Nous conseillons à nos lecteurs de quitter immédiatement cette critique déprimante de l’effroyable et nullement rassurante dernière saison des Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire.
C’est quoi, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire (saison 3) ? Depuis la mort de leurs parents, Violet (Manilla Weissman), Klaus (Louis Hynes) et Prunille Baudelaire (Presley Smith) ont subi de bien affligeantes épreuves. Ils n’ont cessé de fuir d’un endroit sordide à un autre pour échapper au perfide comte Olaf (Neil Patrick Harris) qui, avec l’aide de ses acolytes, tente de mettre la main sur leur fortune. Lemony Snicket (Patrick Warburton) s’apprête à nous raconter la suite et la fin de leurs désastreuses aventures. Déjoueront-ils les plans machiavéliques de Olaf ? Perceront-il le mystère du VFD, société secrète à laquelle appartenaient leurs parents ? Trouveront-ils enfin la paix (et le sucrier) ? Peut-être. Mais il leur faudra escalader une montagne glacée, plonger au fond des océans, fuir un hôtel en flammes et quitter une île tropicale.
C’est avec une saison de sept épisodes que Netflix achève Les Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, adaptation de la série de romans de Daniel Handler (publiés sous le pseudonyme de Lemony Snicket, narrateur du récit). Désobéissant au générique qui nous enjoignait d’éteindre nos télés et de ne pas regarder cette série déprimante et angoissante, nous avons suivi la succession de drames ayant frappé les pauvres enfants, et la manière dont Violet (avec ses inventions inspirées), Klaus (grâce à sa culture livresque) et Prunille (et ses canines aiguisées) parvenaient in extremis à échapper au redoutable Comte Olaf et à ses sbires.
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Fidèle aux quatre derniers tomes de la saga qu’elle raconte en trois arches distinctes, cette ultime saison reprend l’action exactement là où s’était arrêté la précédente, soit avec un cliffhanger au sens littéral du terme puisque Klaus et Violet sont piégés dans une caravane roulant à toute allure vers un précipice. Parvenant à se sortir de ce mauvais pas, les deux enfants vont secourir leur petite sœur Prunille, enlevée par Olaf et sa clique. Réfugiés à bord d’un sous-marin et aux prises avec un champignon mortel, ils vont ensuite tenter de rallier les agents du VFD, avant de se déguiser en grooms pour infiltrer l’hôtel Dénouement où doit se tenir le procès du Comte Olaf . Ils échoueront finalement sur une île mystérieuse, où ils retrouveront la trace de leurs parents.
Il suffit de lire les lignes précédentes pour deviner que la série reste fidèle à son style bien particulier, qui la rend difficile à cataloguer. La succession de rebondissements burlesques, les décors fantaisistes et les situations excentriques en font une fiction infantile ; le second degré et l’ironie du narrateur s’adressent aux adultes ; le récit tient à la fois de la comédie et du drame. S’y ajoute une galerie de personnages extravagants – citons la juge Strauss, le banquier Poe, Esmé d’Eschemizerre ou l’insupportable Carmelita. Et si les acteurs incarnant les enfants Baudelaire sont excellents, c’est encore une fois Neil Patrick Harris qui s’impose avec le personnage d’Olaf, histrion mauvais jusqu’à la trogne qu’il parvient pourtant à rendre émouvant (si, si…) dans ses toutes dernières scènes.
Quoi que dans la lignée des précédentes, cette saison est très inégale. Les quatre premiers épisodes sont quelque peu fastidieux, avec leurs longueurs et leurs redondances. Ils ont toutefois le mérite de sortir du schéma habituel (les orphelins se réfugient quelque part, le Comte Olaf les retrouve, adopte un déguisement improbable et les persécute dans l’indifférence générale) pour renouveler la structure du récit en confrontant directement les Baudelaire à leur ennemi juré. Mais c’est d’abord un tremplin pour le dénouement : beaucoup plus réussis, les trois derniers épisodes relient tous les fils, réunissent en un même lieu tous les personnages rencontrés jusque-là et révèlent enfin les origines du VFD, le mystère du sucrier et les raisons du schisme qui a conduit à la tragédie des Baudelaire. Jusqu’au final, conclusion douce-amère et émouvante, à la fois triste et optimiste, entièrement cohérente avec le ton de la série.
Cette dernière salve d’épisodes a aussi l’intelligence de brouiller les lignes entre le Bien et le Mal, les méchants et les gentils. Les flash-back sur le passé d’Olaf, l’explication du schisme, la remise en question de plusieurs personnages rebattent les cartes ; le procès intenté au Comte remet en perspective le rôle que chacun des personnages (les Baudelaire inclus) a joué dans les événements. Ogre des contes de fées, le Comte Olaf n’est pas le seul méchant de l’histoire. Les vrais artisans de ces désastreuses aventures, ce sont finalement tous ceux qui lui ont permis d’orchestrer ses sordides manœuvres – par leur indifférence ( le banquier Poe), leurs erreurs de jugement (la juge Strauss ou Lemony Snicket) ou leur pusillanimité (Jérôme d’Eschemizerre). Une fois n’est pas coutume, voilà toutefois une bonne nouvelle : il existe un espoir de rédemption. Même pour le plus affreux des comtes…
Avec son esthétique baroque et son mélange de comédie grotesque, de second degré et de noirceur, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire a su créer un univers emblématique – qu’on y adhère ou non. Nous voici arrivés au bout d’un parcours chaotique qui nous conduit d’une plage à une autre en passant par un manoir sordide, la maison d’un erpétologue, une funeste scierie, un collège douteux, un village perdu dans une plaine aride, un hôpital terrifiant, un cirque menaçant, une montagne glacée, les fonds marins abyssaux et un hôtel en flammes. Au final, on ignore toutefois ce qu’il est advenu des orphelins… Comme l’explique Lemony Snicket : toutes les histoires ont un épilogue, mais pas nécessairement une fin. Ces désastreuses aventures se sont-elles conclues avec le dernier épisode ? Peut-être pas. Car nous savons désormais que le monde est plein de terribles dangers – en particulier pour des orphelins.
Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire (Netflix)
Saison 3 de 7 épisodes de 45 ‘ environ.
Disponible sur Netflix.