Le vote Front National est l’objet de nombreux mythes et fantasmes relayés par les hommes politiques sur les plateaux télévisés. Ces explications préconçues arrangent les partis politiques traditionnels car le succès du Front National est en grande partie le fruit de la médiocrité des forces politiques de gouvernement. Revenons sur quelques idées reçues qui faussent l’analyse du vote FN qui s’élèverait à 28% des électeurs français aux prochaines élections présidentielles de 2017 selon le dernier sondage du Cevipof Ipsos-Sopra Steria.
Un vote de rejet de la classe politique
Loin d’être un vote de protestation, le vote FN s’ancre dans la société française depuis de nombreuses années. Limiter ce vote à un cri de colère temporaire est réducteur et ne permet pas de comprendre les véritables racines de ce choix électoral. Mettre un bulletin Front National dans l’urne tend à devenir un vote enraciné. La majorité des électeurs du FN le font élections après élections. Le parti d’extrême droite est le mouvement politique ayant conservé le plus d’électeurs entre la présidentielle de 2012 et les régionales de 2015. Près de 92% des électeurs de Marine Le Pen à la présidentielle de 2012 ont déclaré être prêts à revoter pour la fille du clan Le Pen aux élections régionales de 2015 lors des régionales de 2015. Lors du premier tour des régionales, le FN a même réussi à dépasser son record de voix obtenu lors de la présidentielle de 2012 en récoltant 6 820 147 voix.
Écarter totalement la colère exprimée par ce vote serait également une erreur. Le vote FN est un vote de rejet de la classe politique des partis de gouvernement. Les citoyens considèrent majoritairement que les hommes politiques sont corrompus. 69% des Français estiment que « les personnalités politiques sont le plus souvent corrompues » selon un sondage BVA de 2014 pour Aujourd’hui en France et I Télé. Les nombreux scandales politico-financiers comme la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour financement illégal de campagne électorale dans l’affaire Bygmalion ou l’enquête pour corruption et trafic de marchés publics dans l’ancienne fédération PS du Nord Pas de Calais n’ont pas amélioré ce ressenti.
Les électeurs FN mettent donc tous leurs espoirs dans le Front National n’ayant encore jamais gouverné avec l’argument suivant : « On a essayé la droite ce fut un échec. On a essayé la gauche ce fut également un échec. Pourquoi ne pas essayer le FN qui n’a pas encore gouverné ». Néanmoins, ce passage du vote pour un parti de gouvernement au vote FN n’est pas automatique. Beaucoup d’électeurs s’abstiennent plutôt que de voter pour les extrêmes et les forces populistes. Le taux d’abstention frôlait les 50% aux dernières régionales. Le véritable reproche formulé par les électeurs du FN et au-delà, aux partis de gouvernement est leur impuissance à agir.
Le vote au suffrage universel repose sur l’imputation politique. A partir du moment où un citoyen accepte le système représentatif, c’est avec l’idée que les élus changeront les choses. Or, ce véritable changement n’arrive pas et les électeurs se sentent trahis par des hommes politiques ne tenant pas leurs promesses. Les Français ayant multiplié les alternances politiques au sommet de l’État ont de plus en plus tendance à penser que la gauche et la droite font des politiques semblables. Les électeurs FN sont au paroxysme de ce point de vue en parlant de « système UMPS ». Les citoyens ont de plus en plus de mal à se reconnaître dans l’offre politique qui leur est proposée. Pour un électeur du Front National ou un abstentionniste, la professionnalisation de la fonction d’élu nourrit l’idée que les hommes politiques préfèrent défendre leur siège, leur poste plutôt que défendre de réelles convictions. Il ne faut pas tomber non plus dans la caricature du « tous pourris », mais ces critiques se font de plus en plus entendre, particulièrement parmi les sympathisants du Front National. Et si notre paysage politique ne réagit pas, il risquerait d’exploser. L’élection du FN à la présidentielle en serait le déclencheur.
Les médias bouc émissaires
On a tous entendu au moins une fois l’argument que les médias font monter le FN. Mais cette présentation des faits est inexacte et dédouane trop facilement les acteurs politiques de leurs responsabilités dans cette ascension. Dernièrement, l’absence de Marine Le Pen dans les médias ne l’empêche pas de progresser dans les sondages. Il vrai que la famille Le Pen est souvent synonyme d’audience lorsqu’ils sont invités sur les plateaux télévisés, mais leur présence est contrôlée par le principe d’équité du temps de parole et même d’égalité stricte lors des campagnes présidentielles.
Certes, selon le lab d’Europe 1, Florian Philippot est l’invité le plus présent dans les matinales de radio en 2015, mais en seconde position se classe Nicolas Dupont-Aignan qui plafonne à 5% dans les sondages. Lorsque le Front National a obtenu son meilleur score électoral en se qualifiant au second tour de la présidentielle de 2002, c’était la campagne présidentielle où Jean-Marie Le Pen avait été le moins présent à l’antenne des différents médias couvrant l’actualité politique. Les médias parlaient beaucoup d’insécurité à cette époque mais l’accentuation de cette thématique n’étais pas nouvelle et durait depuis plus d’un an. Par conséquent, il n’a jusqu’à maintenant pas été possible de prouver le lien entre exposition médiatique et monter du vote FN.
Cependant, une partie des médias ne peut pas se dédouaner d’avoir accompagné la dé-diabolisation du Front National en promouvant sur leurs antennes des réactionnaires tels qu’Éric Zemmour présent durant cinq années dans On n’est pas couché, et d’avoir fait sauter la digue morale qui séparait l’extrême droite des autres partis en banalisant son traitement dans l’actualité politique. Mais les médias n’ont-ils pas suivi la droitisation de la société au lieu de l’avoir influencée ?
Rappelons tout de même que le Front National n’est pas le premier parti de France comme on l’entend souvent, car il ne représente que 20% des inscrits. Le premier parti de France largement leader est l’abstention. Même en nombre de militants, le FN compte 52.500 à jour de leur cotisation le 1er septembre 2015 contre 131 000 adhérents pour le PS et 178 920 adhérents pour les Républicains.