
Dans Douglas is Cancelled, un présentateur de télévision est aspiré dans un tourbillon médiatique à cause d’une blague douteuse.
C’est quoi, Douglas is cancelled ? Douglas Bellowes (Hugh Bonneville) est le présentateur vedette d’un programme d’information à succès, aux côtés de sa jeune et charmante collègue Madeline Crow (Karen Gillan). Mais lorsqu’un tweet publié anonymement l’accuse d’avoir raconté une blague sexiste de très mauvais goût lors d’un mariage, Douglas se retrouve dans une situation inextricable : cette blague dont il dit ne pas se souvenir pourrait bien lui coûter sa carrière. Alors que Madeline, son agent, son producteur (Ben Miles) et sa femme Sheila (Alexandra Kingston) tentent de l’aider à étouffer la crise en lui prodiguant des conseils plus ou moins avisés, le malheureux est dépassé, emporté dans une spirale médiatique et une série de malentendus.
Mini-série en 4 épisodes diffusée sur Arte (et sur Arte.tv), Douglas is Cancelled nous vient de l’imagination du grand Steven Moffat, à qui l’on doit notamment Dr Who et Sherlock. Avec cette série, il n’hésite pas à s’en prendre à de nombreux défenseurs du politiquement correct et à la cancel culture, dans une comédie au ton extrêmement sarcastique. Quitte à se mettre à dos certains médias d’outre-Manche, qui se sont sentis visés et n’ont pas vraiment apprécié.
Un Morning show aux airs de vaudeville
Douglas Bellowes et Madeline Crow sont les co-présentateurs d’une émission d’actualité qui réalise des cartons d’audience sur une grande chaîne britannique. Mais un beau jour, quelqu’un publie anonymement un tweet affirmant que Douglas a raconté une blague sexiste lors d’un mariage. Son producteur tente de juguler cette petite crise anecdotique, pensant éviter la catastrophe en étouffant l’histoire. Alors que l’anecdote aurait pu passer inaperçue, elle devient virale à cause du retweet de Madeline – formulé de manière si ambiguë qu’il est difficile de savoir si elle défend ou accuse son collègue. Douglas cherche désespérément un moyen de sauver son image et sa carrière, grâce aux conseils plus ou moins pertinents de ses proches. Le contenu de cette blague sexiste nous est inconnu, Douglas prétend ne pas s’en rappeler et nie même farouchement l’avoir faite, mais le chaos qu’elle engendre affecte à la fois la rédaction de l’émission, la carrière du héros et sa relation avec sa femme et sa fille.

Une star d’un magazine d’information comme personnage principal ? On pense à The newsroom. Une polémique née d’un tweet viral accusant le héros de comportement sexiste ? C’était peu ou prou le thème de la première saison de The Morning show. Mais contrairement à la série d’Aaron Sorkin ou à celle mettant en scène Jennifer Aniston et Reese Witherspoon – qui traitent d’une multitude de sujets d’actualité, montrent les coulisses d’une émission et s’interrogent sur l’éthique journalistique – Douglas is Cancelled se contente d’effleurer ces thèmes et ne s’écarte guère de son sujet principal, à savoir l’urgence d’étouffer le scandale qui menace Douglas.
La structure est extrêmement théâtrale, avec quatre épisodes comme quatre actes en huis-clos d’une pièce aux airs de vaudeville où les portes claques, les malentendus s’enchaînent, les personnages entrent et sortent et rivalisent de dialogues brillants à un rythme effréné. De quoi faire de Douglas is cancelled une comédie satirique enlevée et souvent drôle – du moins jusqu’au troisième épisode, en flash-back. On ne dévoilera évidemment rien, mais le basculement est brutal. Si la série conserve ses dialogues pétillants et spirituels, la situation est d’un seul coup beaucoup plus dramatique au point d’en être même angoissante.
Une satire superficielle, mais un dénouement surprenant
Une grande partie du charme de la série vient du duo formé par Hugh Bonneville (Downton Abbey) et Karen Gillan (Dr Who), tous deux excellents dans leurs rôles. On peut aussi citer Ben Miles (The crown, Andor) qui interprète le producteur, Alex Kingston (Urgences) en épouse de Douglas qui, en tant que rédactrice en chef d’un tabloïd, comprend tout de suite dans quel guêpier s’est fourré son mari, ou encore Nick Mohammed (Ted Lasso) en auteur de gags pathétique sensé réécrire cette fameuse blague initiale dont Douglas prétend ne pas se souvenir, en imaginant une plaisanterie « sexiste mais pas trop ».

Douglas is Cancelled a le mérite d’aborder un sujet actuel délicat, et de le faire par le prisme de la comédie satirique. Si le résultat est divertissant, le format de quatre épisodes d’une quarantaine de minutes rend malheureusement impossible de traiter le thème sous plusieurs angles, avec nuances et profondeur. Au point que, finalement, la série déroule son histoire en prenant simplement comme toile de fond ou contexte narratif la cancel culture, le traitement médiatique et la rapidité avec laquelle un incendie s’étend lorsque la mèche s’allume sur les réseaux sociaux. Il en va de même pour les questions de sexisme, de racisme, d’abus de pouvoir, de relations entre collègues, de culture woke – abordées mais généralement expédiées en quelques phrases.
Mais Moffat en est conscient, de sorte qu’il s’appuie surtout sur les ressorts de la comédie – et de la duperie. Car dès le début, il nous indique clairement que nous ne pouvons nous fier à personne dans cette histoire, que tout le monde a ses propres intérêts à cœur quitte à mentir ou manipuler les autres. Et il est difficile voire impossible de deviner, au début de la série, vers quel dénouement elle va nous conduire.. C’est précisément ce retournement de situation inattendu, qui affecte tous ses protagonistes, qui fait de Douglas is cancelled une série intrigante et stimulante.
A partir d’un thème omniprésent dans l’actualité et souvent sujet à débat, Steven Moffat offre une intrigue intelligemment construite avec un dénouement surprenant, portée par un superbe casting. Si elle est toutefois moins percutante que ce qu’on pouvait en attendre dans l’analyse, finalement assez superficielle, Douglas is cancelled n’en reste pas moins une bonne série, qui parvient à conjuguer humour, tension et suspense. Et c’est déjà remarquable.