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On a vu pour vous… Inside n°9, la géniale anthologie britannique

Drôle, inspirée et toujours imprévisible, Inside n°9  est  un exercice de style décapant dont les quatre premières saisons sont disponibles sur ARTE.TV.

C’est quoi, Inside n°9 ? Inside N°9 est une anthologie, chaque épisode étant auto-conclusif et indépendant des autres. Le seul point commun ? L’action se déroule immanquablement en huis-clos, dans un lieu portant le n°9 – wagon n°9, chambre n°9, 9 something street, loge n°9. Pour le reste, les situations, les décors, les personnages n’ont aucun lien entre eux. Et vous n’avez pas la moindre idée de ce que vous allez voir. Comédie ? Drame ? Horreur ? Pièce de théâtre ? Pantomime ? Une seule certitude : vous allez rire et une demi-heure plus tard, vous serez sidéré par le dénouement.  

Entrez, et faites comme chez vous : vous prendrez bien une tasse de thé et une tranche de série ? Créée par Steve Pemberton et Reece Shearsmith, anciens complices de Mark Gatiss et déjà responsables de l’inénarrable  Psychoville, Inside N° 9 est un OVNI télévisuel comme seuls les Anglais peuvent en produire. Et puisque les quatre premières saisons sont disponibles sur ARTE.TV,  entrons donc au n°9…

Inside No. 9 est une série basée sur des histoires courtes et indépendantes, chacune conclue au bout des trente minutes que durent les épisodes. Seul fil rouge : toutes se déroulent dans un espace clos, qui porte le numéro 9. Tout le reste – les situations, les décors, les personnages, les acteurs secondaires, le ton, l’ambiance – change à chaque fois. 

Sardins, un épisode qui se déroule exclusivement dans un… placard

Disons-le tout net, la présence du nombre 9 est un fil rouge, mais elle est reste anecdotique et ne saurait constituer à elle seule l’épine dorsale de la série. Le choix d’épisodes en huis-clos est déjà beaucoup plus intéressant, puisque l’unité de lieu catalyse l’action en accélérant la dynamique de l’intrigue. Elle oblige aussi les auteurs à se creuser les méninges pour caractériser le cadre et la thématique : il leur faut pousser virtuellement les murs, trouver un moyen de s’échapper d’un lieu restreint et rendre radicalement différente la maison n°9 de l’appartement n°9, le placard n°9 du wagon n°9. 

Ils y parviennent en variant les registres et la forme, en parodiant sans complexe plusieurs genres narratifs avec plus ou moins de finesse. De sorte que, avec Inside n°9, une chose est sûre : on n’est jamais sûr de rien ! Et surtout pas de ce qu’on s’apprête à regarder puisqu’on passe de la pièce de théâtre au film d’horreur gothique, du drame au thriller psychologique, du polar à la sitcom, du tueur en série au magicien, de l’employé de SOS Suicide à l’arbitre de foot…   

Cerise sur le pudding, si les deux rôles principaux sont généralement interprétés par Shearsmith et Pemberton (et les deux excellent dans tous les registres – Pemberton en particulier), on retrouve à chaque fois ou presque un guest, un acteur dont le visage est bien connu des amateurs de séries britanniques. Citons par exemple Keeley Hawes, Phillip Glenister, Tom Felton, David Morrisey, Jenna Coleman, Rory Kinnear, Helen McCrory…  

Philipp Glenister n’aurait pas dû s’asseoir à la table n°9

C’est donc un exercice de style, une sorte d’Oulipo télévisuel où les auteurs doivent s’adapter et trouver les ressources créatives nécessaires pour faire entrer leurs histoires dans la contrainte du huis-clos. Une contrainte ? Oui, mais alors qu’on pourrait s’attendre à ce que cet aspect entrave l’imagination des deux scénaristes, c’est tout le contraire : dans ce cadre, ils s’autorisent tout et s’affranchissent du format traditionnel de la narration. 

Paradoxalement, c’est même lorsqu’ils se rajoutent d’autres contraintes que les épisodes fonctionnent le mieux ! Par exemple, les mésaventures de deux cambrioleurs du Dimanche sont racontées dans un épisode entièrement muer (A quiet night in) ; The sardins se déroule exclusivement dans un… placard (si, si) ; The understudy, où la doublure d’un acteur tente de prendre sa place, est découpé en cinq actes et calqué sur MacBeth, ; Zanzibar est composé de dialogues en pentamètres iambiques ! Et il faut citer Dead line, incroyable épisode de Halloween joué en direct en 2018, qui exploite au maximum les possibilités offertes par le live. 

Les épisodes étant radicalement différents les uns des autres, chacun sera plus réceptif à l’une ou à l’autre des histoires. Certains seront bouleversés par le sublime The 12 days of Christine, d’autres hilares devant La couchette, d’autres encore ressortiront perturbés par  Tom & Gerry… Il faut aussi reconnaître que les épisodes sont inégaux en terme de qualité, mais ils se rejoignent cependant sur deux points. D’abord, un humour so british omniprésent, qui exploite humour noir grinçant, ton pince-sans-rire, nonsense total, remarques politiquement incorrectes, blagues grasses. Tout y est ! On voit parfois arriver le gag à des kilomètres mais peu importe : pour qui adhère à cet humour très particulier, il y a quelque chose de jubilatoire avec des sourires et des éclats de rire à la clé.

Ensuite – et c’est le grand point fort de Inside n°9 – tous les épisodes s’achèvent sur un retournement final, souvent totalement inattendu et néanmoins cohérent avec le reste de l’histoire. Un basculement brutal , parfois même un peu expéditif, qui donne un tout autre éclairage à l’ensemble de l’épisode ou le conclue de manière complètement décalée. Dans certains cas, la surprise… c’est qu’il n’y a pas de surprise, et on se fait avoir en attendant un retournement qui ne se produit pas ! Et l’on ressort immanquablement du n°9 un peu groggy, pantois devant l’imagination de ce duo capable de se réinventer, épisode après épisode

Chaque épisode de Inside n°9 est une expérience ; on ne sait pas ce qu’on va regarder, quel acteur on va croiser, et surtout où va nous mener l’intrigue. Collection d’histoires indépendantes, la comédie anthologique a aussi un avantage : à un épisode un peu plus faible succède souvent un épisode mémorable. Parfois touchante et parfois perturbante, toujours drôle et inventive, Inside n°9 est sans conteste l’une des grandes comédies britanniques de ces dernières années.  A déguster sans modération. 

Inside n°9 (BBC2)
5 saisons – 32 épisodes de 30′ environ. 
Saisons 1 à 4 disponibles sur ARTE.TV 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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