Avec la série disponible sur Salto, la poupée Chucky poursuit son épopée sanglante, commencée au cinéma à la fin des années 1980.
C’est quoi, Chucky ? Jake (Zackary Arthur), 14 ans, a perdu sa mère et vit avec un père (Devon Sawa) alcoolique qui le maltraite car il ne supporte pas son orientation sexuelle. Au lycée, Jake est attiré par son camarade Devon (Björgvin Arnarson) mais il est aussi victime de harcèlement et de brimades de la part de son cousin Junior (Teo Briones) et de la petite amie de celui-ci, Lexi (Alyvia Alyn Lind). Jake trouve un exutoire dans la réalisation de sculptures macabres avec de vieux jouets, et c’est sur une brocante qu’il achète une poupée vintage prénommée Chucky (voix de Brad Dourif). Lorsqu’une série de morts brutales frappe l’entourage de l’adolescent, il comprend que Chucky n’y est pas étranger.
Faut-il encore présenter Chucky ? Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce personnage emblématique des slasher, Chucky est une poupée parlante dans laquelle s’est réfugié l’âme du tueur en série Charles Lee Ray qui, par-delà la mort, se sert de ce nouvel avatar pour massacrer joyeusement l’entourage de ses propriétaires successifs. Apparu à la fin des années 1980 au cinéma, Chucky poursuit son épopée meurtrière dans sept films et il assouvit aujourd’hui sa soif de sang sur le petit écran. Auteur des films de la saga, Don Mancini reprend sa créature en main sans rien renier de ce qui a fait le succès de la franchise.
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Précisons que Chucky est la suite directe du film The Cult of Chucky (2017), ce qui pose une question : est-il nécessaire de connaître la saga cinématographique au préalable ? Eh bien… oui et non ! Les quatre premiers épisodes se suivent facilement même si on ignore tout de Chucky ; en revanche les quatre derniers font réapparaître des personnages-clés (dont Andy ou Tiffany – rôle repris par Jennifer Tilly) et de nombreuses références au passé de Charles Ray. En dépit des multiples flash back, on risque de passer à côté de plusieurs allusions et même d’avoir du mal à saisir tous les tenants et aboutissants de l’histoire.
Les clins d’œil constants (dont la présence de Brad Dourif qui prête à nouveau sa voix à la poupée) et les liens avec les événements relatés au cinéma font que Chucky gagne considérablement en intérêt si on a vu les films. Mancini a toutefois l’habileté de construire un récit qui, tout en s’adressant d’abord aux fans, peut permettre de faire connaissance avec la poupée diabolique au fil des épisodes.
On y retrouve (ou on découvre) les caractéristiques de la saga et sa mythologie. L’écriture, grotesque et ironique, est bourrée de références notamment cinématographiques (avec pour l’occasion un regard nostalgique sur les années 1980 puisqu’on évoque The Shining, Ça, Halloween mais aussi Pulp Fiction ou Die Hard) ; les assassinats perpétrés par Chucky prennent une dimension tellement gore et atroce qu’ils en deviennent volontairement ridicules ; la poupée maîtrise aussi bien le couteau que l’ironie, le sarcasme et l’humour noir.
Dans le même temps, l’histoire se déroule à notre époque avec téléphones et ordinateurs portables, et elle s’appuie sur des thématiques actuelles fréquemment traitées dans les teen drama. Il y a non seulement le cadre du lycée, mais aussi et surtout des sujets tels que le harcèlement scolaire, la découverte de l’identité sexuelle LGBT+ (toutefois déjà évoquée au cinéma avec le personnage non-binaire de Glen/Glenda), les relations amoureuses et familiales. Don Mancini a d’ailleurs confié avoir transposé dans l’histoire de Jake des éléments autobiographiques, à commencer par l’homophobie dont il a souffert. Et étrangement, entre deux morts bien sanglantes, Chucky a presque des airs de récit initiatique queer ; c’est un peu Love Victor, version slasher.
Chucky trouve un bon équilibre entre toutes ses composantes. Elle s’inscrit dans la lignée des films en répondant à certaines questions laissées en suspens et en revenant sur le passé, l’enfance et même le premier meurtre de Charles Lee Ray ; elle suit ses nouveaux personnages en parvenant à les éloigner des stéréotypes initiaux puisque Lexy, Junior et Devon ont tous un rôle à jouer et gagnent en complexité au fil des épisodes.
Le plus réussi, c’est peut-être la manière dont Chucky entremêle meurtres gore et arcs narratifs plus intimistes, à l’image de la relation tordue entre Jake et Chucky. Ce dernier a certes un objectif machiavélique, mais il tente d’abord d’établir un lien avec Jake en lui proposant son aide. Jake subit un environnement scolaire et familial toxique, et tous ceux qui l’ont blessé physiquement ou émotionnellement sont dans le collimateur de Chucky. Ce que Chucky propose à Jake, c’est de devenir son mentor pour faire de lui un meurtrier qui assouvirait sa vengeance dans une débauche de sang, comme lui-même le fait depuis des années.
Un élément très fort et particulièrement perturbant, jusqu’à ce que Jake et ses acolytes prennent conscience de la vraie nature de Chucky. Ils se retrouvent alors aux prises avec une poupée de plus en plus diabolique et manipulatrice, habile à jouer du couteau. Ou de la seringue. Ou dans l’art de la défenestration. Ou de la décapitation. Parce qu’en passant du grand au petit écran, Chucky n’a rien perdu de sa férocité, de son sadisme, de son humour acide… ni de son inventivité.
A la fois slasher gore et comédie noire teintée de teen drama, Chucky jongle habilement entre exercice nostalgique, continuation de l’histoire de la poupée tueuse et nouveau chapitre de la saga. Il y a de la place pour le rire, le malaise, l’émotion, l’horreur et l’effroi – et c’est ce qui fait de Chucky une vraie réussite. Un récit haletant, bien mené et plein de surprises, au terme duquel Chucky himself s’adresse au spectateur pour faire le décompte des meurtres perpétrés en huit épisodes. Le score, impressionnant, pourrait bien vous dissuader de jouer à la poupée.
Chucky
8 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Salto.