Le couple King nous plonge dans les ténèbres et au cœur du Mal avec Evil, une fiction paranormale aux frontières du réel, entre religion et science.
C’est quoi, Evil ? La psychologue Kristen Bouchard (Katja Herberts), experte auprès des tribunaux, est sollicitée par David Acosta (Mike Colter), un prêtre séminariste chargé par le diocèse d’enquêter sur les phénomènes étranges. Avec le technicien Ben Shakir (Aasif Mandvi), il doit déterminer s’il s’agit de manifestations démoniaques, de miracles ou de signes divins ou si, au contraire, il y a une explication rationnelle. Sceptique de nature, Kristen se joint donc à eux pour porter un regard cartésien sur ces affaires, ans se douter qu’elle-même va être victime d’événements qui pourraient bouleverser son point de vue.
Faut-il présenter Robert et Michelle King ? Le couple de showrunners est à l’origine des séries The Good Wife, son spin of The Good Fight ou encore la géniale (malheureusement annulée au bout d’une saison) Braindead. Avec Evil, diffusée sur CBS et maintenant disponible sur Salto, ils nous offrent une série fantastique mêlant éléments religieux et scientifiques en confrontant point de vue cartésien et foi religieuse. L’idée est née d’une discussion récurrente entre les conjoints sur l’origine du Mal, Robert ayant une approche catholique et mystique tandis que sa femme Michelle avance des explications scientifiques et psychologiques. C’est ainsi qu’ils ont imaginé Evil, où ils associent deux personnages défendant chacun une de ces approches diamétralement opposées.
En l’occurrence, mère de quatre filles qu’elle élève seule en l’absence de son mari parti au Népal, Kristen Bouchard (excellente Katja Herberts) est une psychologue experte auprès des tribunaux. Elle doit interroger un homme accusé d’avoir assassiné trois familles et qui prétend n’avoir aucun souvenir des meurtres. Kristen le juge sain d’esprit et apte à un procès, mais l’avocat du tueur avance une autre théorie: son client est possédé par un démon. La psychologue va alors faire la connaissance de David Acosta (Mike Colter, alias le Luke Cage de Netflix), un séminariste à la foi vacillante, chargé par le diocèse d’enquêter sur les phénomènes étranges pour déterminer s’il s’agit de manifestations divines ou démoniaques ou s’il existe une autre explication comme une maladie mentale, une simulation ou un phénomène scientifique. Il propose à Kristen de se joindre à lui pour apporter un regard cartésien sur ces dossiers.
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Dès la première affaire, la jeune femme est en proie à des cauchemars récurrents et des terreurs nocturnes, tandis que ses filles sont affectées par des phénomènes étranges. Petit à petit, Kristen se rend compte que tout pourrait être lié au mystérieux Leland Townsend (Michael Emerson – toujours à son aise dans les rôles de personnages ambigus et énigmatiques), un psychologue qu’elle a affronté devant les tribunaux qui pourrait au choix, être un sociopathe manipulateur ou agir sous l’influence d’une force démoniaque.
Fondamentalement, avec Evil on est en terrain connu : structure classique avec des intrigues conclusives dans chaque épisode et un fil rouge tout au long de la saison ; une dynamique à la X-Files où le pragmatisme de l’un se heurte aux théories paranormales de l’autre. Pourtant, la série parvient à faire entendre sa petite musique, à surprendre et à séduire.
D’abord, parce que les intrigues sont globalement prenantes et variées : on rencontre évidemment des cas de possessions « classiques » dignes de l’Exorciste, des démons et des hantises, mais parfois le plus effrayant est aussi le moins spectaculaire, par exemple lorsqu’un groupe de jeunes adolescentes ne peut pas s’arrêter de fredonner en boucle la même chanson. De fait, Evil comporte son lot de scènes effrayantes , moins graphiquement (on sent bien que le budget effets spéciaux était limité…) que dans l’atmosphère. Il y a quelque chose de sombre et de malsain dans la tension qui imprègne certaines séquences, avec souvent une touche d’humour surréaliste incongrue qui déclenche un rire nerveux. On pense aux visites nocturnes d’un incube dans le lit de Kristen, au jeu de réalité virtuelle auquel jouent ses filles ou à la terrible nuit d’Halloween.
Dans le même temps, la trame feuilletonnante enrichit considérablement l’ensemble. Elle permet de découvrir Kristen et David progressivement, et de voir comment évolue leur relation qui joue malicieusement avec la probabilité d’une attirance physique entre les deux personnages. Surtout, la série tisse patiemment cette trame principale qui court sur toute la saison et s’accélère dans le dernier épisode en confrontant – d’abord à leur insu – nos héros à un ennemi tapi dans l’ombre et qui cache sa véritable nature.
Evil se focalise exclusivement sur des phénomènes paranormaux en lien avec la religion, traités dans une perspective analytique mais ambiguë. C’est la science face à la Foi, la rationalité face au mystique – dans des affaires qui, à chaque fois, se prêtent à des explications radicalement opposées Il y a peut-être une explication rationnelle, peut-être quelque chose de divin ou de maléfique, et Evil ne tranche jamais clairement, bousculant les certitudes de ses personnages autant que de ses spectateurs.
De sorte que la question sous-jacente est bien celle de l’origine et de la nature du Mal (on y revient). « Ce que vous appelez un démon, je l’appelle un psychopathe. » lance ainsi Kristen à Acosta. Autrement dit, comment expliquer le Mal ? Pour quelles raisons quelqu’un commet-il les crimes les plus abjects ? Le Mal est-il quelque chose d’extérieur à nous ou – perspective au moins aussi effrayante – est-ce quelque chose d’inné ou de choisi consciemment ? Dans Evil, le Mal a plusieurs visages ; les plus terrifiants ne sont peut-être pas eux que l’on croit.
Au terme d’un dernier épisode de haute volée qui ouvre grand la voie à une deuxième saison – confirmée mais sans date annoncée pour l’instant – Evil s’affirme comme une série classique redoutablement efficace. La série du couple King ausculte le Mal, avec des personnages charismatiques et moins binaires qu’on peut le penser au premier abord, dans un mélange de terreur, d’humour inattendu, de tension psychologique et de réflexions passionnantes. Dans Evil, l’enfer est vide : tous les démons sont ici.
Evil
13 épisodes de 42′ environ.
Disponible sur Salto à partir du 19 Mai.