La huitième saison de Shameless vient de s’achever aux États-Unis. Avec un récit toujours drôle et déjanté, mais aussi plus confus et moins abouti.
C’est quoi, Shameless ? Famille dysfonctionnelle du quartier ouvrier de Chicago, les Gallagher sont toujours entre deux disputes et en galère financière. As du système D, ils parviennent pourtant à s’en sortir, par des moyens plus ou moins légaux. Leur mère, Monica, les a abandonné il y a des années mais revient ponctuellement semer le chaos dans leurs vies ; leur père, Frank (William H Macy), est un alcoolique et un toxico qui n’a jamais travaillé et profite joyeusement du système. Livrés à eux-mêmes, ses six enfants se débrouillent donc seuls, notamment grâce à l’aînée, Fiona (Emily Rossum) qui a élevé ses frères et sa sœur.
Lancée en 2011, l’adaptation US de la série britannique Shameless a su conquérir son public, avec des personnages déjantés mais attachants qu’elle entraîne dans des situations rocambolesques. Pourtant, il faut le reconnaître : bien que divertissante et aussi trash que les précédentes, la saison 8 est un peu moins réussie.
L’année dernière, Showtime a tardé à annoncer le renouvellement de Shameless. En cause, la renégociation du contrat d’Emily Rossum, qui réclamait un cachet équivalent à celui de William H. Macy. Si l’actrice a obtenu gain de cause, on peut toutefois penser que les scénaristes avaient envisagé le final de la saison 7 comme une possible conclusion à la série. C’est du moins l’impression que laissait l’ultime scène, succession de séquences montrant les Gallagher après l’enterrement de leur mère : chacun semblait avoir trouvé sa voie et entamait un nouveau chapitre de sa vie.
La mort de Monica marquait donc un tournant, dont Shameless aurait pu se servir pour se renouveler et donner une nouvelle orientation à ses personnages. Or, dès le premier épisode, les scénaristes ont choisi de s’appuyer sur les mêmes ressorts pour plonger les Gallagher dans une suite de mésaventures souvent foutraques, toujours compliquées, et parfois redondantes.
Cette saison est bourrée d’intrigues : Carl (Ethan Cukovsky) entreprend de revendre la drogue laissée par Monica et tombe amoureux d’une cinglée qui exige qu’il abandonne l’école militaire ; Frank décide de chercher un travail (si, si!) pour devenir un « membre productif de la société » (sic) – jusqu’au moment où il renoue avec ses vieilles combines ; Ian (Cameron Monaghan) s’attaque aux prêtres homophobes et devient le leader d’un mouvement appelé The Church of Gay Jesus ; Debbie (Emma Kinney) travaille comme soudeuse tout en élevant sa fille ; Liam est scolarisé dans une école huppée; Fiona se débat avec ses locataires et noue une nouvelle relation ; toujours amoureux de son ex, Lip (Jeremy Allen White) lutte pour rester sobre et vient en aide au Professeur Youens lorsqu’ils retombe dans l’alcoolisme…
Certaines histoires sont réussies : celle centrée sur Lip est probablement la plus aboutie, et William H. Macy est hilarant, à contre-courant du Frank que nous connaissons lorsqu’il tente de s’insérer dans la société et de trouver un vrai job. D’autres le sont moins : l’intrigue dédiée à Fiona répète celles des saisons précédentes, celle de Debbie reste assez plate, l’arc de Ian et du mouvement Gay Jesus est intéressant mais mal maîtrisé. Le pire étant le traitement réservé à Kev (Steve Howey) et Vivi (Shanola Hampton), qui n’ont droit qu’à une succession d’anecdotes disparates (Kevin a un cancer du sein ; Kevin retrouve sa famille biologique ; Kevin s’interroge sur son éventuelle homosexualité ; Kevin tente de se montrer plus autoritaire pour satisfaire les fantasmes de Vivi…).
Prises indépendamment, ces intrigues sont sympathiques et souvent drôles, mais néanmoins légèrement décevantes : elles manquent de cohérence et sont en général résolues grâce à des expédients faciles, avec des rebondissements sortis de nulle part (le somnambulisme de Liam, par exemple). Les nouveaux personnages ont du potentiel (comme l’amant de Fiona, le mystérieux Ford), et ils n’auraient aucun mal à s’intégrer à l’univers de la série ; malheureusement, ils n’ont qu’un rôle pratique. C’est le cas de Nessa, la locataire de Fiona : elle se substitue à Vivi en tant que confidente mais sans histoire en arrière-plan, elle n’a pas la profondeur nécessaire pour susciter un réel intérêt.
Bien sûr, Shameless reste agréable à suivre : on a plaisir à retrouver ses personnages foutraques mais sympathiques, et la série garde son coté trash et décomplexé, avec quelques scènes-choc d’un mauvais goût assumé. Elle évoque aussi en creux certains thèmes de société (le système de santé, les retraites, les réfugiés, la discrimination positive, la fracture socio-économique, entre autres.), de manière superficielle et légère,mais percutante grâce à son ironie féroce et son humour noir. Mais est-ce suffisant ? Shameless s’est toujours appuyée sur ses héros, indépendants mais membres d’une même famille : les Gallagher gèrent leurs petites embrouilles, mais la famille finit par faire bloc dans les coups durs. Et justement, cette dimension est cruellement absente d’une saison constituée d’histoires juxtaposées, qui ne convergent jamais. Les Gallagher se croisent sans qu’il y ait vraiment d’interaction importante entre eux… Voilà certainement le plus gros problème de cette saison 8, Shameless n’étant jamais aussi réussie que lorsqu’elle embarque les Gallagher dans la même galère.
Ne boudons pas notre plaisir : c’est toujours une joie de retrouver les Gallagher – a fortiori lorsqu’on les a vu grandir (à défaut d’évoluer…) au fil des saisons. Il faut pourtant admettre que cette saison 8 est un cran en-dessous des précédentes. Le scénario manque de cohésion et d’enjeux, aucune histoire n’étant a priori assez significative pour peser sur la suite ou avoir un réel impact sur nos héros… Toutes les intrigues sont d’ailleurs plus ou moins résolues – exceptée celle dédiée à Ian, seul cliffhanger en vue d’une saison 9. Des rumeurs laissent entendre qu’il pourrait s’agir de la dernière ; dans ce cas, espérons que Shameless se recentrera sur les Gallagher en tant que famille. Parce que c’est quand même ensemble qu’ils sont les meilleurs. Ou les pires.
Shameless (Showtime)
Saison 8 – 12 X 50′ minutes.