Présenté au Festival de la Fiction, La cour est un téléfilm bouleversant qui vous entraîne dans le quotidien d’une classe de CM2.
C’est quoi La cour ? Fille de globe-trotters, Anya, 10 ans, intègre la classe de CM2 en milieu d’année. Révoltée par l’injustice qui donne la cour de récré aux footeux, elle déclare la guerre… Dorénavant, ce sera les filles contre les garçons, la cour de récré en est l’enjeu.
« La cour c’est comme une carte du monde. Y’a plein de pays différents. Enzo, c’est lui qui fait la loi »
La cour (extrait)
Quelques semaines après la rentrée des classes, Arte nous emmènera dans le quotidien d’une classe de CM2 grâce à La cour, le nouveau film de Hafsia Herzi qui nous saisit d’émotion par la justesse de son ton et la pureté de l’interprétation de son cast.
« Ce n’est qu’une dispute entre enfants ! » Combien de fois l’a-t-on entendu comme pour mieux minimiser des événements qui peuvent pourtant avoir des conséquences dramatiques ? Ce que nous montre La cour, c’est le début d’une chaîne qui peut aboutir à du harcèlement scolaire. Comme tous les milieux de la société, l’école n’échappe malheureusement pas à la règle et est un lieu où, si on tente de s’affranchir d’une situation imposée par la force, on peut être plongé dans une cascade de conséquences. Ici, Anya, petite fille plus mature que son âge (mais qui a aussi ses rêves d’enfant), tente de briser la domination des garçons, « les fouteux » qui règnent en maître sur la cours d’école. La puissance du film réside dans le fait que la réalisatrice filme tout, de la plus petite action à la plus grande conséquence, à hauteur des enfants. Y compris dans le monde qui les entoure, l’école est souvent filmée au travers du grillage comme si il s’agissait d’une prison. D’ailleurs, quand l’un des petits explique à Anya les codes de la cour de récréation, on a l’impression de voir une de ces scènes montrant à l’arrivée d’un nouveau prisonnier dans une prison et la présentation des gangs qui la contrôlent.
De même, les dialogues du film usent souvent d’un langage guerrier pour matérialiser les rapports de force et acter une violence comme lorsque pendant la classe verte, on parle « d’attaquer le soir » … pour ce qui finira in fine en bataille de polochons. Ces choix opérés par Hafsia Herzi accentue la perception que l’on a de ce monde depuis le nôtre, celui des adultes. Cette violence veut dire quelque chose pour ces enfants et laisse des traces surtout, quand ils sont pris en tenailles entre celle-ci et celle venant des adultes (à l’image de l’injustice ressentie ou de trahison). Toute l’ambivalence est d’ailleurs concentrée dans une scène. Alors que les rapports sont compliqués à l’école, on aurait pu penser qu’Anya accueillerait d’un bon oeil la nouvelle de ses parents de repartir sur les routes. Mais c’est pourtant tout le contraire que pense la jeune fille.
« J’ai essayé de capter leur âme »
Hafsia Herzi (dossier presse)
La grande force du fil réside aussi dans sa distribution remarquable avec des enfants qui ne semblent jamais mais sont d’une justesse à toute épreuve dans les émotions et les réactions. Parmi eux, la révélation de ce film est l’incroyable Lucy Loste Berset (Anya) qui a déjà tout d’une grande et donne à son personnage toute l’énergie et l’émotion qui la tiraille en permanence. A ses côtés, on notera la très réussie partition de Djanis Bouzyani (Vincent) et l’amitié très jolie et spontanée qui se tisse avec Anya. Enfin, on soulignera la très belle composition musicale de Rémi Durel, très simple, douce et quelque part un peu mélancolique, comme renvoyant à une innocence de l’école qui disparaît avec le temps.
Une fiction réalisée par Hafsia Herzi
Scénario : Victor Jestin et Nacim Mehtar
Avec Lucie Loste Berset, Clotilde Courau, Ludovic Berthillot, Djanis Bouzyani, Jérémie Laheurte
Coproduction : ARTE France, Albertine Productions
(France, 2022, 90’)