Dans Salade grecque, les enfants des héros de L’auberge espagnole découvrent à leur tour les joies de la cohabitation à l’européenne.
C’est quoi, Salade grecque ? À la mort de leur grand-père, Tom (Aliocha Schneider) et Mia (Megan Northam) héritent d’un immeuble à Athènes, où Mia étudie. Résidant aux États-Unis, Tom se rend dans la capitale grecque où deux surprises l’attendent : Mia a abandonné ses études pour travailler dans une ONG d’aide aux réfugiés, et l’immeuble est squatté par des étudiants et par des immigrés en situation irrégulière. Parmi eux, la tchèque Barbora (Anna Kameníková), le burundais Noam (Amir Baylly), le croate Zoran (Josip Ledina), les italiens Pippo (Davide Iachini) et Giulia (Fotinì Peluso) cohabitent dans le bâtiment délabré. Un bâtiment que Tom est bien décidé à vendre, pour investir l’argent dans la start-up qu’il a fondée…
Une suite à la saga de Cédric Klapisch
Vous vous souvenez de l’Auberge espagnole ? Sorti en 2002, le film de Cédric Klapisch suivait les aventures d’un groupe d’étudiants venus de toute l’Europe, qui partageaient un appartement à Barcelone dans le cadre du programme Erasmus. Le film se centrait sur le Français Xavier (Romain Duris), un personnage que l’on a retrouvé dans Poupées russes (2005) et Nouvelle vie à New York (2013), et que nous avions quitté marié avec l’Anglaise Wendy (Kelly Reilly) avec qui il avait eu un fils et une fille. Dix ans plus tard, Xavier et Wendy ont divorcé, et leurs enfants sont les héros de Salade grecque. D’abord sortie sur Prime video, la mini-série arrive le 14 Août sur France 2, qui a fait le choix surprenant de diffuser les 8 épisodes d’une traite.
Nos héros sont Tom et Mia, respectivement âgés de 26 et 19 ans. Tom vit à New York où il a fondé une start-up ; militante anticapitaliste, Mia a quitté l’université d’Athènes qu’elle fréquentait dans le cadre du programme Erasmus, pour travailler dans une ONG qui vient en aide aux réfugiés. A la mort de leur grand-père, ils héritent d’un vieil immeuble délabré au centre d’Athènes squatté par des jeunes d’origines différentes, venus en Grèce pour étudier, travailler ou parce qu’ils ont fui leur pays. Une situation qui va considérablement compliquer la vente du bâtiment que projette Tom. Suite à un concours de circonstances, Tom et Mia vont cohabiter avec ces jeunes, un peu comme leurs parents des années auparavant. Mais leur expérience sera beaucoup moins insouciante.
Une série chorale entre légèreté et sérieux
Il n’est pas nécessaire d’avoir vu les films pour regarder la série. Si on retrouve certains personnages, leur apparition reste secondaire et fait plus office de clin d’œil qu’autre chose. Ils cèdent la place à une nouvelle génération de protagonistes, interprétés par de très bons acteurs au premier rang desquels Aliocha Schneider et Megan Northam. Bien que centré sur Tom et Mia, le récit devient toutefois choral en s’intéressant à la plupart des personnages qui squattent l’immeuble, épicentre du récit, et en donnant à chacun une histoire et une personnalité au-delà des clichés.
Salade grecque comporte quelques jolis moments de comédie, comme lorsque Tom voit les fantômes d’Aristote ou d’Épicure, grâce au duo formé par Pippo et Zoran ou quand Xavier raconte son expérience à Barcelone tandis que ses enfants lèvent les yeux au ciel (ils ont sûrement entendu l’histoire un millier de fois.) Mais le récit est cependant moins léger et plus dramatique. Une grande partie de l’intrigue aborde des questions comme l’immigration, le sort des réfugiés, les identités de genre, la transphobie, la crise économique, les agressions sexuelles.
A lire aussi : On regarde ou pas ? Ouija, un été meurtrier, la série paranormale de France 3 | VL Média (vl-media.fr)
C’est essentiellement une histoire de passage à l’âge adulte, mais elle est étroitement lié à la dimension sociale et politique du contexte. Issus d’un milieu privilégié, Tom (surtout) et Mia découvrent une réalité qui leur est étrangère, développent progressivement une conscience sociale et politique – à des rythmes et des degrés divers. La série a tendance à aborder le débat d’un point du vue « de gauche » voire de gauche militante ; en dehors de toute sensibilité politique, le regard est parfois lucide, parfois un peu plus naïf.
Le désenchantement du projet européen
« L’Europe d’aujourd’hui n’est pas la même que celle de nos parents», peut-on entendre dans un épisode. L’une des conditions posées par Klapisch pour accepter le projet (qu’il coordonne avec Lola Doillon) était le recrutement d’une équipe de scénaristes entre 20 et 30 ans, et le contexte européen dans Salade grecque est bien différent de celui de L’auberge espagnole.
Le film était l’émanation de l’enthousiasme suscité par la construction européenne, de l’euphorie joyeuse d’un melting-pot de cultures et de nationalités face à un avenir plein de promesses. Vingt ans plus tard, après des crises économiques, le Brexit, une pandémie, la guerre en Ukraine, la mort de milliers d’immigrés en Méditerranée et les camps de réfugiés, l’exaltation a laissé la place au désenchantement et la frustration. L’Union européenne, ses institutions et son concept même ne séduisent plus.
On a troqué la Barcelone vibrante de 2002 pour Athènes en 2023 : une ville berceau de la démocratie mais capitale d’un pays particulièrement meurtri par la crise de 2008 et frappé par les failles de la politique migratoire de l’UE. L’insouciance de la génération précédente a cédé la place au désenchantement – mais aussi pour certains, à un désir d’engagement politique, écologique et / ou social. C’est aussi cette Europe en crise que raconte Salade grecque, où le « vivre ensemble » prend une autre dimension que la simple cohabitation Erasmus.
Vingt ans après L’auberge espagnole, Salade grecque raconte une histoire différente. Au gré du parcours de Tom et Mia jalonné de rencontres de fortune, la série ouvre une réflexion – parfois lucide et parfois naïve – sur l’Europe d’aujourd’hui. Celle où les enfants se réveillent avec la gueule de bois après l’ivresse enthousiaste de leurs parents vingt ans plus tôt ; celle où la mixité, les échanges et la solidarité ont plus que jamais un rôle à jouer.
Salade grecque
8 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur France.tv