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On a vu pour vous … American Crime Story, The Assassination of Gianni Versace (FX / Canal +)

Après le procès O.J. Simpson, la série se penche sur une autre affaire qui a défrayée la chronique : le meurtre du couturier Gianni Versace. En s’attachant davantage au meurtrier qu’à sa victime.

C’est quoi, The Assassination of Gianni Versace ? Au matin du 15 Juillet 1997, le célèbre couturier Gianni Versace (Edgar Ramirez) regagne sa somptueuse villa de Miami après avoir acheté des magazines de mode. Alors qu’il arrive au portail, un homme surgit derrière lui et l’abat de deux balles dans la tête avant de prendre la fuite. Le tireur s’appelle Andrew Cunanan (Darren Criss). Tandis que la presse afflue sur les lieux, guettant notamment l’arrivée de Donatella (Penelope Cruz), sœur du créateur, la police commence son enquête. Et se lance sur les traces de l’assassin, un homme à la personnalité complexe et sulfureuse, qui n’en est pas à son premier meurtre.    

Alors que la deuxième saison de la série anthologique de Ryan Murphy et Brad Falchuk aurait dû se pencher sur les suites judiciaires de l’ouragan Katrina, des raisons techniques les ont finalement contraints à traiter d’abord un autre sujet : le meurtre du couturier Gianni Versace. En saison 1, American Crime Story avait utilisé l’affaire Simpson comme toile de fond à une analyse des tensions raciales et du sensationnalisme médiatique. De l’aveu même de Ryan Murphy, The Assassination of Gianni Versace entend reprendre le même stratagème pour dénoncer l’homophobie latente, dans des années 1990 où l’administration Clinton impose la politique du Don’t Ask, Don’t Tell. Selon le showrunner, la mort de Versace aurait pu être évitée si les autres meurtres commis par Cunanan avaient été résolus pus tôt, et si les  enquêteurs ne s’étaient pas laissés abuser par leurs préjugés.

Versace donne son nom à la série, mais n’est pas le personnage principal

 

L’homophobie, la difficulté pour les homosexuels de revendiquer leur identité apparaît clairement – dans  l’attitude de la police, l’homosexualité refoulée ou cachée de certaines victimes du tueur, la question du Sida, la prostitution occasionnelle de Cunanan ou les incursions dans les boîtes de nuit et clubs gays comme seuls lieux où l’on peut ouvertement s’assumer. Cependant, l’analyse apparaît parfois un peu forcée, et la composante sociale de la série est bien moins passionnante que le regard qu’elle porte sur un homme en particulier : Andrew Cunanan. Ne vous fiez pas au sous-titre de la saison : American Crime Story s’intéresse moins à Gianni Versace qu’à son assassin, un homme insaisissable conduit aux portes de la folie par  ses complexes et obsessions.

La série débute au matin de la mort du couturier italien, avant de remonter la piste sanglante laissée par Cunanan. D’un personnage à l’autre, entre retours en arrière et séquences au présent, le récit est complexe et parfois difficile à suivre. Globalement, il retrace le parcours du tueur à l’envers, chaque épisode précédant chronologiquement le précédent. En partant de Miami où il abat Versace, on suit Cunanan à Chicago, où il tue un magnat de l’immobilier ; à Minneapolis où il assassine un ancien partenaire et son ami ; en Californie où il est entretenu par de riches amants ; jusqu’à son enfance perturbée. Les vies de Versace et de son meurtrier sont montrées en parallèle, mais le couturier est totalement absent de certains épisodes. Si on découvre la manière dont il a bâti son empire, les liens qui l’unissent à sa sœur ou sa relation libre avec Antonio d’Amico (Ricky Martin), c’est avant tout Cunanan qui est passé au crible.

Penelope Cruz, dans la peau de Donatella Versace

 

On a beaucoup parlé de la présence au casting de Penelope Cruz dans le rôle de Donatella Versace et de Ricky Martin dans celui de l’amant du couturier. Leur interprétation est correcte, en particulier celle de l’actrice espagnole qui sort relativement bien de l’image caricaturale souvent associée à Donatella pour montrer toute la frustration et la douleur de cette femme, héritière de la maison de couture de son frère, qui le voit traîné dans la boue par la presse à scandale. Edgar Ramirez, qui incarne Gianni Versace, est encore plus convaincant.

Mais la vraie surprise vient de Darren Criss. Découvert dans Glee (autre série de Ryan Murphy), il se glisse à la perfection dans la peau de Cunanan dont il saisit toute la dérangeante complexité. Derrière le jeune homme avenant et exubérant se cache un dangereux psychopathe, un mégalomane dévoré par l’envie et capable d’un déchaînement de violence lorsqu’il est acculé.  C’est surtout un mythomane qui ne cesse de mentir à ses interlocuteurs sur son passé ou son histoire familiale, qui s’invente des relations people, des succès professionnels et de multiples identités dont il change à volonté, comme un Rubik’s cube aux multiples facettes.

Cunanan, tueur à la personnalité insaisissable

 

Aujourd’hui encore, les motivations du vrai Cunanan ne sont pas claires. Les criminologues et psychiatres en sont réduits à avancer diverses hypothèses et la série  ne prétend pas détenir la clé du mystère. Cependant, la mise en parallèle de Versace et Cunanan prend des airs de tragédie grecque. Elle oppose constamment celui qui s’assume à celui qui se cache, celui qui a réussi à celui qui a tout raté, celui qui a transcendé son passé à celui qui en est prisonnier ; celui (comme le dit le titre d’un épisode) qui crée et celui qui détruit. Partagé entre fascination et envie, l’admirant et le détestant à parts égales, le Cunanan de la série tue finalement en Versace le symbole de ce que lui-même n’a jamais pu devenir. Se faisant, il atteint enfin son macabre objectif : devenir célèbre. Fusse comme l’assassin de Gianni Versace.

Tentant de réitérer le succès de la saison précédente en abordant cette fois la thématique de l’homophobie à travers un autre crime médiatique, American Crime Story a tendance à se perdre. Certainement moins convaincante, cette saison 2  n’est pas aussi solide dans l’analyse sociale et sa construction risque parfois de plonger le spectateur dans la confusion. Mais dans le portrait glaçant qu’elle tisse du tueur Andrew Cunanan, The Assassination of Gianni Versace fait dans la haute couture. Pièce unique et collection capsule, en attendant le prochain défilé – cette fois consacré à l’ouragan Katrina.  

American Crime Story : the assassination of Gianni Versace (FX)
9 épisodes de 50′ environ.
Diffusion sur Canal Plus à partir du 29 Mars.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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