Dans cette série The Spy tirée d’une histoire vraie, l’acteur incarne un agent du Mossad infiltré au plus haut niveau de l’état syrien.
C’est quoi, The Spy ? En 1959, après plusieurs attaques à la frontière, le Mossad veut infiltrer un espion au plus près du pouvoir syrien. L’agent Dan Peleg (Noah Emmerich) choisit Eli Cohen (Sacha Baron Cohen), un Juif né en Égypte et installé en Israël, qui occupe un emploi dans le civil après avoir travaillé pour les renseignements. Cohen accepte la mission et, à l’insu de sa femme Nadia (Hadar Ratzon Rotem), il suit un entraînement intensif avant de partir en Argentine, puis en Syrie, en se faisant passer pour un riche exportateur. Il va alors nouer des relations étroites avec des politiciens, des militaires et des hommes d’affaires influents au plus haut sommet de l’état.
Dans The Spy, coproduction Canal Plus / Netflix (diffusée en France sur OCS), la réalité dépasse la fiction. Écrite et réalisée par Gideon Raff (Hatufim, Homeland), cette minisérie en 6 épisodes est en effet basée sur l’histoire incroyable mais vraie de Eli Cohen. Né en Égypte, installé en Israël, passé sous couverture en Syrie au début des années 1960, il a noué des contacts avec l’élite gouvernementale et les plus hauts gradés de l’armée afin de transmettre des informations au Mossad. C’est sur la base de ses rapports que Israël aurait empêché la Syrie de développer un programme nucléaire et aurait élaboré sa stratégie lors de la guerre des Six jours. Eli Cohen aurait même failli devenir vice-ministre de la Défense syrienne – sauf qu’il a été découvert, arrêté et exécuté en 1965.
Si l’on vous dévoile la fin, c’est parce que la série elle-même s’ouvre par le dénouement. Juste avant son exécution, un Eli prostré et qui a visiblement été torturé écrit une dernière lettre depuis la prison. A partir de là, le récit revient six ans en arrière, pour retracer le parcours de son héros jusqu’à sa fin tragique.
En 1959, Eli est un homme heureux, marié à Nadia qui est enceinte de leur premier enfant. Déterminé à servir son pays, il a participé à des missions d’espionnage pour Israël alors qu’il vivait encore en Égypte, et a tenté plusieurs fois d’intégrer le Mossad. Sa candidature ayant été refusée, il travaille comme employé dans un bureau. Lorsque l’agence de renseignements cherche à infiltrer un espion auprès du gouvernement syrien, le choix de Dan Peleg se porte précisément sur Eli. Malgré les hésitations des dirigeants du Mossad, celui-ci est formé aux techniques de renseignements et de filature, se familiarise avec les codes secrets et les personnalités syriennes qu’il s’apprête à côtoyer ; élève appliqué et motivé, il est vite jugé apte à être envoyé sur le terrain. A Buenos Aires, il prend l’identité de Kamel Amin Thaabet, un riche homme d’affaires syrien exilé souhaitant rentrer à Damas et entre en contact avec le colonel Amin Al-Hafez (Waleed Zuaiter )…
A en juger d’après les deux premiers épisodes mis à disposition de la critique, Gideon Raff tire de cette histoire étonnante une série d’excellente tenue, à la fois thriller d’espionnage et drame humain. Se déroulant dans les années 1960, The Spy ne saurait faire l’économie de quelques passages obligés : codes secrets et communications cryptées, messages télégraphiés, photographies de documents, scènes d’action, soirées chez l’ambassadeur avec notre héros vêtu d’un smoking blanc que n’aurait pas renié James Bond. The Spy ne réécrit pas les règles du genre mais les exploite très bien, dans un récit plein de tension et de suspense– même si on en connaît la fin.
C’est aussi l’histoire du drame intime vécu par les personnages principaux. Celui de Nadia, épouse délaissée, seule et désemparée, dans l’ignorance bien qu’elle sente confusément que son mari lui cache quelque chose ; celui de Dan Peleg (Noah Emmerich – l’agent du FBI de The Americans – aussi excellent qu’à l’accoutumée), traversé par un sentiment de culpabilité envers Eli qu’il met en danger et aussi par une certaine ambiguïté envers Nadia.
Et bien sûr, le drame d’Eli Cohen. L’une des curiosités de The Spy, c’est du reste la présence de Sacha Baron Cohen dans ce rôle intense, alors que l’acteur est d’abord connu pour ses personnages comiques et excentriques tels que Borat, Bruno ou Ali-G. Or, dès les premières minutes, il balaye tous les doutes et délivre une performance remarquable voire impressionnante. Extrêmement convaincant, il montre avec finesse toutes les nuances et les doutes de cet homme déterminé à agir pour le bien d’Israël mais souffrant des sacrifices auxquels le contraint sa mission.
The Spy joue aussi sur les métaphores, par exemple avec le papillon du générique, qui se brûle les ailes au contact de la lumière autour de laquelle il évolue. La série s ‘appuie également sur la symbolique du miroir, largement présente, pour souligner un point qui deviendra probablement essentiel par la suite : la confusion de son héros, déchiré entre deux mondes et deux identités. Plus il reste sous couverture, plus la frontière devient floue entre Eli et Kamel. Progressivement, commence à se dessiner une sorte de division intérieure, perturbante puis douloureuse. Jusqu’à la cassure que l’on devine dès l’une des premières scènes : alors que Eli, emprisonné, rédige une dernière lettre, le rabbin envoyé à ses côtés remarque qu’il hésite au moment de signer et observe : «Vous ne savez plus qui vous êtes.» L’Histoire, elle, le sait : considéré comme le meilleur agent que le Mossad ait jamais eu, Eli Cohen est devenu un héros national en Israël.
Avec ces deux premiers épisodes remarquables, The Spy s’annonce comme une série véritablement passionnante. Et avec des acteurs brillants (dont un Sacha Baron Cohen bluffant), une réalisation soignée et un scénario d’autant plus scotchant qu’il relate une histoire vraie, la suite sera certainement à la hauteur. Décidément, la réalité dépasse parfois la fiction.