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On a vu pour vous… les premiers épisodes de Lovecraft Country, les formes de la monstruosité

La série puise dans l’œuvre de H.P. Lovecraft avec monstres, horreur et magie noire comme métaphores du racisme. 

C’est quoi, Lovecraft Country ? Nous sommes à la fin des années 1950, aux États-Unis. Atticus Freeman (Jonathan Majors), un afro-américain et vétéran de la guerre de Corée, revient à Chicago lorsqu’il apprend que Montrose (Michael K. Williams), son père, a disparu. Avec son oncle George (Courtney B.Vance) et son amie d’enfance Leti (Jurnee Smollett), il part à sa recherche. Le trio prend la route, direction Ardham en Nouvelle-Angleterre, où Montrose se serait rendu. Ils sont loin de se douter que leur road trip va les plonger en plein cauchemar.

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Un homme, afro-américain, fait un cauchemar dans lequel il est hanté par des traumatismes de guerre en Corée et où apparaissent des soucoupes volantes et des poulpes ailés. C’est la scène d’ouverture de Lovecraft Country, et le ton est donné : entre horreur, science-fiction et contexte social, la série de HBO (sur OCS à partir du 17 août) se place sous l’égide de l’écrivain mythique qui lui donne son titre, à la fin des années 1950 aux États-Unis. Une idée intrigante, qui réunit le goût respectif des deux producteurs exécutifs de la série : JJ Abrams avec la science-fiction, et Jordan Peele avec sa propension à utiliser l’horreur comme prétexte pour évoquer de grands enjeux de société – dont le racisme.

Notre héros s’appelle Atticus Freeman  – le nom en lui-même est toute une déclaration d’intention. Arrière-petit-fils d’un esclave et vétéran de guerre, il part à la recherche de son père Montrose, mystérieusement disparu. Avec son oncle George, qui édite un guide pour indiquer aux voyageurs afro-américains quelles villes et établissements sont sûrs pour eux, et son amie d’enfance Leti, il prend la direction de Ardham, en Nouvelle-Angleterre.  Mais ce qui les attend en chemin, ce sont des monstres – au propre comme au figuré. Dans ce territoire rural marqué par la ségrégation et le racisme, ce « pays de Lovecraft » avec des lieux fictifs ou réels utilisés par l’écrivain, toute personne noire qui s’aventure dehors après la tombée du jour risque d’être déchiquetée par une créature cauchemardesque, ou  lynchée en toute impunité par un citoyen blanc dont elle croiserait le chemin. Et des monstres munis de crocs et de tentacules ou des suprémacistes cachés sous des uniformes de policier, les plus dangereux ne sont pas forcément ceux que l’on croit. 

Cthulhu n’est peut-être pas la pire des créatures de Lovecraft Country

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une adaptation des histoires de Lovecraft mais de celle du roman Lovecraft Country, écrit par Matt Ruff. On retrouve à l’écran la principale caractéristique du livre : les monstres en tant que métaphore du racisme. Des créatures sanguinaires et terrifiantes, que nos héros vont devoir affronter, qu’il s’agisse de l’horrible Cthulhu, de vampires, de maisons hantées, de sorcières, de flics corrompus, de ségrégationnistes ou de pompistes racistes…

La série prend la forme d’une sorte d’hybride entre le récit suivi à mesure que Atticus et ses acolytes progressent dans cette Amérique déchirée par la haine et au fil des révélations autour de Montrose (on n’en dira pas davantage), et l’anthologie. Chaque épisode semble raconter une histoire indépendante avec un « monstre » différent, et on passe d’une attaque extra-terrestre à une maison hantée, d’une lutte contre des vampires à une aventure digne d’Indiana Jones. 

Dans le ton, on navigue entre  horreur, SF, critique sociale, humour noir, métaphore sociale ; ambiance gothique, pulp ou grand-guignol avec des séquences de violence ou de sexe explicites;  référence à la culture noire américaine, mythologie lovecraftienne, allusion à Bram Stoker ou Edgar Rice Burroughs ; racisme, sexisme et homophobie ; contexte des années 1950 et musique anachronique (Etta James, Nina Simone voire Rihanna et Marilyn Manson.)

Tout cela rend la série difficile à appréhender, parfois un peu brouillonne et inégale ; c’est aussi ce  qui donne des épisodes inattendus et surprenants. En revanche, sur le fond, la cohérence est indéniable : c’est une exploration des différents aspects de ce que signifie être noir dans les États-Unis en 1950 (et, évidemment, de nos jours) entre racisme, haine, injustice et violence. 

Le road trip s’annonce sanglant pour Atticus et ses compagnons

Sans subtilité, mais avec force et conviction, Lovecraft Country fonctionne d’autant mieux qu’elle crée un sentiment d’empathie avec ses héros (en particulier Atticus) et que le message se superpose à des histoires intrigantes. Un peu comme Watchmen a parlé au public du terrible massacre de Tulsa tout en racontant une histoire de super-justiciers, Lovecraft Country raconte des histoires d’horreur tout en expliquant les lois ségrégationnistes de l’époque ou en invoquant des intellectuels afro-américains tels que le poète James Baldwin par exemple. 

Il faut enfin ajouter une autre dimension essentielle, autant dans le roman que dans cette adaptation : Lovecraft lui-même était un raciste acharné. Dans un texte de 1912, il qualifiait par exemple les Noirs  de «bêtes» et de «demi-humains».On peut alors s’interroger une nouvelle fois sur la nécessité (ou pas) de séparer l’artiste de son œuvre ;  on peut aussi considérer que Lovecraft Country détourne le débat en utilisant l’inventivité et le génie de l’écrivain pour les retourner contre lui. Elle prend des airs de revanche poétique et délicieusement ironique : les monstres imaginés par l’écrivain deviennent le symbole de son propre racisme et du racisme systémique. 

Lors de la publication de son roman, Ruff a exprimé la question centrale de son texte :« Quelle est la plus grande menace pour la sécurité et la santé mentale ? L’univers fantastique de Lovecraft avec sa magie noire et ses monstres, ou le racisme et le suprématisme blanc du Pays de Lovecraft ? » En exploitant l’univers de l’auteur-culte dans des épisodes le plus souvent prenants, Lovecraft Country donne une réponse claire et dessine une image de l’histoire du racisme et par conséquent de la situation actuelle aux États-Unis. Et si  le sujet est omniprésent sur nos écrans, c’est parce qu’il est nécessaire.

Lovecraft Country (HBO)
10 épisodes des 50 environ.
Sur OCS à partir du 17 Août

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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