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On a vu pour vous … Le domaine, une famille portugaise dans la tourmente de l’Histoire

La série Le domaine retrace le parcours d’une famille de riches propriétaires terriens, de la Révolution des œillets à nos jours.

C’est quoi, Le domaine ? Dans les années 1970, João Fernandes (Albano Jeronimo) possède un vaste domaine agricole sur la rive sud du Tage.  Froid et distant avec sa femme Leonor (Sandra Faleiro) et ses enfants, il gère d’une main de fer son exploitation et son personnel, parmi lesquels l’ouvrier communiste Leonel (João Vicente) et son bras droit l’intendant Joaquim (Miguel Broges).  Le Portugal est alors dirigé par une dictature militaire dont le beau-père de João est un des piliers, mais notre homme est réticent à soutenir publiquement le régime. Lorsqu’une période de troubles éclate dans le pays, les Fernandes sont emportés dans la tourmente : frappés par les changements politiques et sociaux, ils vont aussi être affectés par les secrets de famille qui vont surgir au grand jour. 

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Le Domaine (A Herdade), c’est d’abord un film présenté à la Mostra de Venise l’année dernière et nominé aux Oscars, que son  réalisateur Tiago Guedes a décidé d’adapter en  mini-série. Coproduite par ARTE, celle-ci se compose de trois épisodes d’une cinquantaine de minutes et reprend la même histoire : celle d’une famille portugaise de propriétaires terriens dont on suit le parcours, avec en toile de fond les événements qui ont secoué le Portugal des années 1970 à nos jours. 

En terme de narration, le film se prête parfaitement à l’adaptation en format sériel. Ce récit au long court (le film dure presque trois heures) s’appuie sur l’idée consistant à entremêler petite et grande histoire ; dans l’idée, c’est un peu Le Guépard transposé sur les rives du Tage avec la vie d’une famille affectée par les bouleversements sociaux-politiques de son époque.  De sorte que Le domaine s’appuie sur deux axes intrinsèquement liées : une vision globale de l’Histoire récente du Portugal et un regard sur l’histoire particulière des Fernandes. 

Le scénario est identique et la construction aussi, avec un récit divisé en deux parties distinctes séparées par une ellipse. Dans la première moitié, la série met en place ses personnages et leur situation, jette les bases du drame intime et familial, mais elle adopte aussi une perspective plus générale sur le Portugal d’avant et d’après le coup d’état du 25 avril 1974. Nous découvrons cette famille de riches exploitants agricoles et notamment le père, João, un homme antipathique mais fait de multiples contradictions. Arrogant et insensible, il ne se soucie que de son domaine, dont il a hérité d’un père violent et intransigeant dont il reproduit le comportement. Il traite sa femme et son fils Miguel avec indifférence voire brutalité et se montre presque plus proche de ses employés ; c’est aussi un opportuniste, dont on peine à deviner les convictions politiques.

João Fernandes règne en maître sur le domaine

La deuxième partie nous transporte en 1986, une époque complètement différente avec d’autres enjeux et un autre contexte – le pays devenu démocratique rejoint l’Union européenne et entre dans un système économique néolibéral, paradoxalement moins favorable pour l’exploitation familiale. Cette fois, la saga des Fernandes prend un tour plus personnel et domine largement les événements nationaux.  Miguel (João Pedro Mamede), désormais âgé d’une vingtaine d’années, souffre des problèmes d’addiction directement liés à l’attitude de son père envers lui ; incapable de prendre la tête du domaine, il est une déception vivante pour João qui se repose alors sur  António (Rodrigo Tomás), le fils de son intendant… 

Si l’idée directrice de la série est forte, son impact est malheureusement amoindri par l’intrigue familiale, moins réussie que ce qu’on pouvait espérer. Si nous avons pris soin de ne pas dévoiler le nœud du drame qui se joue, il est pourtant facile à deviner car assez convenu. Et de ce fait, l’ensemble manque de souffle, d’ampleur et d’enjeux, la série devenant moins captivante lorsqu’elle se focalise sur la famille au détriment du cadre historique. L’intrigue se suit sans déplaisir, mais on pouvait attendre quelque chose de moins banal. En outre, le récit comporte des longueurs – très élégante sur le plan visuel, pleines de scènes fortes (dont la séquence d’ouverture sous forme de flash-back), la série privilégie parfois la forme au détriment du fond.  

Vingt ans plus tard, Miguel découvre des secrets de famille

Reste que  Le domaine est prenante grâce à la manière dont elle lie la situation du pays à celle de ses héros. L’ensemble sera certainement beaucoup plus accessible si l’on connaît les grandes lignes de l’Histoire récente du Portugal (car elle est complexe et tumultueuse) , mais la série parvient à en donner un bon aperçu. De 1974 à nos jours, elle trace une fresque de l’évolution sociale, politique, économique du pays avec notamment l’insertion d’images d’archives : dictature militaire, émergence de la contestation, revendications des ouvriers, montée en puissance de la Gauche, renversement du régime, adhésion à l’Union européenne…

Ce sont cinquante ans de bouleversements, de changements profonds qui ont entièrement refondé le pays, au milieu desquels doit se positionner João entre idéologie et pragmatisme, conservatisme et progressisme, intérêts commerciaux et personnels. Par ce biais, Le Domaine utilise finalement les Fernandes comme un reflet du Portugal: l’intransigeance du patriarche envers les siens, l’autoritarisme sans partage avec lequel il écrase ses proches en font le dictateur de sa propre famille et de son propre domaine. Et c’est ce qui précipitera le déclin des Fernandes – comme Salazar a précipité celui du Portugal.

Entremêler le parcours d’une famille et les soubresauts politiques du Portugal des années 1970 jusqu’à nos jours, lier le destin des personnages à celui d’un pays : c’est sur cette idée forte que s’appuie Le Domaine. Riche et souvent passionnante lorsqu’elle évoque les grands événements, la série perd cependant en intensité à cause d’une histoire familiale un peu trop mince et convenue. Malgré cette légère déception, elle reste très intéressante, ne serait-ce que parce qu’elle met en lumière le passé d’un pays voisin que beaucoup d’entre nous méconnaissent sans doute.  

Le domaine (RTP1 / ARTE)
3 épisodes de 55′ environ. 
Diffusion sur ARTE le 11 Juin, disponible en replay. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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