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On a vu pour vous … Landscapers, exercice de style autour d’une véritable affaire criminelle

La mini-série Landscapers raconte un crime réel, mais d’une manière totalement atypique voire excentrique jusqu’à en être déroutante.

C’est quoi, Landscapers ? Susan et Christopher (Olivia Colman et David Thewlis) habitent à Lille. Ce couple de britanniques d’âge moyen y mène une vie tranquille en dépit de grosses difficultés financières : il peine à trouver un travail tandis qu’elle dilapide leurs maigres économies pour acheter à prix d’or des affiches des vieux westerns qu’elle adore. De plus en plus acculé, Christopher prend alors une décision radicale : il contacte la police britannique et confesse qu’en 1998, Susan et lui ont enterré les corps de ses beaux-parents dans le jardin de leur maison du Nottinghamshire. Arrêtés pour le double meurtre dès leur retour en Angleterre, ils clament pourtant leur innocence. Oui, ils ont enterré les corps des victimes, mais ils ne les ont pas tuées. Et les autorités vont avoir bien du mal à comprendre ce qui s’est réellement passé, quinze ans plus tôt… 

De nombreuses séries basées sur de vraies affaires criminelles racontent le déroulement des événements, retracent l’enquête et le procès. C’est ce que fait Landscapers, mini-série coproduite pat HBO et Sky… mais d’une manière totalement originale voire excentrique. Écrits par Ed Sinclair (époux de l’actrice principale Olivia Colman) et réalisés par Will Sharpe (Giri / Haji), les quatre épisodes de cette mini-série disponibles sur MyCanal adoptent en effet un point de vue et une mise en forme uniques, qui  s’avèrent aussi intrigants que déroutants. 

Résumons brièvement les faits, sans spoiler puisqu’ils nous sont clairement présentés dès le début de la série. En 2013, la police britannique reçoit un appel d’un certain Christopher Edwards, citoyen britannique installé dans le nord de la France avec son épouse Susan. Il leur confesse que depuis 1998, les cadavres de ses beaux-parents sont enterrés dans le jardin de la maison qu’ils occupaient alors près de Nottingham. Et cela fait quinze ans qu’ils puisent dans les économies des défunts, falsifient leurs signatures, perçoivent leurs retraites et siphonnent leur compte en banque. Arrêtés dès qu’ils posent le pied sur le sol britannique, ils sont accusés du double meurtre et finalement condamnés à 25 ans de prison. Toujours incarcérés aujourd’hui, ils n’ont pourtant jamais cessé de clamer leur innocence. 

Welcome home ! Les Edwards rentrent en Angleterre

L’affaire a fait beaucoup de bruit en Angleterre. Mais pour la raconter, Landscapers prend tout de suite une approche surprenante. On nous explique dans le pré-générique que «ceci est une histoire vraie »... avant que le dernier mot ne disparaisse de l’écran. Donc, « ceci est une histoire ».  Au fil des épisodes, on pense beaucoup à Fargo en raison du duo de protagonistes en apparence banal mais au comportement délirant, à la dimension atypique du crime dont ils sont accusés, à l’humour noir omniprésent (à l’image du titre plein d’ironie so British, « Les paysagistes »…). Or, c’est un peu l’antithèse du film des frères Coen et de la série du même nom. Car Fargo est une fiction présentée comme réelle, alors que Landscapers est un fait réel présenté comme une fiction. 

Ce qui intéresse Landscapers, ce n’est pas la vérité mais une vérité  – celle des Edwards – et les faits objectifs ne sont que la partie visible de l’iceberg. La série se focalise sur l’affaire à travers la version ou l’interprétation de ses deux personnages principaux. Soit Christopher, un brave type dépassé par les événements mais qui soutient imperturbablement son épouse Susan et celle-ci, psychologiquement fragile et obsédée par l’accumulation d’objets de collection en rapport avec les vieux westerns. Magnifiquement interprétés par Olivia Colman et David Thewlis, ce sont des personnages extrêmement complexes, insaisissables et donc intéressants. Est-il victime des délires de Susan ou complice d’un meurtre atroce ? Est-elle une femme traumatisée qui se réfugie dans ses fantasmes ou une dangereuse manipulatrice ? 

La psyché bien particulière des Edwards définit non seulement le contenu de l’histoire mais aussi sa forme. La mise en scène déborde de séquences hallucinées et hallucinantes, pour la plupart directement liées à la passion du couple pour le cinéma (elle vénère Gary Cooper ; il est obsédé par Gérard Depardieu avec qui il correspond). Des scènes en noir et blanc, des ruptures du quatrième mur,  des images hyper stylisées, des extraits de westerns ou de classiques hollywoodiens dont les Edwards seraient les acteurs ou les héros,  des flashback dans lesquels rentrent les personnages,  des techniciens qui démontent les décors, des copiés / collés d’images d’archives, des extraits de journaux télévisés de l’époque à la fin de chaque épisode…

Gary Cooper, cow-boy et idole de Susan Edwards

Attention, instant France culture ! Le dramaturge allemand Bertolt Brecht  avait théorisé ce qu’il appelait le processus de «distanciation», selon lequel ses pièces devaient rompre avec l’illusion du théâtre pour susciter la réflexion plutôt que de raconter une simple histoire. C’est aussi ce que semble vouloir faire Landscapers en brouillant  la frontière entre fantasmes et réalité et en jouant au maximum sur la métafiction. L’exercice de style finit par atteindre ses limites, la série se perdant dans une lenteur et des artifices qui compliquent l’histoire plus que nécessaire et qui nous plongent dans une vraie confusion. Reste que Landscapers a le mérite de proposer quelque chose de différent et d’audacieux, avec une vraie réflexion sur la notion de vérité mais aussi sur la nature de la fiction face à cette vérité.  

Un couple a enterré les cadavres des beaux-parents dans le jardin, ils les ont peut-être tués ou peut-être pas : voilà la principale interrogation au centre d’un vrai fait divers en apparence simple bien qu’atypique. Portée par les performances de David Thewlis et de la géniale Olivia Colman, Landscapers s’empare de l’affaire pour la déconstruire et la remonter en un puzzle étrange. Une série que l’on peut trouver stimulante et intrigante… ou intello et prétentieuse. Mais qui, dans les deux cas, vous laissera bouche bée tant elle est déroutante et unique dans son genre.

Landscapers
4 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur MyCanal.  

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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