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On a revu pour vous… UnReal, les dessous de la télé-réalité

UnReal plonge avec cynisme dans les coulisses pas très reluisantes d’une télé-réalité qui n’a de réalité que le nom. Petit retour sur la série à l’approche de la diffusion de La Flamme.

C’est quoi, UnReal ? Everlasting est l’une des émissions de télé-réalité les plus populaires aux États-Unis : comme dans The Bachelor, des prétendant(e)s se disputent les faveurs d’un(e) célibataire sous l’œil des spectateurs. Avec son assistante Rachel (Shiri Appleby), la productrice exécutive Quinn (Constance Zimmer) concocte en coulisses des histoires et des intrigues sulfureuses, manipule les uns et les autres pour provoquer des coups de théâtre et rendre son public accro.  Suivant l’exemple de son mentor, Rachel ne recule devant rien pour faire monter la tension – quitte à mettre en péril l’équilibre mental des candidats… et le sien.

Que celui qui n’a jamais jeté un œil sur Loft Story nous jette la première pierre. Genre protéiforme, la télé-réalité se décline dans des formats divers parmi lesquels des émissions comme The Bachelor, où plusieurs prétendant(e)s s’affrontent pour les beaux yeux d’un(e) célibataire. Dans sa série La Flamme, le 12 Octobre sur Canal Plus, Jonathan Cohen parodie ce type de programmes ; c’était aussi l’idée de UnReal, série américaine diffusée de 2015 à 2018.

UnReal a été créée par Sarah Gertrude Shapiro, productrice de The Bachelor pendant plusieurs saisons. Une expérience mal vécue, qu’elle a transposée dans un court-métrage où un producteur de télé-réalité manipule un candidat pour qu’il fasse une crise en direct devant les caméras. Suite à ce film, la chaîne Lifetime a eu l’idée d’en tirer une série : Shapiro s’est inspirée de son expérience personnelle pour en écrire les épisodes avec le concours de la scénariste Marti Noxon.  UnReal est donc une série qui joue sur la mise en abîme : c’est de la télévision qui montre l’envers de la  télévision, comme 30 Rock, The newsroom ou plus récemment The morning show. Il y a une émission dans l’émission, en l’occurrence un programme de télé-réalité type Bachelor.  

L’histoire, centrée autant sur les candidats que sur l’équipe technique, montre le processus de création sur plusieurs niveaux interconnectés : le choix en amont de candidat(e)s stéréotypé(e)s (le ou la romantique, le ou la timide, la bombasse ou le playboy…) et facilement manipulables ; pendant le tournage, les assistants sensés les « coacher » leur donnent des informations biaisées pour provoquer des disputes ; le prétendant (un aristocrate britannique, un quarterback ou une businesswoman) est influencé par la production qui tente d’orienter son choix pour éliminer les concurrent(e)s les moins charismatiques ; en coulisses, les producteurs  rendent des comptes aux dirigeants de la chaîne (l’un deux est interprété par Ioan Gruffrud) et complotent les uns contre les autres ; enfin le prime time de Everlasting, où tous les conflits préalablement ourdis éclatent en direct devant les caméras.  

A laquelle de ses prétendantes le célibataire donnera-t-il la rose ?

Everlasting n’est pas scénarisée, c’est pire : elle est entièrement construite pour tirer profit des fragilités des candidat(e)s, provoquer des conflits et des altercations susceptibles de fournir à l’émission des scènes spectaculaires et racoleuses, faire monter le buzz et l’audience. Le cerveau derrière ce cirque médiatique, celle qui tire les ficelles des marionnettes de Everlasting (y compris ceux qui travaillent sur l’émission), c’est Quinn. Interprétée par une Constance Zimmer magnétique, c’est une manipulatrice cynique et ambitieuse qui ne sert que ses propres intérêts ; une femme sadique qui prend manifestement plaisir à assister au chaos qu’elle a engendré.

Tout au long de la série, on ne cesse de se demander si Quinn va oser… et oui, elle ose ! Tout est bon pour faire monter l’audience, tous les coups (bas) sont permis : mentir aux participants, leur confier des informations personnelles sur leurs adversaires, les pousser à coucher les uns avec les autres, raviver de vieilles querelles familiales ou des traumatismes, dévoiler une vieille addiction à l’alcool ou une tentative de suicide… Il n’ y a aucune limite – et surtout pas celles de la morale ou de l’éthique. Comme dans la vidéo suivante, où la production provoque une confrontation entre les prétendantes et le célibataire. 

Rachel et Quinn, aux manettes de Everlasting

Ces machinations font avancer les intrigues de Everlasting, mais aussi de UnReal. En dehors du plateau, les manigances ourdies au détriment des candidat(e)s plongent l’assistante de Quinn, Rachel, dans des tourments et dilemmes insurmontables. Incarnée par Shiri Appleby (vue dans Roswell), la jeune femme est  une productrice brillante mais consumée par son travail, incapable de concilier ses convictions morales et féministes d’un côté, et la manière dont elle utilise les mêmes méthodes que Quinn pour obtenir des séquences sulfureuses de l’autre.  Pour gérer cette dichotomie, elle se noie dans l’alcool et le sexe, bascule dans la névrose et la dépression, décide de quitter l’émission…mais finit toujours par y revenir.

Le principal défaut de UnReal est finalement le même que celui de Everlasting : il faut toujours aller plus loin dans l’outrance, enchaîner les rebondissements et les intrigues quitte à en faire trop. Bien maîtrisée dans la première saison, cette succession de coups tordus et de coups de théâtre l’est un peu moins par moments : il se passe une multitude de choses au cours d’un seul épisode et on ne risque pas de s’ennuyer, mais c’est aussi ce qui enlève un peu de fluidité et de crédibilité à la série.

UnReal n’en reste pas moins divertissante et plus riche qu’il n’y paraît. D’abord grâce aux relations entre ses personnages : lorsque UnReal commence, Everlasting existe depuis des années et tous les protagonistes ont des liens qui influent sur l’histoire – par exemple l’étrange relation perverse entre Rachel et Quinn, la liaison de cette dernière avec le créateur du programme Chet (Craig Bierko – dans le rôle d’un macho vulgaire absolument détestable), ou l’instabilité chronique de Rachel. 

UnReal a aussi l’intelligence de se focaliser sur le duo formé par Quinn et Rachel : deux personnages féminins, que l’on pourrait qualifier de s**opes mais qui ont pourtant une dimension féministe, chacune à leur manière. Quinn, en apparence insensible et cynique, est un bulldozer qui n’hésite pas à écraser quiconque se met en travers de ses ambitions ; Rachel nourrit peu à peu l’idée de se servir de Everlasting pour porter un propos féministe. Dans les deux cas, ce sont deux femmes fortes et complexes, qui mènent le jeu du début à la fin. 

Enfin – et c’est l’idée de départ de la série – UnReal décortique les mécanismes narratifs de ce type d’émissions. Ce n’est pas une parodie, mais plutôt une satire cynique qui pousse les curseurs aussi loin que possible pour montrer une prétendue «réalité» frelatée, où tout repose sur l’art délicat de la manipulation et du mensonge. Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que la télé-réalité montre quelque chose de réel ; UnReal va plus loin avec un système pervers dont le seul but est l’audience et l’argent de la publicité qui va avec – sans se soucier des victimes collatérales parmi les candidat(e)s et, ici, les producteurs eux-mêmes. 

UnReal est une série cynique empreinte d’humour noir, qui navigue en permanence entre la comédie et le drama en plongeant dans les coulisses d’une émission type Bachelor. Maîtrisant parfaitement la mise en abîme, pleine de rebondissements et avec des personnages forts, la série montre une télé-réalité qui n’a de réalité que le nom. UnReal met aussi en scène deux héroïnes complexes et charismatiques, prêtes à tout pour réussir – quitte à détruire les autres et à sacrifier toute trace de moralité sur l’autel de leurs ambitions.

UnReal (Lifetime)
4 saisons – 38 épisodes de 42′ environ. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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