Le tueur Anders Behring Breivik a gagné son procès contre l’Etat norvégien pour traitement « inhumain et dégradant » dans son milieu carcéral.
L’auteur revendiqué des attentats qui ont fait 77 morts et 151 blessés en 2011 est incarcéré et isolé depuis plus de 5 ans. Breivik a été jugé responsable de ses actes et a été condamné en 2012 à la peine indéterminée, soit 21 ans de prison. Sa peine sera prolongée tant qu’il sera considéré comme un « danger pour la société ».
Breivik, qui s’affiche ouvertement comme néo-nazi, a attaqué en justice l’Etat norvégien pour traitement « inhumain et dégradant ». La Cour qui a statué sur l’affaire ce mercredi a estimé que « l’interdiction des traitements inhumains et dégradants représente une valeur fondamentale dans une société démocratique. Cela vaut aussi pour les terroristes les assassins». L’Etat norvégien a été condamné à payer les frais judiciaires, pour un total de près de 36 mille euros.
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Des conditions qui « nuisent à la santé mentale »
En particulier, l’avocat du détenu a dénoncé les fouilles corporelles régulières et approfondies. En outre, Breivik a affirmé que l’isolement dans lequel il vit pourrait « nuire à sa santé mentale » et s’est plaint de maux de tête et de troubles de concentration.
Cependant, les professionnels qui ont examiné le détenu ont constaté que sa condition physique et mentale ne présentait aucune anomalie. Au contraire, Breivik semble bénéficier de conditions plutôt confortables : les trois cellules à sa disposition sont équipées de plusieurs appareils technologiques, ainsi que de livres et journaux.
Cependant, la Cour a débouté Breivik de sa deuxième demande, qui concernait les relations avec l’extérieur. L’extrémiste, qui ne peut avoir aucun contact avec l’extérieur, souhaitait échanger avec ses sympathisants. Toutefois, le juge lui a refusé le droit à la correspondance et aux visites au motif que Breivik représente encore un danger pour la société.
« Une conspiration visant à islamiser l’Europe »
Les experts psychiatres qui avaient examiné Breivik lors du procès avaient estimé qu’il était tout à fait lucide au moment où il avait perpétré l’attentat. L’extrémiste de droite, qui s’est sans doute radicalisé sur Internet, avait avoué vouloir « tuer le plus de gens possible » pour promouvoir ses idées. Le responsable des attentats voulait dénoncer une « conspiration visant à islamiser l’Europe » et encourageait une « révolution conservatrice ».
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En phase d’instruction, Breivik se définissait comme un « martyr » et déclarait s’être sacrifié pour promouvoir son idéologie conservatrice. L’auteur revendiqué des attaques d’Oslo et de l’île d’Utøya est convaincu que l’Etat norvégien cherche de l’assassiner : il a affirmé que « depuis cinq ans l’Etat essaie de me tuer. Je ne crois pas que beaucoup auraient réussi à survivre aussi longtemps ». Aujourd’hui, l’extrémiste norvégien est considéré comme un héros dans certains milieux radicalisés d’extrême droite.
Le principe de dignité de l’être humain s’applique-t-il à Breivik ?
La juge Helen Sekulic a estimé que le traitement subi par l’extrémiste de droite viole l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Selon la Cour, le principe de dignité de l’être humain « s’applique dans n’importe quelle circonstance – y compris dans le traitement des terroristes et des meurtriers ».
La décision de la Cour a suscité de nombreuses réactions parmi les Norvégiens. La situation du meurtrier qui a tué 77 personnes, pour la plupart adolescents de la jeunesse travailliste, est très compliquée et a divisé le pays. Certains ont estimé que les mesures prises par la Norvège sont trop légères et pas assez décourageantes pour d’éventuels émulateurs. D’autres, notamment des rescapés de l’attentat de l’île d’Utøya (dont Bjørn Ihler), exhortent le pays à ne pas oublier le respect des droits fondamentaux des êtres humains.
Our best weapon in fighting extremism is humanity. The ruling in the #Breivik case shows that we acknowledge the humanity of extremists too
— Bjørn Ihler (@bjornih) 20 avril 2016
La Norvège a fait un choix difficile, au nom de l’Etat de droit et du respect de la dignité de tout être humain. Il s’agit d’une décision courageuse et risquée, mais qui pourrait véritablement marquer le système juridique norvégien et développer davantage le respect des droits de l’homme dans les pays européens.
Crédit photo à la Une : francetvinfo.fr