C’est un des projets attendus de la chaîne à savoir la relecture du roman (et de la série) L’île aux 30 cercueils revisités en version moderne. Se laisse-t-on prendre par la malédiction ?
C’est quoi L’île aux 30 cercueils ? Christine vit une vie tranquille avec son mari Raphaël jusqu’au jour où elle reçoit une mystérieuse vidéo sur son portable. On y voit des images de son accouchement à Sarek, l’île où elle a grandi. Christine découvre avec horreur que son enfant annoncé mort-né a été assassiné. Elle est désormais hantée par ces questions : qui a tué son fils, et pourquoi ? Malgré l’avis de son mari, elle décide de retourner sur l’île qu’elle a quitté 15 ans plus tôt. Alors que Christine cherche la vérité sur son fils, une série de morts attise la terreur chez les habitants de Sarek. Il semblerait que son retour ait réveillé la prophétie des Trente Cercueils…
Revisiter un classique littéraire et télévisuel
Quand Anne Holmès (patronne de la fiction française de France Télévisions) a annoncé la mise en chantier d’un remake de L’île aux 30 cercueils, beaucoup y ont vu comme une excellente idée. Au delà du très bon roman de Maurice Leblanc (dans laquelle apparaît d’ailleurs Arsène Lupin), c’est surtout un pan de la culture télévisuelle française qui s’ouvre devant nous. Dans les années 70, Marcel Cravenne a réalisé 6 épisodes d’une adaptation dans laquelle figuraient Jean-Paul Zehnacker et Claude Jade. Angoissante un souhait, mais aussi dotée d’un rythme assez lent et d’une interprétation très « théâtrale », cette histoire porte en elle tous les germes d’une très bonne histoire mais qui avait besoin d’un bon coup de fouet afin de lui apporter toute la modernité demandée. D’autant que depuis, une série avec une malédiction / des meurtres sur une île, le public a connu : c’était sur TF1 et la série s’appelait Dolmen. Il y avait donc pour les auteurs un vrai travail d’adaptation à faire sur une histoire coincée entre télé et roman.
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Pourquoi L’île aux 30 cercueils est une réussite ?
Portée par Florent Meyer et Elsa Marpeau, puis mise en images par Frédéric Mermoud (Les revenants), la série est une réussite car elle a su conserver la noirceur de l’histoire et le climat pesant sur l’île de Sarek. C’est même un pari pour France 2 de tomber dans une histoire à ce point sombre, la série faisant le choix de s’ouvrir sur une séquence assez traumatisante. Puis les auteurs ont su apporter la doser de modernité nécessaire à l’intrigue (qui se passe normalement après la 1ème guerre). L’intrigue va loin, très loin sans rechigner à montrer des meurtres assez perturbants comme celui d’une des sœurs Archignat. Il faut dire que la série réunit un trio de choc pour porter cette histoire à l’écran : d’un côté des auteurs rompus à l’exercice, Florent Meyer a travaillé sur Intrusions ou Zone Blanche tandis qu’Elsa Marpeau connaît l’efficacité d’un polar populaire ayant initié Capitaine Marleau (on l’oublie un peu trop vite) ; enfin Frédéric Mermoud a réalisé 4 des 8 épisodes de la saison 1 des Revenants, une référence du genre à la française. Il a su d’ailleurs ici créer une ambiance particulière qui fait de Sarek un personnage à part entière, bien plus que dans la série de 1979. La photographie de Stéphane Massis achève de donner vie à Sarek, une île hors du temps où la météo change très vite et où chaque lieu est traversé par une couleur et une ambiance particulière (le must revenant à l’hôtel du Bout du monde qui n’est pas sans rappeler l’Overlook de Shining).
C’est une adaptation et des choix ont dû être fait. C’est donc un parti prix auquel on doit ou pas adhérer. On regrettera la « simplification » de l’intrigue d’où ont été expurgés tous les éléments liés aux druides qui se cacheraient dans les sous-sols de Sarek ou la mystérieuse Pierre Dieu de la prophétie, le tout au profit d’une histoire certes toujours sombre mais bien plus typiques des « grandes sagas policières ». Il faut dire que les auteurs doivent conjuguer avec deux types de public : ceux qui ne connaissent rien à l’intrigue et ceux qui ont vu la série ou lu le livre. Pour les premiers ce n’est pas trop difficile, ils n’ont qu’à se laisser porter par l’intrigue qui ne manquera pas de les surprendre et de les capter jusqu’à la fin de l’épisode 6. Pour les autres en revanche, ils savent parfaitement qui est le coupable tant le personnage est iconique de l’histoire. Ils savent donc ce qui va à peu près arriver et c’est sans doute qu’on peut se montrer « étonné » par les choix opérés. Si quelques indices ont été glissés ici ou là, il est quand même difficile en voyant arriver la fin de l’épisode 5 de ne pas avoir le sentiment que c’est un peu « plaqué » là. De même, la résolution finale et le mobile ayant été changés, on se retrouve face à une incohérence physique de taille entre 2 personnages (on en dira pas plus pour ne rien spoiler). Sans nuire à l’histoire, cela interroge un peu !
Ce qu’il faut retenir de L’île aux 30 cercueils
Une vrai travail d’adaptation parfaitement bien mise en image pour donner corps à une histoire complexe
La noirceur et le rythme de l’histoire ont été parfaitement préservés ce qui n’était pas une mince affaire
Un casting un peu déséquilibré où certains donnent parfois l’impression de « subir » l’histoire
Mention spéciale à Charles Berling et sa composition particulièrement intéressante
La série arrive sur Salto dès le 14 mars 2022