Après avoir remporté 3 Oscars cette année, Nomadland s’impose comme étant une pure vérité, une retranscription unique du roman original, et d’un mode de vie nomade adoptée par certains citoyens américains.
C’est quoi, Nomadland ? Après l’effondrement économique de la cité ouvrière du Nevada où elle vivait, Fern décide de prendre la route à bord de son van aménagé et d’adopter une vie de nomade des temps modernes, en rupture avec les standards de la société actuelle. De vrais nomades incarnent les camarades et mentors de Fern et l’accompagnent dans sa découverte des vastes étendues de l’Ouest américain.
La sotie du film en France est retardée par la pandémie. L’oeuvre de Chloé Zhao qui devait initialement voir le jour pour décembre 2020, s’est vu reprogrammé plusieurs fois, pour avoir une date officielle : le 9 juin 2021. En cette deuxième semaine de réouverture des salles obscurs, on s’est rué sur l’occasion.
Le livre originale est une oeuvre de la journaliste Jessica Bruder, publié en 2017. Pendant plusieurs mois, Jessica a suivi plusieurs seniors frappés de plein fouet par la crise financière de 2008, ayant pris la décision de partir sur les routes des Etats-Unis à la recherches de jobs saisonniers. L’histoire de la journaliste est donc une réalité retranscrite par les mots, avec des évènements avérés et des faits narrés avec exactitude.
Chloé Zhao, en puisant dans les éléments du livre de Jessica pour les retranscrire dans son scénario, se garantit d’une réalité qu’elle assurera par la biais du septième art, en sons et en images.
Mise en lumière du mode de vie nomade
On estime à 3 millions le nombre de citoyens nomades aux Etats-Unis. C’est une communauté en marge des codes traditionnels et qui peut être, laissé pour compte du reste de la société. Les mesures de bonne santé ne sont pas réellement prises en compte par le gouvernement. Nous ne savons pas combien ont les ressources nécessaires pour vivre et profiter de ce mode de vie en toute sécurité. Ces choix de vie sont dues, comme dans le film, à des chutes financières de certaines entreprises, qui laissent des villes-usines à l’abandon. La crise économique de 2008 a obligé des milliers de citoyens a migrer vers de nouvelles terres. Cela incita certains à adopter ce mode de vie nomade, parfois par choix, souvent par manque de moyens.
« No, I’m not homeless. I’m just houseless »
Le film est le témoignage d’un niveau de vie très souvent précaire, et particulièrement difficile. L’instabilité du logement, la difficulté a y vivre en plein hiver, lorsque l’entièreté du véhicule habité entre en congélation, l’incapacité à se garer dans de nombreuse zones, les réparations onéreuses du van. Le gagne-pain des nomades réside dans les travaux saisonniers : travailler chez Amazon est répandu.
« Dans la peau de Fern, j’ai travaillé aux côtés de vrais ouvriers d’un centre de traitement des commandes chez Amazon, dans une usine sucrière, dans la cafétéria d’un parc touristique et en tant que responsable de camping dans un parc national. Dans la plupart des cas, personne ne me reconnaissait et on me traitait comme n’importe quel autre employé. » Frances McDormand.
L’implication de Zhao et McDormand
Pour une retranscription aussi pointue que la production le pouvait, Frances McDormand, productrice et actrice principale, a réellement vécue dans une camionnette pour cinq mois, voyageant a travers sept Etats américain.
Chloé Zhao et Frances McDormand ont réalisé ensemble la création de la camionnette de Fern, une Ford Econoline. « Nous avons longuement discuté de la manière d’intégrer des éléments de ma propre vie dans celle de Fern. Cela concernait surtout des choses de mon passé, mais aussi des activités quotidiennes. J’ai suggéré l’artisanat, parce que c’est une façon de passer le temps quand on est sur la route et que cela permet de fabriquer des objets utiles dans cette vie nomade que l’on peut aussi éventuellement troquer. »
Pour l’authenticité de son film, Chloé Zhao a fait appel à Suanne Carlson et Bob Wells, fondateurs de l’association « Homes on Wheels », qui vient en aide aux nomades. Grace à leur soutien, Chloé a pu s’aider d’un document de casting lui permettant de choisir les nomade qu’elle voulait pour participer au film. Elle a ensuite fait la rencontre de chacun d’entre eux.
La ville fantôme d’Empire dans le Nevada
À l’intersection entre le documentaire et la fiction, Chloé Zhao traite de la disparition d’une ville entière : Empire. C’est la fermeture d’une usine de plaques de plâtre qui a fait s’effondrer Empire et ses habitants. La US Gypsum Corporation était le principal employeur de la ville. C’est une descente aux enfers pour les habitants qui perdent leurs repères, leur lieu de vie. En janvier 2011, le code postal d’Empire a été abandonné par le Nevada.
Même si le personnage de Fern n’a pas réellement existé, il est le porte-parole des anciens résidents d’Empire ayant tout perdu. Chloé Zhao fait donc un travail particulièrement émouvant. Elle rend un hommage plus que sincère aux anciens citoyens de la ville.
Hymne à la liberté, à l’espoir et à l’humanité
Ce point de vue intérieur défendu par Chloé Zhao de la communauté nomade nous montre avant tout un esprit de solidarité, ou l’entraide demeure entre les membres. Le film nous montre un décalage permanent entre les nomades et les autres citoyens américains, Fern exprime une certaine sérénité à l’égard de son train de vie tandis que ses proches semblent inquiets.
C’est 3 millions d’américains qui ont pris la direction de l’indépendance et de la liberté. Même si pour la plupart ce ne fut pas un choix, l’adaptation à ce mode de vie semble être moins douloureux à plusieurs. Ce film résonne comme un espoir. Là où il n’est pas propice d’en apercevoir un, là où l’humain, la complicité et la fraternité vont de pair.
L’esprit singulier du film est renforcée par une bande-originale signée Ludovico Einaudi, compositeur de génie (Intouchables, Samba…). On sait que l’italien s’est inspiré de la nature pour la création des musiques de Nomadland. Il s’est basé sur des promenades qu’il effectuait dans les Alpes italiennes. Le musicien s’est ouvert à la nature et aux émotions que lui procurait ses balades.
Nous vous conseillons donc vivement d’aller visionner Nomadland au cinéma, pour la beauté des paysages américains, pour l’hommage rendu à Empire, et pour cette mise en lumière du mode de vie nomade. Vous pouvez prendre vos places sur Allociné, mais également lire le livre original par Jessica Bruder.
Les nombreuses récompenses témoigne de la qualité du film (3 Oscars sur 6 nominations, 4 BAFTA, 2 Golden Globes). La réalisatrice Chloé Zhao montre toute sa polyvalence avec sa filmographie. Elle est la réalisatrice du prochain Marvel : Les éternels, dont la bande-annonce a été récemment dévoilée.