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On a redécouvert pour vous … An African City : black is beautiful (Ghana)

On vous emmène aujourd’hui en voyage. Cap sur l’Afrique, et plus précisément sur le Ghana, où se déroule la web-série An African City.

C’est quoi An African City ? Née au Ghana, Nana Yaa (Maame Yaa Boafo) a grandi et étudié à New York. A l’aube de la trentaine, elle s’installe à Accra, pour se rapprocher de sa famille rentrée au pays plusieurs années auparavant. Elle y retrouve également ses amies, femmes actives et indépendantes au profil similaire : après une scolarité exemplaire et un début de carrière prometteur, ces trentenaires célibataires ont choisi de revenir au Ghana, renouer avec leurs racines et participer au développement de leur pays d’origine. Mais la ré-expatriation s’avère plus difficile que prévue… Heureusement, chacune peut compter sur le soutien des autres filles de la bande, et se confier sur ses galères professionnelles et sa vie amoureuse compliquée.

Pour créer An African City, la productrice Nicole Amarteifio s’est directement inspirée de sa propre expérience puisqu’elle-même est née au Ghana mais a grandi à l’étranger. Au départ, la diffusion sur internet avait pour seul but d’attirer l’attention  des chaînes de télévision, mais la jeune femme a finalement trouvé que le format de la web-série était plus approprié, parce qu’il lui offrait la latitude nécessaire pour réaliser la série qu’elle avait en tête. Constituée de 10 épisodes de 15 minutes environ, la saison 1 a connu un joli succès (1 million de vues sur YouTube).

A la lecture des grandes lignes du scénario, on pense inévitablement à Sex & The City. Depuis le succès mondial de la série de Darren Star, diffusée de 1998 à 2004 et devenue entre-temps un véritable phénomène de société, l’ombre de Carrie Bradshaw et de ses acolytes plane sur toutes les bandes de copines du petit écran – a fortiori lorsque l’amour et le sexe sont au centre de leurs préoccupations. Ici, la comparaison se justifie d’autant plus qu’elle est bien accueillie et même revendiquée. L’influence est évidente et la thématique, les personnages, l’identité visuelle, la structure des épisodes sont extrêmement similaires – au point que l’on se demande parfois où se situe la frontière entre inspiration et imitation… En revanche, le cadre géographique et l’appartenance ethnique renouvellent certaines problématiques en modifiant la perspective sous laquelle elles sont abordées. Qualifier An African City de Sex & The City africain est donc un raccourci facile, mais non dénué de pertinence, et ce sont justement ces rapprochements qui permettent de dégager certaines spécificités.

Evidemment, les personnages ont quelque chose de familier, la série reprenant avec ses 5 héroïnes le schéma archétypal de sa grande sœur américaine. Nous suivons Nana Yaa (Maame Yaa Boafo), journaliste revenue dans son Ghana natal après de brillantes études aux Etats-Unis, mais pour qui la réadaptation est plus compliquée qu’elle ne le pensait, surtout lorsqu’elle découvre que son ex, dont elle est toujours amoureuse, s’est également réinstallé à Accra… De son côté, Zainab (Maame Adjei) est une femme d’affaires accaparée par sa carrière, au détriment de sa vie amoureuse. Sade (Nana Mensah), diplômée d’Harvard, travaille dans le marketing ; grande gueule, décomplexée sexuellement, elle entretient des liaisons avec des hommes mariés et collectionne les sugar daddies prêts à la couvrir de cadeaux. Makena (Marie Humbert), née d’un couple mixte, est une avocate diplômée d’Oxford qui ne trouve pas d’emploi fixe. Enfin, Ngozi (Esosa E), chrétienne convaincue et végétarienne pratiquante, cherche le grand amour et se préserve pour le mariage.

On a forcément un sentiment de déjà-vu, mais l’identification n’en est pas moins efficace puisque chaque spectatrice peut se retrouver dans une – voire plusieurs – des protagonistes : la carriériste, la romantique, la femme libérée… Et malgré des personnages très caractérisés, les comédiennes jouent avec suffisamment de nuance pour éviter de tomber dans la caricature. Nana Mensah et Marie Humbert sont étonnantes de naturel, absolument parfaites dans leur rôle respectif ; Esosa E est parfois trop démonstrative quand, au contraire, Mamme Yaa Boafo est un peu trop dans la retenue. Mais dans l’ensemble, l’interprétation est convaincante et les filles, sympathiques et attachantes. On se surprend à enchaîner les épisodes, ravi(e) de retrouver les cinq amies comme si on faisait partie de la bande – preuve que les personnages sont particulièrement réussis.

Chacun des 10 volets qui composent la première saison s’ouvre et se conclut par la voix off de Nana, narratrice qui ponctue les séquences de ses interventions. D’une durée d’à peine quelques minutes, les différentes scènes s’enchaînent avec fluidité. Elles se focalisent tour à tour sur chacune des protagonistes dont elles racontent une mésaventure professionnelle et / ou sentimentale, ou bien les cinq héroïnes sont réunies chez l’une d’elles ou dans un restaurant branché, pour discuter des évènements qui leur sont arrivés. La mécanique n’est pas inédite, mais elle fonctionne bien et la succession rapide de courtes scènes créé une dynamique et donne du rythme au récit. L’écriture, tout aussi enlevée, exploite à merveille le potentiel comique des situations rencontrées par la bande, notamment avec des dialogues croustillants et sans fausse pudeur. Certes, le sexe se limite à quelques mouvements sous les draps, mais les filles parlent cash et appellent une chatte une chatte, sans pour autant tomber dans la vulgarité. Vous apprendrez ainsi que les trois questions les plus fréquemment posées par un homme africain sont : est-ce que tu as joui ? Est-ce que tu avales ? Est-ce que tu sais cuisiner ?…  On regrettera peut-être une musique omniprésente et redondante, mais toujours parfaitement adaptée et qui contribue indéniablement à l’ambiance de la série.

L’une des qualités de An African City tient à ce que les anecdotes qui composent la vie amoureuse des protagonistes sont pour la plupart tirées d’expériences vécues, et cela se ressent fortement. Bien que ces femmes fassent partie d’une classe sociale privilégiée – elles écument les boutiques de créateurs, roulent en berline et fréquentent les hauts lieux d’Accra – leurs galères professionnelles et leurs histoires de mecs foireuses sont totalement susceptibles de parler au public féminin auquel elle s’adresse. Laquelle d’entre nous n’a jamais hésité sur la manière d’aborder la question du préservatif avec son nouveau copain ? Quelle femme n’a jamais été confrontée à la nouvelle fiancée de son ex ? Faut-il vraiment rester amie avec ledit ex sur les réseaux sociaux ? Que faire lorsque vous découvrez que votre copain est  accro aux films pornos ? Et que celle qui n’a jamais cherché à en savoir plus sur un flirt potentiel en visitant son profil Facebook me jette le premier escarpin (Louboutin ou Manolo Blahnik, de préférence.)  Le plafond de verre qui entrave l’ascension professionnelle des femmes au profit de leurs homologues masculins semble à peine plus marqué en Afrique, et le sexisme omniprésent imprègne le monde de l’entreprise : entretien d’embauche qui se transforme en rendez-vous galant, questions oiseuses sur un éventuel désir de maternité, scepticisme envers une jolie femme toujours célibataire et qui privilégie sa carrière…

D’un autre côté, An African City embrasse pleinement le cadre géographique dans lequel elle s’inscrit et les questions ethniques et sociales qui découlent de son implantation sur ce continent. La série les traite avec la même légèreté et sur le même ton humoristique, mais de la plus anodine à la plus sensible, elle les aborde avec sérieux et pertinence. La corruption, la lourdeur bureaucratique (les services des douanes ne semblent guère enclins à valider l’entrée d’un vibro-masseur sur le territoire…), mais aussi la pression sociale qui incite les femmes à se faire raidir les cheveux ou blanchir la peau (« Vous seriez tellement jolie si vous étiez moins noire », lance un vendeuse à Zainab, en lui tendant le produit adéquat), leur indépendance économique ou le thème récurrent du Sida et la réticence des hommes à se protéger au prétexte que leur compagne « a l’air saine » : autant de sujets évoqués de manière frontale, sans précaution oratoire ni faux-semblant. La dénonciation n’occulte jamais la trame narrative, la critique s’entremêlant avec fluidité au récit ; elle n’en est pas moins clairement présente et enrichit un propos, moins frivole qu’il n’y paraît. An African City reste avant tout une comédie divertissante et sympathique sur la forme, mais elle développe sur le fond un discours féministe et militant qui passe d’autant mieux que la série n’est ni insistante ni moralisatrice.

En s’appuyant largement sur Sex & The City, dont elle reprend les codes, les ressorts et même certains aspects des personnages, An African City exploite le modèle moins pour le renouveler ou s’en écarter que pour y ajouter une dimension supplémentaire toute personnelle, liée à l’environnement qui est le sien. Sans doute porte-telle un regard original et décalé sur la situation des jeunes femmes africaines, et plus précisément sur celles qui appartiennent à deux cultures et ont choisi de rejoindre leur continent d’origine pour y faire leur vie et participer de son essor économique. Mais la vision est loin d’être aussi réductrice : chacune peut se retrouver dans les portraits féminins, drôles et réalistes, au-delà de toute appartenance ethnique. En Afrique ou ailleurs, Beyonce l’a bien compris : Who run the world ? Girls !

Crédit photos : An African City

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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