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On a vu pour vous … Guerre et Paix, l’adaptation de Tolstoï sur France 2 pour les fêtes

Cadeau de Noël de France 2, la mini-série britannique Guerre et Paix perd un peu de l’âme du roman de Tolstoï, mais elle reste une jolie réussite.

C’est quoi, Guerre et Paix ? En 1805, alors que la guerre fait rage en Autriche où l’armée alliée aux forces russes tente de repousser les assauts des troupes de Napoléon, Anna Pavlovna (Gillian Anderson) organise un grand bal à Saint-Pétersbourg. Y sont conviées les grandes familles de la noblesse, et notamment la jeune Natasha Rostova (Lily James), Pierre (Paul Dano), fils bâtard et héritier du Comte Bezukhov, et le Prince André (James Norton)  qui souhaite rejoindre l’armée. Ils sont loin d’imaginer l’impact que le conflit va avoir sur leurs vies : entre aspirations personnelles, rêves de gloire et relations sentimentales, leurs destins respectifs inextricablement liés vont être à jamais bouleversés par la guerre.

Il faut avoir l’estomac solide pour tenter d’adapter en mini-série le Guerre et Paix de Tolstoï, pavé et chef d’œuvre de la littérature. Toutefois, si résumer le roman est une véritable gageure, c’est  moins en raison de sa longueur que de la richesse d’une écriture complexe, qui mêle destinées des personnages, récit de guerre, réflexions philosophiques et analyse sociale. La BBC a pourtant relevé le défi – brillamment, malgré d’inévitables raccourcis et simplifications. En se centrant sur l’essentiel – l’histoire de deux familles russes durant l’invasion napoléonienne – la série perd certains aspects du roman, mais le transforme en un drama historico-romantique non dénué de charme et d’intérêt.

 Fresque monumentale, le roman comporte un nombre étourdissant de personnages. Il faut donc  s’accrocher pour suivre le premier épisode, la série prenant pour prétexte la réception donnée par la comtesse Pavlova pour présenter tous les protagonistes : en 10 minutes,  nous faisons la connaissance d’une quinzaine de personnages, passant de l’un à l’autre dans des scènes redondantes de danses et de dialogues. La narration est lente et parfois pesante, mais l’objectif est atteint : sacrifiant l’analyse psychologique présente dans le texte, cette introduction brosse à grands traits le portrait des protagonistes et les met en situation, gagnant en efficacité ce qu’elle perd en profondeur.

Au centre du récit : Pierre, Natasha et André

L’histoire se focalise sur trois personnages, jeunes gens à l’aube de leurs vies, dont les aspirations et les idéaux vont se heurter de plein fouet à un monde en plein bouleversement. Jeune adolescente spontanée et insouciante, Natasha Rostova est bercée par le rêve d’une histoire d’amour à la fois romantique et passionnée. Pierre, fils bâtard du comte Bezukhov, revient au chevet de son père malade ; éduqué à l’étranger, c’est un naïf idéaliste à la tête farcie d’idées libérales voire révolutionnaires, rejeté par la bonne société pétersbourgeoise. Enfin, le Prince André, brillant aristocrate qui rêve de gloire, décide de s’enrôler dans l’armée alors que son épouse attend leur premier enfant. Ce sont les parcours croisés de ses trois amis que nous allons suivre sur une dizaine d’années, alors qu’ils subissent les conséquences de la guerre.

Alerte, spoiler : ça va mal tourner pour Napoléon (Matthieu Kassovitz)

 

Se développent ainsi plusieurs intrigues – familiales, politiques, amoureuses– au cours desquelles Natasha, Pierre et André vont se chercher, se perdre, se construire, accomplir leurs rêves ou y renoncer face aux désillusions.Toute la dynamique de la mini-série repose sur un mouvement constant entre ces personnages, liés entre eux mais aussi dépendants des événements historiques qui se déroulent en arrière-plan. Sur et en dehors des champs de bataille, la série se nourrit de leurs choix et des épreuves qu’ils affrontent.  La série ne néglige pas totalement le conflit opposant Russes et Français : outre quelques scènes de bataille spectaculaires, la guerre reste toujours présente comme une ombre planant sur la vie quotidienne des héros. Toutefois, ce sont les intrigues amoureuses qui sont au centre du récit : mariage arrangé pour sauver la famille de la ruine, union malheureuse, cour maladroite d’un prétendant, fiançailles rompues… En se focalisant sur cet aspect, la série s’éloigne de l’essence du roman pour le transformer en autre chose – une sorte de version russe de Downton Abbey.

Bien que réussie dans sa globalité, la série finit toutefois par se heurter à l’écueil inhérent à l’adaptation en 6 épisodes d’une heure d’un pavé tel que Guerre et Paix : elle se révèle incapable de condenser l’histoire tout en accordant l’espace nécessaire à chaque personnage et à chaque intrigue. Au terme du dernier épisode, on peine à saisir le rôle de certains personnages, certains arcs narratifs semblent un peu vite expédiés, et la conclusion surprend… (C’est trop beau pour être vrai, et surtout à l’opposé de l’épilogue voulu par Tolstoï).

Entrez dans la danse : ce Guerre et Paix en vaut la peine

 

Mais épique et romanesque, la série reste délicieuse. Les acteurs sont en général inspirés (outre les interprètes principaux, citons Gillian Anderson, Tom Burke, Stephen Rea ou Matthieu Kassovitz) – à l’exception peut-être de Paul Dano, qui force un peu la candeur et la naïveté de Pierre dans le premier épisode. Surtout, Guerre et Paix est un petit bijou dans sa réalisation et sa mise en scène: les décors et les costumes sont somptueux, les scènes de guerre grandioses, la photographie portée par des couleurs brillantes, et les séquences de bal bénéficient d’une chorégraphie magnifique. On n’en attendait pas moins de la BBC, qui démontre une fois encore son savoir-faire en la matière, au point que la féerie des images est en elle-même une raison suffisante de se laisser porter par l’histoire.

Tâche ardue voire impossible que d’adapter en six épisodes Guerre et Paix de Tolstoï, avec toute sa richesse psychologique, son sous-texte philosophique et l’acuité de son analyse. Mais la BBC s’en tire avec les honneurs. Les zélateurs de l’œuvre tolstoïenne trouveront à y redire ; série charmante et prenante, ce Guerre et Paix ne manque pourtant pas de panache. Elle a en outre l’immense vertu de permettre d’entrer dans l’un des plus grands chefs d’œuvre de la littérature. Preuve d’une indéniable qualité, la série a relancé l’intérêt pour le roman en Angleterre, jusqu’à le porter dans le top 50 des livres les plus vendus…

Guerre et Paix (BBC)
6 épisodes de 55′ environ.
Diffusion sur France 2 à partir du 25 Décembre

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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