The Boys continue de mélanger action, humour potache, violence et satire dans une troisième saison réussie.
C’est quoi, The Boys (Saison 3) ? Éclaboussé par le passé nazi de Stormfront, Homelander (Anthony Starr) fait profil bas et doit même accepter Starlight (Erin Moriarty) comme co-capitaine – jusqu’au moment où il parvient à prendre la tête de Vought Industries. De son côté, Hughie quitte le bureau des Affaires super-héroïques lorsqu’il découvre que sa supérieure est elle-même une super corrompue. Quant à Butcher (Karl Urban), il part sur les traces d’un ancien super que tout le monde croyait mort, Soldier Boy (Jensen Ackles), dont la puissance surpasserait celle de Homelander. Butcher lui propose un deal : il va l’aider à traquer les membres de son ancienne équipe qui l’ont trahi, en échange de la mort de Homelander.
The Boys, adaptée des comics de Gareth Ennis et Darick Robertson, ne s’est jamais embarrassée du politiquement correct et cette saison pousse plus loin tous les curseurs : violence, sexe, humour grotesque, parodie… mais aussi portrait sarcastique d’une certaine idée de l’Amérique. Il y a de la provoc’ et du malaise là où on s’y attend, et ailleurs aussi. De sorte que The Boys est à la fois un pur divertissement et une satire – parfois un peu facile mais néanmoins inspirée – au vitriol.
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Cette troisième saison est globalement réussie. Malgré quelques baisses de rythme dans des épisodes d’une heure, dont un arc narratif se déroulant en Russie moins efficace que le reste, on replonge vite dans l’histoire de The Boys, notamment parce que (à l’exception de The Deep qui ne sert pas à rien), la plupart des protagonistes ont droit à des intrigues secondaires intéressantes. Citons notamment Frenchy et Kimiko, Mother’s Milk, A-Train ou Black noir.
Toutefois, on se focalise principalement sur le trio Butcher / Homelander / Soldier Boy. Leurs interprètes sont d’ailleurs absolument formidables : aux côtés d’un Karl Urban toujours excellent, Jensen Ackles explose (littéralement) dans le rôle de Soldier Boy et on manque de superlatifs pour qualifier la performance de Anthony Starr, époustouflant dans la peau de ce Homelander qu’on adore détester et qu’on déteste adorer . Les trois personnages, charismatiques et complexes, se ressemblent finalement bien plus qu’ils ne le pensent : même colère, mêmes blessures familiales, même remise en question de leur leadership par leur équipe, même super-pouvoirs (temporairement pour Butcher, grâce à une substance appelée le V-Temp). Leur affrontement, déjà épique dans le sixième épisode, culmine évidemment dans le dénouement complètement fou (malgré quelques maladresses) de la saison.
The Boys a toujours eu une volonté de choquer et cette saison ne fait pas exception, même si l’on sent que la série est un peu prisonnière de cette outrance et semble avoir atteint une certaine limite. Le fameux épisode Herogasm, avec sa partouze de Super-héros, est loin d’être aussi choquant qu’on l’avait annoncé. Pour autant, entre débauche d’hémoglobine, scènes de violence sadique et séquences totalement improbables (The Deep et son poulpe…), on retrouve en grande partie l’esprit du comics. Pourtant, les moments les plus choquants n’ont rien à voir avec le gore ou le grotesque. Ce qui interpelle le plus dans The Boys, c’est la manière dont elle s’attaque à quelque chose de la société contemporaine.
Pas besoin d’un master en politique américaine pour comprendre à quoi joue The Boys à travers le personnage de Homelander. Cette saison, nous le voyons gagner encore plus en puissance et en popularité grâce à la désinformation, en critiquant systématiquement les médias, en se plaçant comme victime du wokisme en tant qu’homme cis blanc – jusqu’à réunir derrière lui une foule de partisans prêts à tolérer tout ce qu’il fait et à croire tout ce qu’il dit. Beaucoup de critiques ont souligné l’analogie avec ce qui s’est passé avec Donald Trump, mais on peut considérer que si la critique pointe vers les États-Unis, elle a une portée plus large.
Homelander et Soldier Boy sont aussi respectivement des versions au vitriol de Superman et Captain America. Deux super-héros symboles des « valeurs américaines » que brandissent comme étendard les USA face au reste du monde, tandis que les personnages de The Boys reflètent l’image que le reste du monde peut avoir des USA. Soit un géant instable à l’ego et à la violence démesurés, détenteur d’une puissance lui permettant d’exercer son pouvoir sans se remettre en question ni douter de sa légitimité… mais avec le désir d’être aimé et vénéré comme un sauveur.
Tout aussi habile et moins prévisible, The Boys renvoie aussi une image acide de l’Amérique à travers ce qu’elle sait faire de mieux : le show. Il y a un jeu de miroirs permanent qui dépasse largement la parodie de DC / Marvel. A-Train se découvre en champion des droits des Afro-Américains dans un re-branding kitsch et embarrassant ; le nouveau membre des Seven est choisi grâce à un crochet télé ; Homelander se sert des fake news pour discréditer toute tentative de critique ; The Deep tourne une cover hilarante de «Imagine» ; Vought Industries réécrit la bataille contre Stormfront dans une version cinéma aussi épique que mensongère (avec un cameo de Charlize Theron) ; l’homosexualité de Maeve devient le sujet d’une attraction dans le parc des Seven. La critique est drôle… et surtout d’autant plus acide que The Boys joue avec les mécanismes d’un système médiatique et de l’industrie de divertissement dont elle a parfaitement conscience de faire partie.
Sans surprise, The Boys a été reconduite pour une quatrième saison qui continuera certainement de multiplier les scènes-chocs et de jouer avec les possibilités offertes par la métaphore super-héroïque. Reste à voir si la série parviendra à exploiter la situation chaotique dans laquelle elle nous laisse pour faire progresser un affrontement qui tire un peu en longueur, entre Butcher et Homelander. Entre temps, le spin off Gen-V nous plongera dans une université pour super-héros où l’on retrouvera sans doute ce que The Boys sait faire de mieux… et donc de pire.
The Boys
Saison 3 – 8 épisodes de 60′
Disponible sur Amazon Prime.