La série retrace la vie de Maradona, footballeur de génie et personnalité hors-norme dont la légende a largement dépassé le cadre du sport.
C’est quoi, Maradona – le rêve béni ? En 2000, devant l’hôpital de Punta del Este, une foule prie et scande le nom de son idole, Diego Maradona. Le footballeur de légende est aux portes de la mort, dans le coma à cause d’une vie d’excès et d’addiction à la drogue. Comment cet homme, génie du ballon rond, est-il passé des quartiers pauvres de Buenos Aires à la gloire mondiale avant de chuter ainsi ? Qui est donc cette personnalité flamboyante mais tourmentée, devenue une légende vivante ? Entre carrière et vie privée, triomphes et échecs, gloire et souffrance, c’est le rêve béni mais aussi le destin maudit de Diego Maradona qui se dessine sous nos yeux.
Même si l’on ne s’intéresse pas au football, il y a des joueurs dont la notoriété a largement dépassé l’enceinte du stade et deux d’entre eux sont devenus des mythes absolus : le Brésilien Edison Arantes do Nascimento alias Pelé et l’Argentin Diego Armando Maradona. Le premier a hérité du surnom de Roi Pelé, le second est un Dieu. Littéralement : en Argentine, il existe une Église qui lui est entièrement vouée. Santa Maradona, priez pour nous, comme le proclame Manu Chao dans la chanson de la Mano Negra qui sert de superbe générique à la série. Crée par Alejandro Aimetta et disponible depuis le mois dernier sur Amazon Prime vidéo, la série est quasiment passée inaperçue chez nous ; il s’agit pourtant d’un récit biographique extrêmement réussi, un hommage à 360° rendu à ce footballeur mythique, décédé en 2020.
« Je suis Maradona, je mets des buts et je fais des erreurs. Je peux tout encaisser, j’ai les épaules assez larges pour me battre contre tout le monde ». Cette citation donne bien le ton de la série dédiée à Maradona. Une série qui, disons-le tout de suite, est une réussite : prenante, bien écrite, bien interprétée (trois acteurs différents incarnent Maradona à différentes époques de sa vie), et tournée en Argentine, au Mexique, en Espagne, en Italie… Les fans de foot en général et de Maradona en particulier relèveront certainement des incohérences, raccourcis ou arrangements avec la réalité, comme dans quasiment toutes les séries de ce genre ; globalement, le récit est toutefois cohérent, crédible et très agréable à regarder même pour quelqu’un qui ne s’intéresse pas spécialement au football.
Dans sa construction, c’est une série très classique. L’histoire débute en 2000, lorsqu’un Maradona abîmé par les excès et la drogue lutte pour sa survie dans un hôpital de Punta del Este. C’est le point d’ancrage que choisit la série, y revenant régulièrement à mesure qu’elle retrace rétrospectivement la vie et la carrière de Diego. Sur le plan sportif, on le suit de ses débuts dans les rues d’un barrio pauvre de Buenos Aires jusqu’à la finale de la coupe du monde 1986, en passant par son recrutement en équipe nationale junior, son arrivée au Boca, son exclusion de la Coupe du monde 1978, sa carrière à Barcelone ou à Naples, ses blessures sur le terrain, les matchs disputés sous le maillot de l’Argentine, la fameuse « Main de Dieu » ; mais aussi ses relations avec ses managers, ses coéquipiers, ses entraîneurs, les médias. Dans la sphère privée, on découvre Diego avec ses parents, dans sa vie sentimentale et familiale compliquée, en proie à la tentation des excès et de la drogue…
Incarné à l’écran successivement et avec talent par Nicolás Goldschmidt, Nazareno Casero et Juan Palomino, ce Diego Maradona a quelque chose de fascinant et surtout de touchant. Il est magnétique, brillant, pathétique, tragique, despotique, déconcertant et excessif. Si la série ne cache rien de ses travers ou de ses faiblesses, elle est en empathie totale avec son héros et retrace sa vie avec tendresse, humour et un vrai sens de la dramaturgie.
Bien entendu (et heureusement), de nombreuses scènes se déroulent sur le terrain et dans les vestiaires, la réalisation optant alors pour un réalisme saisissant et donnant aux images un grain et une patine qui, par moments, égarent le spectateur à tel point qu’on ne distingue que difficilement la série des documents d’archives. A fortiori parce que Maradona mélange les deux et clôture chaque épisode par des séquences (parfois inédites) d’interviews et de reportages qui reprennent et contextualisent les événements auxquels nous venons d’assister.
Le pari le plus risqué consiste toutefois à superposer la vie de Maradona au contexte socio-politique : la dictature argentine des années 1970 / 1980, les manifestations de la Plaza de Mayo, l’instrumentalisation des succès sportifs par le régime de Videla, la guerre de Malouines, la mort en exil de Perón, le triomphe de la démocratie… En Argentine la série a fait débat, certains médias la qualifiant de « fable péroniste ». Le choix reste cependant intéressant car ce va-et-vient incessant entre passé et présent, vie sportive et vie privée, événements historiques et personnels relie l’histoire de Maradona à celle d’une Argentine au passé douloureux. La population, écrasée par la pauvreté et la violence, se rattache désespérément à l’enfant du pays, vibre avec lui, se nourrit par procuration de ses espoirs et de ses triomphes. Le rêve béni, c’est autant celui de Maradona que celui de toute une nation.
En attendant la deuxième saison prévue l’année prochaine, Maradona – le rêve béni dessine un portrait fascinant de cette légende du sport devenue mythe de son vivant. Elle réussit l’exploit de s’adresser autant aux fanas de football qu’à ceux qui ne s’y intéressent pas plus que ça, en abordant certes sa carrière mais aussi sa vie privée et le contexte politique sensible de l’époque en Argentine. C’est un bel hommage à cette personnalité hors-norme qui a touché le cœur de tout un pays et qui continue de subjuguer dès qu’on le voit balle au pied sur un terrain.
Maradona, le rêve béni.
10 épisodes de 55′ environ.
Disponible sur Amazon Prime Vidéo.