Qui dit roman culte, qui forcément adaptation très attendue pour Le crime de l’Orient-Express, réalisé et interprété par Sir Kenneth Branagh. Alors que Mort sur le Nil est toujours dans les salles, retour sur cette adaptation.
C’est quoi Le crime de l’Orient-Express ? Le luxe et le calme d’un voyage en Orient-Express est soudainement bouleversé par un meurtre, celui d’un homme d’affaires Ratchett. Les 12 passagers sont tous suspects et le fameux détective Hercule Poirot (Kenneth Branagh) se lance dans une course contre la montre pour identifier l’assassin, avant qu’il ne frappe à nouveau.
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Avec Les dix petits nègres, Le crime de l’Orient-Express est sans nulle doute le roman le plus connu d’Agatha Christie. Sur une enquête menée par le personnage iconique Hercule Poirot, détective belge, Le crime de l’Orient-Express a connu 3 adaptations avant celle de Branagh : celle extrêmement connue de Sydney Lumet (1974) avec Albert Finney dans le rôle de Poirot, une moins connu en télé avec Alfred Molina (2001) et en 2010, la série Hercule Poirot l’adapte pour la télévision. A chaque fois, l’idée est d’apporter quelque chose de nouveau par rapport à la version d’avant.
Albert Finney et David Suchet : 2 Poirot très différents
Paradoxalement, si la popularité du roman ne fait pas de doute, il n’a pas eu comme on l’a vu autant d’adaptations qu’on aurait pu le penser. Deux raisons : les héritiers d’Agatha Christie protègent très bien son oeuvre et ne déverrouillent pas si facilement les droits d’adaptation (dans ce cas précis, les droits étaient bien bloqués par de gros studios, ce qui explique que par exemple Les petits meurtres d’Agatha Christie ne l’ait jamais adapté) ; une autre raison fait sens : l’adaptation luxueuse de Sydney Lumet en 1974 servie par un casting hallucinant (Lauren Bacall, Anthony Perkins, Ingrid Bergman, Sean Connery…) et un respect profond de l’œuvre a sans doute refroidi les velléités de s’y coller. C’est ce que l’on appelle un beau film, qui prend le temps des interrogatoires, de dénouer les fils tortueux de cette intrigue à la résolution surprenante (dont on ne vous dira rien bien entendu). Albert Finney est un parfait Poirot, maniaque du détail et dont les fameuses petites cellules grises fonctionnent à plein régime.
L’intelligence de la version de la série Hercule Poirot est, tout en préservant l’exactitude du récit et de ses rebondissements, d’offrir une version bien plus sombre. On y retrouve un David Suchet au sommet de son interprétation de Poirot (notamment le désespoir final face à la décision prise concernant le coupable), et une ambiance glaciale.
Kenneth Branagh : un apport supplémentaire à l’histoire ?
L’idée d’adapter une nouvelle fois Le crime de l’Orient-Express est une excellente idée, le but étant de permettre à une nouvelle génération de découvrir cette histoire avec de nouveaux comédiens. Comme en 1974, le casting est magistral : Daisy Ridley, Johnny Depp, Judi Dench et Kenneth Branagh himself dans le rôle de Poirot. L’intrigue est à peu près respectée même si des libertés sont prises avec le début, la musique sublime (dont un titre composé par Branagh et interprété par Michelle Pfeiffer également au casting). La réalisation de Branagh est enlevée et maîtrisée nous offrant de sublimes plans… Et pourtant …
A l’issue de la projection, si l’auteur de ces lignes était convaincu par les éléments cités au dessus, il est plutôt sceptique sur le résultat final. Branagh parvient à nous offrir un nouveau Poirot différent des autres incarnations (n’oublions par Peter Ustinov), mais nouveau Poirot ne veut pas dire bon Poirot. Il en fait parfois beaucoup, cabotine beaucoup (trop) aussi et on a même eu peur en début de film d’assister à un Poirot moderne façon Sherlock Holmes – Robert Downey Jr. Une brillante brochette de comédiens sont présents au casting mais aucun ne parvient à donner vie aux personnages complexes qui voyagent dans l’Orient-Express ; on ne croit par exemple pas un seul instant à Johnny Depp en tueur d’enfants. La résolution du crime est bien entendu préservée – à une ou deux variantes près – mais le dilemme moral qui habite Poirot et la question sur la Justice était déjà la même réflexion opérée dans la version télé avec David Suchet, qui le faisait passer de manière bien plus subtile.
Et enfin, le petit clin d’œil final au roman Mort sur le Nil est amusant mais vraiment dispensable.
Le crime de l’Orient-Express façon Branagh est un beau film, très bien réalisé, mais qui n’apporte rien de neuf à cette histoire ultra connue, la version télévisée de 2010 avait déjà tout apporté. On ne boude pas son plaisir de revoir un polar à l’ancienne mais c’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas plus.