Le créateur de Mad Men est de retour sur Amazon Prime Video, avec une nouvelle série anthologique, The Romanoffs, centrée sur les descendants de la famille impériale russe.
C’est quoi, The Romanoffs ? En Juillet 1918 à Ekaterinburg, le tsar Nicolas II et la famille impériale sont exécutés par les bolchéviks, qui ont pris le pouvoir en Russie. C’est la fin de la dynastie Romanoff, qui régnait depuis 1613. Rapidement, des rumeurs se propagent : certains membres de la famille ne seraient pas morts et seraient parvenus à s’enfuir… De nos jours, à travers le monde, certains se revendiquent descendants de ces survivants. Un héritage parfois lourd à porter, à travers lequel chacun tente de se construire. Ce sont ces personnages que nous allons découvrir, au fil d’histoires indépendantes.
Le nouveau projet de Matthew Wiener, showrunner de Mad Men – couronnée par 15 Emmy Awards et souvent considérée par la critique comme un chef d’œuvre – était attendu avec impatience. Lancée le 12 Octobre sur Amazon Prime, sa nouvelle série s’intitule The Romanoffs – et a déjà été renouvelée avant même le lancement de la première saison.
De durée variable (les trois premiers durent 90 minutes ; certains seront plus courts), les huit épisodes qui la composent ont été réalisés par Weiner et racontent des histoires indépendantes, dans des lieux divers et avec des personnages différents malgré un concept de départ commun : les protagonistes sont ou pensent être des descendants des Romanoff (ou Romanov, selon la graphie française). Le générique est d’ailleurs saisissant : le tsar et sa famille se rassemblent pour un portrait de famille, puis ils sont abattus par les bolcheviks et leur sang coule sur des photographies montrant leurs descendants putatifs.
Le premier épisode, The Violet Hour, se déroule à Paris – avec accordéon, baguette de pain, croissant, bords de Seine… et œuf Fabergé. Avec sa compagne Sophie (Louise Bourgoin) , Greg (Aaron Eckart) a des vues sur le luxueux appartement de sa tante, Anushka LaCharnay (Marthe Keller), une aristocrate se réclamant descendante des Romanoff. Revêche et raciste, la vieille dame voit d’un mauvais œil l’arrivée de sa nouvelle aide-ménagère, Hajar (Inès Melab), une jeune musulmane qui porte le hijab. Mais rapidement, une sorte de complicité va s’établir entre les deux femmes…
Le deuxième épisode que nous avons vu, The Royal We, met en scène un couple en crise conjugale. Michael (Corey Stoll) et sa femme Shelly (Kerry Bishé) sont enlisés dans la routine ; apathique, lui n’a aucun désir et aucune envie. Retenu en tant que juré dans un procès, il laisse son épouse partir seule dans une croisière thématique dédiée à la famille impériale. Séparés, les deux conjoints font face à la tentation : Shelly se rapproche d’un autre passager (Noah Wyle), Michael tente de séduire une autre juré (Janet Montgomery).
La forme anthologique de The Romanoffs rend difficile l’exercice critique, chaque récit offrant quelque chose de différent. La principale réserve que l’on peut émettre concerne les histoires en elles-mêmes, qui sont assez prévisibles et sans grande surprise. Dès que l’intrigue est mise en place, il est facile d’en deviner la progression et le dénouement, et il y a parfois un petit flottement dans les 90 minutes que durent ces deux épisodes.
Néanmoins, la dynamique relationnelle entre les personnages sauve l’ensemble. Certes convenus ( la vielle dame acariâtre, l’héritier avide et la mégère qui lui sert de compagne, le couple en crise), ceux-ci ne sont pas pour autant dénués d’intérêt et tout l’enjeu repose sur leurs motivations et leurs aspirations, sur les interactions qui s’établissent entre eux. En outre, le talent des acteurs compense largement les quelques faiblesses de leurs rôles : Marthe Keller et Inès Melab forment un duo impeccable; avec les doutes et tentations de leurs personnages, Corey Stoll et la géniale Kerry Brishé dynamisent le deuxième épisode. A noter, dans un des suivants, un face-à-face entre Isabelle Huppert et Christina Hendricks.
Il faut aussi saluer la réalisation d’une élégance et d’une précision redoutables, qui souligne les ressorts tacites de l’histoire et met en exergue sa dimension tragique voire comique (The Violet Hour prend des airs de comédie de boulevard, The Royal We emprunte à Woody Allen avant un final digne des frères Coen). La bande-son est à l’avenant,, se tournant vers Rimsky-Korsakov, Tchaïkovski et Prokofiev après un générique au son de Refugees de Tom Petty.
The Refugees : allusion évidente à ces Romanoff de notre époque. Le titre de la série peut laisser penser qu’il s’agit d’un drama historique ; ce n’est pas le cas mais, bien que le récit se déroule au présent, il y a en permanence une sensation de collusion avec le passé. Sous la surface, le nom Romanoff est omniprésent et porte en lui la force motrice des personnages : ce qui explique leur comportement, c’est ce désir intangible de s’inscrire dans une lignée, de se construire une identité sur une filiation prestigieuse comme remède à leurs doutes existentiels ou, au contraire, leur mal-être face à cet héritage. Néanmoins, avec ces deux épisodes illustrant des situations et émotions radicalement différentes, on a du mal à se faire une idée de la vision d’ensemble. Plus qu’un portrait de famille, The Romanoffs semble comparable à une mosaïque ; une image globale surgira peut-être, une fois tous les motifs assemblés.
Série éclectique basée sur un point de départ commun, The Romanoffs se penche dans chaque épisode sur un personnage, possible descendant de la famille impériale Russe. Certains spectateurs seront fascinés par l’élégance et l’ambition de cette fresque chorale intrigante ; d’autres se détourneront d’une succession d’histoires qu’ils jugeront lassantes et à la portée insaisissable malgré la récurrence de la question de l’identité. On peut s’attendre à des réactions disparates de la part du public envers The Romanoffs. Un peu comme envers Mad Men, en somme…
The Romanoffs (Amazon Prime)
8 épisodes de 60′ à 90′ minutes.
Disponible à partir du 12 Octobre – 2 épisodes puis 1 épisode hebdomadaire.