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On débriefe pour vous… Roar, anthologie féministe des créatrices de Glow

Avec son casting spectaculaire, Roar est une expérience curieuse et stimulante quoique irrégulière au fil des épisodes.

C’est quoi, Roar ?  Une femme mange des photographies (Nicole Kidman), une femme devient invisible alors qu’elle est confrontée au racisme ordinaire (Issa Rae), une femme est exposée par son mari sur une étagère  comme un bibelot (Betty Gilpin), une femme résout son propre meurtre (Alison Brie), une femme rapporte son mari au magasin où elle l’a trouvé (Meera Syal), une femme tombe amoureuse d’un canard (Merritt Wever)… Elle sont huit, toutes plongées dans des situations et donc des histoires différentes ; toutes sont à la recherche de leur identité, d’une forme d’indépendance ou de réalisation personnelle et s’interrogent, à leur manière, sur ce que signifie être une femme aujourd’hui. 

Série d’anthologie de huit épisodes d’une demi-heure, Roar est l’adaptation du recueil de nouvelles Roar : Thirty Women, Thirty Stories de l’Irlandaise Cecelia Ahern. Créée par le duo Carla Mensch et Liz Flahive à qui l’on devait la géniale Glow sur Netflix, la série disponible sur  Apple TV + est étonnante, intéressante, souvent déstabilisante… mais se perd toutefois dans un concept traité de manière un peu trop basique pour parvenir à construire un propos homogène. En clair, elle ne parvient pas toujours à dire ce qu’elle souhaite dire.  

Concrètement, chaque épisode nous raconte une histoire indépendante : huit fables féministes confiées à  différentes scénaristes, réalisatrices (Rashida Jones, Quyen Tran, So Yong Kim…) et actrices (Nicole Kidman qui est également productrice exécutive, Cynthia Erivo, Issa Rae, Merritt Wever, Alison Brie, Betty Gilpin…) qui varient dans le sujet, le ton et le genre. On flirte successivement avec l’horreur, la science-fiction, le drama ou la comédie – mais toujours avec un point de départ ou un rebondissement empreint de fantastique ou de surréalisme. C’est donc une série très disparate, même si toutes les histoires qu’elle nous raconte se rejoignent en ce qu’elles portent le cri de libération et d’indépendance de ces héroïnes qui traversent des expériences différentes. 

Huit histoires, huit héroïnes : you’re gonna hear them roar

Chacun des huit épisodes est intitulé « The woman who… », une amorce complétée par une conclusion généralement assez bizarre mais qui dit clairement ce que nous allons voir. Dans le premier épisode, Issa Rae disparaît du regard des autres lorsque son roman est en phase d’adaptation par les responsables (des hommes hétéros, blancs et cisgenres) d’un studio à Hollywood. Dans le deuxième, Nicole Kidman fait face à la maladie d’Alzheimer de sa mère en dévorant  des photographies de son enfance pour revivre de vieux souvenirs. Dans le troisième, Betty Gilpin est littéralement exposée sur une étagère, comme un trophée, par son mari (Daniel Dae Kim), avant qu’il ne se lasse de l’admirer. 

De son côté, Cynthia Erivo est littéralement dévorée par la culpabilité lorsqu’elle reprend le travail après avoir accouché. Merritt Wever tombe amoureuse d’un canard qui s’avère être un… connard passif-agressif. Alison Brie  enquête sur son meurtre en suivant les inspecteurs (Chris Lowell et Hugh Dancy) chargés de découvrir l’identité du coupable. Meera Syal, piégée dans un mariage plan-plan, retourne son mari au supermarché où elle l’a acheté. Enfin, Fivel Stewart  et Kara Hayward parcourent le far west pour s’éloigner de leurs parents. 

Des femmes ordinaires confrontées à des situations exceptionnelles, exprimées par des métaphores poussées à l’extrême pour mettre en lumière certains aspects de la féminité et les nombreux problèmes auxquels les femmes sont confrontées aujourd’hui – de l’équilibre entre carrière et vie familiale  à la capacité de se libérer d’une relation toxique en passant par l’usure du couple ou l’objectivation du regard masculin. Une série éminemment féministe mais qui, pour autant, ne s’adresse pas uniquement aux femmes : à travers toute une galerie de portraits, Roar offre des histoires fortes qui, si elle parleront nécessairement davantage à un public féminin, soulèvent des questions qui nous concernent tous. Soit parce que les thèmes sont universels (le racisme, notre rapport à la mémoire, la construction de notre identité), soit parce qu’en tant qu’homme, on est  le fils, le frère, le mari ou le père de quelqu’une. 

Le plus grand atout de Roar, c’est indéniablement son casting. Les actrices sont toutes absolument irrésistibles, s’emparent de leurs personnages respectifs pour montrer des femmes authentiques, fragiles, féroces, indécises, combatives et qui, chacune à sa façon, résiste dans un monde qui tente de les cataloguer, de les invisibiliser, de les enfermer dans un moule, de les cantonner à un rôle. Le plus étonnant, c’est que malgré la dimension surréaliste des récits, le procédé fonctionne très bien – songez que la fantastique Merritt Wever est capable de nous vendre une relation amoureuse toxique avec un canard ! 

Un canard et une femme. Chabada, bada

Si Roar rate parfois sa cible, c’est finalement lorsque son concept se retourne contre elle. L’intention est donc de parler des défis que représente le fait d’être une femme aujourd’hui dans différents contextes (personnels, professionnels, familiaux ou de couple – tous hétérosexuels, d’ailleurs), en les illustrant de manière littérale. Or, certaines allégories manquent de courage et certaines métaphores souffrent d’une absence cruelle de subtilité. Un peu comme si la structure idéologique et théorique importait davantage que le naturel narratif.

Un défaut qui accroît le sentiment que (comme souvent dans une série anthologique, cela dit) certains épisodes sont plus réussis que d’autres. En dehors de la sensibilité de chacun, certaines histoires (par exemple la deuxième ou la quatrième) sont fortes en raison des nombreuses lectures qu’elles offrent. D’autres, en revanche, aurait pu approfondir leur thème central (comme la première ou la huitième) De sorte que Roar fait parfois entendre le rugissement féroce d’une lionne… et parfois le miaulement d’un chat domestique. 

Avec ses actrices magnifiques, Roar aborde une multitude de thèmes souvent liés à la féminité à travers des récits surréalistes et des métaphores poussées à l’extrême. Parfois peut-être un peu trop, le récit perdant alors de sa force au détriment de l’allégorie littérale. Reste que le livre original racontant treize histoires, il reste encore de la matière pour une éventuelle deuxième saison, avec d’autres sujets, d’autres héroïnes et d’autres rugissements. 

Roar
8 épisodes de 30′ environ.
Disponible sur Apple TV.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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