallucination, qu’il ne reconnaît pas tout de suite être son père. Et pourtant, peu à peu, il se souvient et commence à l’identifier. C’est à ce moment que Mr Robot s’efface légèrement. Cette prise de conscience est consacrée par l’échec de la révolution de fsociety : rien ne change réellement, tout comme on a pu le constater suite au printemps arabe. Le désire de construire une société juste commence par cette révolution, un maigre prélude. La quête « des » Elliot n’est donc pas finie : il leur reste encore tout à faire au cours de cette seconde saison.
Crédit: USA Network