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On débriefe pour vous : Monster – L’histoire d’Ed Gein, la fascination du Mal

Troisième saison de Monster, L’histoire d’Ed Gein nous entraîne dans la psyché fracturée d’un tueur dont les crimes ont redéfini l’imaginaire de l’horreur moderne.

C’est quoi, Monster : L’histoire d’Ed Gein ? Dans les années 1950, dans un petit village du Wisconsin, Ed Gein (Charlie Hunnam) est un modeste fermier timide et réservé, qui n’a jamais fait parler de lui. A la mort de sa mère Augusta (Laurie Metcalf), autoritaire et castratrice, Ed bascule. Obsédé par la mort et les cadavres, il déterre des corps dans les cimetières, commet des meurtres et bien d’autres atrocités, hanté par des visions et fantasmes. En 1957, l’horreur de la ferme d’Ed Gein éclate au grand jour, provoquant le choc et l’effroi. Mais aussi l’intérêt du cinéma et de la littérature, qui vont faire du tueur un personnage emblématique de la culture populaire.

Après Jeffrey Dahmer et les frères Menéndez, Ryan Murphy poursuit son anthologie des figures criminelles les plus dérangeantes de l’histoire américaine avec Monster: l’histoire d’Ed Gein. Mais là où Dahmer se focalisait notamment sur les failles systémiques qui ont permis au tueur d’agir en toute impunité, quand The Menendez brothers s’interrogeait sur le contexte familial du double parricide, Ed Gein s’intéresse moins aux raisons qui ont fait du tueur ce qu’il est (elles sont assez évidentes) qu’à son impact sur la culture populaire et plus particulièrement le cinéma. A travers l’histoire terrifiante de ce monstre, c’est notre propre rapport aux crimes et à la violence qui est passé au crible. 

Une interprétation plutôt qu’une biographie

Soyons clairs : la série prend des libertés avec l’histoire d’Ed Gein (interprété par un Charlie Hunnam proprement phénoménal), biaisant et romançant certains faits. Il s’agit d’une série et non d’un documentaire : pour ceux qui souhaitent une approche plus factuelle, quelques recherches suffisent à rétablir la vérité. 

Par exemple, l’histoire « d’amour » malsaine entre Ed et Adaline Watkins ou sa supposée complicité dans certains crimes relèvent largement de la fiction. Gein n’a jamais été officiellement reconnu coupable de la disparition d’Evelyn Hartley ni du meurtre de son frère. Quant à la nécrophilie, qu’il a toujours niée, la série ne laisse ici aucun doute à ce sujet. 

Du reste, dès les premiers épisodes, cette saison établit une esthétique brute et sans fard, presque clinique mais d’une violence choquante. La caméra ne se détourne ni des scènes de meurtres, ni des scènes d’éviscération, de nécrophilie, frôlant même la complaisance. Ce n’est pas la violence à la Saw, mais quelque chose de bien plus dérangeant : une horreur organique, sale, terreuse — qui colle à la peau.

A lire aussi : Qui sont les victimes de Ed Gein ? | VL Média

Ed Gein, interprété par un formidable Charlie Hunnam

L’horreur, dans la tête d’Ed Gein

Malgré un récit chaotique qui alterne entre réalité et les hallucinations d’Ed et navigue entre plusieurs périodes, la force de cette saison réside dans la reconstitution glaçante de l’univers mental de Gein. Sans chercher à « excuser » ses actes par un passé difficile ou une pathologie psychiatrique, la série dresse un portrait d’un homme enfermé dans un délire où se côtoient fascination pour les horreurs nazies, attirance et haine pour les femmes, délires, solitude dévorante et paraphilie. Un homme qui associe l’excitation physique à la violence, avec toutes les conséquences dévastatrices que cette équation aurait sur son psychisme… et sur ses victimes.  

Surtout, la série dépeint le poids écrasant de la figure maternelle. Cette relation mère-fils toxique est l’alpha et l’omega de la folie d’Ed : la foi rigide d’Augusta frisait le fanatisme, elle haïssait les hommes par essence faibles et les femmes qualifiées de perverses, et elle a « bousillé » son fils, son rapport au sexe et à l’identité sexuelle, dès l’enfance. Et c’est une présence qui ne quitte jamais l’esprit d’Ed, même après la mort de sa mère… 

La fascination pour le monstre

Ed Gein n’est pas un tueur de masse ou un manipulateur diabolique. C’est un solitaire, un marginal délirant obsédé par sa mère, dont les déviances sont si surréalistes qu’elles ont inspiré des figures de fiction comme Norman Bates (Psychose), Leatherface (Massacre à la tronçonneuse) ou Buffalo Bill (Le Silence des Agneaux). Il n’a officiellement tué que deux femmes — mais la macabre collection d’ossements, de masques de peau et d’ustensiles humains retrouvés chez lui parle d’elle-même.

Alfred Hitchcock, l’un des cinéastes qui s’est inspiré d’Ed Gein

L’état mental d’Ed Gein est l’affaire des experts, et on ne saura probablement jamais vraiment de quels troubles mentaux il souffrait. Monster prend toutefois une autre ampleur lorsqu’elle montre Ed Gein dans sa dimension imaginaire, révélateur d’une société qui a intégré la violence.  Malgré les scènes insoutenables, l’atrocité et la violence : pourquoi restons-nous devant notre écran ? 

A lire aussi : Ed Gein : est-ce que Ilse Koch que l’on voit dans la série a vraiment existé ? | VL Média

« Le spectateur a découvert un nouveau monstre : lui-même », déclare Alfred Hitchcock, incarné dans la série par Tom Hollander. Dans le sourire sinistre de Norman Bates, dans le bain de sang de Massacre à la tronçonneuse, dans la danse macabre de Buffalo Bill, à travers Hitchcock et Tobe Hooper, la série montre comment Ed Gein a  généré un intérêt morbide. Le véritable malaise ne réside pas (seulement) dans ses actes, aussi abominables soient-ils, mais dans notre volonté de les regarder, de les comprendre, voire de les consommer comme du divertissement. La violence est  ici un miroir tendu au spectateur. Nous avons transformé le monstre en icône – ce qui en dit sans doute plus sur nous-mêmes que sur lui.

La troisième saison de Monster expose brutalement les crimes commis par Ed Gein,  un fermier du Wisconsin arrêté en 1957 après la découverte macabre de cadavres exhumés, d’objets fabriqués à partir de peau humaine et du meurtre d’au moins deux femmes. Difficile à regarder, la série expose l’horreur brute de ses actes et met à nu notre propre regard sur cette violence. Elle ne cherche pas tant à comprendre le monstre que les mécanismes qui sous-tendent  notre propre rapport à l’horreur. Là où les deux premières saisons tentaient de déconstruire les tueurs, cette troisième saison s’attaque à nous : elle démonte les mécanismes de notre fascination pour le Mal et révèle ce que dit de nous cette étrange attirance pour les tueurs en série.

Monster : l’histoire d’Ed Gein
8 épisodes de 60′ environ
Disponible sur Netflix. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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