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On a vu pour vous… Watchmen, adaptation séduisante et vision engagée

Damon Lindelof adapte efficacement le comic Watchmen à l’époque actuelle, pour en faire une série qui assume son message. 

C’est quoi, Watchmen ? En 1921, la population de Tulsa (Oklahoma) a vécu une nuit d’horreur :  un groupe suprématiste blanc s’est attaqué aux afro-américains et en particulier aux policiers, faisant des centaines de morts. La tragédie a marqué les esprits et, aujourd’hui, les  forces de l’ordre préservent leur anonymat et leur sécurité en cachant leurs visages, soit avec des foulards soit avec des masques. Angela Abar (Regina King), ex-policière, prête main-forte aux autorités en patrouillant en secret sous l’identité de Sister Night, tout comme Red Scare (Andrew Howard) ou Looking Glass (Tim Blake Nelson), sous les ordres de Judd Crawford (Don Johnson), son objectif est de contrer, coûte que coûte, le groupe raciste radicalisé connu sous le nom de The Seventh Cavalry et ses membres masqués qui font régner la terreur. 

C’est peu de le dire :  adaptation du comic de Alan Moore et Dave Gibbons, créée et écrite par Damon Lindelof (Lost, The Leftovers), Watchmen était très attendue. On nous a demandé d’en révéler le moins possible sur l’intrigue, mais on peut au moins répondre à une question : la série (diffusée sur HBO, et disponible en France sur OCS en US+24) tient-elle toutes ses promesses ? Si les premières critiques sont en général plus qu’élogieuses, force est de constater que nous y mettons un léger bémol. Certes, après avoir vu plusieurs des neufs épisodes de la première saison (qui, selon le showrunner, se suffit à elle-même), Watchmen envoie du lourd : spectaculaire, elle est également puissante dans son propos mais parfois un peu confuse.  

Dans l’œuvre originale, Alan Moore reflétait l’humeur désenchantée des États-Unis en pleine guerre froide dans les années 1980, à travers une uchronie – au lendemain de la guerre du Vietnam et de la réélection fictive de Ronald Reagan. Lindelof, lui, adapte la mythologie et l’univers de Watchmen au contexte actuel – celui du Make America Great Again (et dans la série, le président des États-Unis s’appelle Robert Redford – oui, CE Robert Redford), avec en particulier la résurgence du racisme. C’est une question d’une pertinence et d’une actualité incontestables, que la série traite tout au long des épisodes, entre récits particuliers aux personnages et vision critique globale.

Reste à savoir si Watchmen (la série) se suffit à elle-même, en dehors de Watchmen (le comic). Pour le dire autrement : peut-on regarder la série sans avoir la moindre idée des événements relatés dans le roman graphique ? Venant de quelqu’un qui n’en a jamais lu une page (ni vu le film de 2009 signé Zack Snyder), la réponse est oui… mais. L’idée de Lindelof et la manière dont il la met en pratique sont plutôt séduisantes, en particulier au niveau visuel (la scène d’introduction est sublime) et sonore (avec la musique de Trent Reznor et Atticus Ross de Nine-Inch Nails). Sa série reste toutefois enracinée dans le roman graphique sur lequel elle est basée : c’est une histoire riche et complexe, mais déroutante et confuse au premier abord pour un spectateur ignorant tout de la mythologie.

Sous le masque, Angela alias Sister Night

Cependant, il est vite évident que Lindelof veut raconter sa propre histoire, et il le fait en réalisant un exercice d’équilibriste globalement réussi. Il exploite l’univers du comic tout en situant l’action une trentaine d’années plus tard, et ce Watchmen ne reprend par exemple que quelques-un des personnages, comme Adrian Veidt alias Ozymandias (Jeremy Irons), et Laurie Blake alias Silk Specter (Jean Smart) devenue agent du FBI. On parle aussi beaucoup du Dr Manhattan bien qu’il n’apparaisse pas à l’écran. En revanche, Watchmen introduit de nouveaux protagonistes, à commencer par la fameuse Angela Abar / Sister Night (et Regina King est toujours aussi remarquable). 

Mais pas seulement. Car Watchmen donne une large place à ses personnages. Dans son style et son approche, la série a parfois quelque chose de Lost ou de The Leftovers, où  chaque épisode nous donne un aperçu intime de ses héros. Ici, tous ont leurs caractéristiques, leurs mystères, leurs secrets et, à mesure qu’on les découvre au présent ou dans des flash-back, ils se dessinent à travers leur expérience dans une une société raciste et violente. Rappelons que le point de départ de la série est une émeute raciale d’une violence inouïe, qui s’est véritablement déroulée à Tulsa en 1921. Mais Watchmen interroge aussi sur la question de la légitimité de l’autorité, en mettant en scène des forces de l’ordre susceptibles de basculer dans la brutalité en rendant coup pour coup.

Suprémacistes terroristes, les membres de The Seventh Cavalry

Le propos est donc éminent politique et Lindelof s’empare de cette histoire alternative pour montrer quelque chose de la réalité de notre monde, joue sur les allégories, allusions et parallèles avec le réel  pour y superposer une grille de lecture permettant d’aborder des sujets pertinents et douloureux. Le message est finalement assez convenu et en fait une série à thèse (choix du reste totalement assumé et même revendiqué par un personnage à l’écran) mais il n’en reste pas moins puissant, dérangeant et magnifiquement mis en lumière. Spectaculaire et impressionnante, Watchmen mérite indéniablement d’être vue, ne serait-ce que pour cette réflexion, ce miroir qu’elle nous tend. Et ce, même si elle exige un effort pour les béotiens qui ne sont pas familiers de cet univers. 

 Watchmen est assurément une série intéressante, car perturbante dans ce qu’elle dit et montre de la société américaine et, plus généralement, de tout un contexte actuel.  C’est, a minima, une expérience enrichissante qui poursuit l’histoire imaginée par Alan Moore en créant un sentiment d’urgence face à des questions sociétales prégnantes. Sur la forme, Watchmen est séduisante et intrigante avec son atmosphère crépusculaire et ses scènes impressionnantes ; sur le fond, elle a le mérite d’exprimer une conscience politique et sociale, de rester ferme dans ses convictions.

Watchmen (HBO)
9 épisodes de 55′ environ. 
Sur OSC en US+24.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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