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On a vu pour vous … 1993, la suite de 1992 (Sky Italia / OCS)

Deuxième partie d’un triptyque entamé avec 1992, la série italienne 1993 s’inscrit dans la même ligne : toujours aussi prenante, la saison 2 déconcerte toutefois par ses choix narratifs.

C’est quoi, 1993 ? Un an après les événements survenus en 1992, chacun a poursuivi sa route. Soutien enthousiaste d’un nouveau leader politique nommé Silvio Berlusconi (Paolo Perobon), le publicitaire Leonardo Notte (Stefano Accorsi) est rattrapé par son passé ; alcoolique et toxicomane, Pietro Bosco (Guido Caprino) s’intègre difficilement au monde politique auquel il est étranger ; Victoria (Miriam Leone) apparaît désormais à la télévision ; le policier Luca Pastore (Domenico Diele) approfondit son enquête sur le scandale du sang contaminé ; Bibi Mainaghi (Tea Falco) a pris la tête de l’entreprise familiale. Tous font face aux conséquences de leurs actes, dans une situation politico-financière toujours aussi tendue, sur fond de procès Enimont (gigantesque affaire de pots-de-vin), déclin du Parti socialiste, attentats mafieux et chute de la Première République.

Lancée en 2016 sur une idée de Stefano Accorsi, 1992 avait séduit par sa pertinence et la fluidité de son récit. Ambitieuse et intelligente, la série racontait le parcours croisé de cinq personnages, avec en arrière-plan  les soubresauts politiques d’une Italie en plein bouleversement, entre scandales de corruption, chutes des grands industriels et politiciens, émergence de l’extrême-droite et apparition sur la scène politique d’un certain Berlusconi. On attendait donc avec impatience la suite, logiquement intitulée 1993… Cette  saison reste excellente, mais elle nous a paru légèrement en-deçà de la première.

Le problème ne vient pas du récit en lui-même, toujours brillant et inspiré, dans lequel on retrouve nos cinq héros. Dans 1992, chacun d’entre eux poursuivait un but ou un idéal ; 1993 raconte comment leurs aspirations respectives se heurtent de plein fouet  à la dure réalité, les obligeant à sacrifier leurs rêves au nom d’un certain pragmatisme.

Notte et Berlusconi : les deux font la paire

 

Ainsi, le charismatique Leonardo Notte est contraint de s’éloigner de Berlusconi, qu’il soutenait depuis le début, lorsqu’il est rattrapé par les actions commises un an plus tôt. Lui-même infecté, le policier Luca Pastore part en croisade contre les autorités sanitaires italiennes pour mettre au jour le scandale du sang contaminé,  malgré les réticences de ses supérieurs. Avec son discours brut et décomplexé, Bosco est d’abord instrumentalisé par son parti, La ligue du nord ; moins naïf qu’il n’y paraît, il finit par modérer ses positions et entre de plain-pied dans un monde politique fait de conspirations et de trahisons. Désormais vedette de la télévision, Veronica doit choisir entre sa carrière et son intégrité lorsqu’un magazine people menace de publier des photos érotiques. Enfin, Bibi Mainaghi tente de reconstruire l’entreprise familiale dans la légalité, alors qu’elle est visée par une enquête et menacée par les anciens associés mafieux de son père, qui s’est suicidé pour échapper à la justice.

Leurs parcours croisés, leurs destins inextricablement liés sont toujours passionnants à suivre et la série est toujours aussi rigoureuse dans la reconstitution des faits et de l’ambiance enfiévrée de l’époque. Alors, d’où vient cette légère déception ? 1992 était bluffante dans la manière dont elle liait la situation politique et sociale aux histoires personnelles de ses protagonistes dans un récit choral cohérent et équilibré. Si 1993 parvient à approfondir le récit et ses personnages, creusant davantage leurs motivations et leurs contradictions, elle est toutefois moins convaincante. Il manque quelque chose – plusieurs choses, en fait – pour que cette deuxième saison provoque le même enthousiasme que la première.


A lire aussi : 1992 (OCS) : Les nouveaux monstres


D’abord, on s’attendait à ce que 1993 continue d’ausculter la situation politique italienne, notamment avec  l’entrée de Berlusconi dans l’arène politique. Or, ce n’est pas le cas – et ce changement de direction est assez surprenant. Le Cavaliere est finalement assez inconsistant (malgré l’excellente interprétation de Paolo Pierobon), et il finit par s’effacer au profit des cinq protagonistes. Moins prégnant, l’arrière-plan politique devient parfois anecdotique, quand il servait de moteur à l’action de 1992.

Pietro Bosco, fer de lance de La ligue du Nord

 

Ensuite, le bel équilibre entre les différents axes narratifs est moindre, des personnages comme Bosco ou Notte prenant nettement le pas sur Bibi ou Pastore. L’ajout de personnages secondaires (la sœur de Veronica ou la mère de Bibi), sans doute nécessaire pour enrichir la trame, semble davantage dicté par les besoins du scénario que par un souci de cohérence. Enfin, le passé de Notte fait l’objet d’une série de flash-backs maladroits : la succession d’événements l’ayant transformé en cet homme cynique et amoral est extrêmement intéressante mais amenées de manière artificielle, ces séquences créent un hiatus gênant dans le récit principal.

Malgré ces défauts, 1993 reste une bonne saison, fidèle à l’esprit de la précédente. L’écriture y est moins maîtrisée et la force du propos est atténuée par la dilution de l’arrière-plan historique ; néanmoins, les personnages principaux restent intelligemment construits, complexes et très bien interprétés. S’ajoutent des cliffhangers particulièrement réussis, une mise en scène élégante et efficace, et une bande-son remarquable, mélange de chansons italiennes et des tubes internationaux de l’époque (magnifique, le Mmm Mmm Mmm Mmm des Crash test Dummies en conclusion d’un épisode). L’un dans l’autre, 1993 est une bonne cuvée – c’est juste un moins bon millésime que 1992.

Suite de 1992, 1993 n’est pas entièrement à la hauteur des attentes. Sans négliger le contexte politique, la série le traite comme une simple toile de fond sans vraiment le lier au destin des personnages, comme elle l’avait si bien fait auparavant. 1993 ferait presque office de saison de transition – avant 1994, année riche en événements, socle idéal d’un final qu’on espère magistral. Marquée par la condamnation de plusieurs dirigeants politiques et la démission du gouvernement Craxi, c’est aussi une période d’espoir, avec la formation du parti Forza Italia et surtout l’accession de Berlusconi au pouvoir. Des espoirs déçus – mais ça, c’est déjà une autre histoire…

1993 (Sky Italia)
8 épisodes de 50’environ
Diffusion sur OCS MAX à partir du 5 Décembre

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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