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On débriefe pour vous … The little drummer girl, thriller d’espionnage lent mais envoûtant

La réalisation magnifique compense les longueurs de cette adaptation de John Le Carré, The little drummer girl, qui raconte l’histoire d’une jeune actrice infiltrée au sein d’une cellule terroriste.

C’est quoi, The little drummer girl ? A Bonn, au milieu des années 1970, un attentat est perpétré contre un diplomate israélien par une cellule terroriste palestinienne ,bénéficiant du soutien logistique de groupes d’extrême gauche. Les services secrets israéliens créent alors un groupe clandestin chargé d’identifier les responsables de l’attaque et d’anéantir leur chef,  Khalil. Martin Kurtz (Michael Shannon), responsable de l’opération, tente de recruter Charlie (Florence Pugh), une jeune actrice sympathisante des milieux radicaux. Son idée consiste à l’infiltrer dans le groupe terroriste en la faisant passer pour la petite amie du frère décédé de Khalil. D’abord réticente, la jeune femme se laisse convaincre, fascinée par le pouvoir de séduction de Gadi (Alexander Skarsgard), son agent traitant.

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The Little Drummer Girl est d’abord un roman de John Le Carré, publié en 1983 et adapté au cinéma l’année suivante. Il fait aujourd’hui l’objet d’une mini-série en 6 épisodes, coproduite par AMC et la BBC, dans laquelle l’histoire se développe en suivant deux axes : le thriller d’espionnage à proprement parler et la relation ambiguë qui lie les trois protagonistes principaux.  

Les romans de John Le Carré sont une valeur sûre : l’année dernière, le succès de The Night Manager l’a prouvé ; The Little Drummer girl le confirme. On y retrouve tout ce qui a fait le succès du maître du thriller d’espionnage : une intrigue impeccablement construite, le contexte hyper-réaliste de la guerre froide, un agent infiltré, l’affrontement de deux camps et une claire dichotomie entre les bons et les méchants – en l’occurrence, les israéliens contre les palestiniens. Fidèle au texte, le scénariste Michael Lesslie en respecte le déroulement point par point, introduit l’histoire avec une certaine lenteur et un luxe de détails pour permettre au spectateur de pénétrer progressivement dans ce complot géopolitique complexe. Il dessine ainsi un véritable jeu d’échecs où Charlie n’est qu’un pion, déplacé au péril de sa vie.

Trio d’espions, entre manipulations et faux-semblants

Mais le plus fascinant, c’est la dynamique qui s’établit entre l’héroïne et les deux personnages masculins. La magnifique interprétation de Florence Pugh traduit parfaitement comment Charlie, actrice à la fois naïve et arrogante, voit peu à peu son idéalisme passionné se fracasser contre une réalité à laquelle ses prises de position ne l’ont pas préparée. A ses côtés les deux hommes qui vont bouleverser sa vie sont incarnés par Michael Shannon (Boardwalk Empire) et Alexander Skarsgard (True Blood, Big Little Lies). Le premier campe le chef de la cellule israélienne, une sorte de marionnettiste calculateur et sans scrupule ; le second  donne à Gadi son charisme et sa sensualité froide. Au premier abord, le jeu de séduction qui se dessine entre Charlie et lui semble dénué de toute dimension charnelle ou passionnée. Il prend des allures de joute intellectuelle, se traduit par des gestes minimalistes et des échanges idéologiques qui, paradoxalement, accentuent la dimension érotique et l’étrange tension sexuelle sous-jacentes.

The little drummer girl est un thriller d’espionnage que l’on pourrait qualifier de vintage . Non seulement avec son style et son langage empruntés aux classiques du genre, mais aussi du point de vue géopolitique et  idéologique. Dans une Europe du passé (entre l’Allemagne, la Grèce, la Yougoslavie et l’Autriche), l’histoire est datée car elle repose sur des concepts et valeurs des années soixante-dix, que la série aborde sans y ajouter aucune réflexion actuelle. Un choix qui porte sur le contexte un regard sans filtre contemporain, comme une émanation directe de l’époque d’écriture et de la période à laquelle se déroule l’histoire, la rendant extrêmement immersive. En revanche, plus encore que dans le roman sans doute, la transposition à l’écran s’enrichit d’une perspective déconcertante – quoi que secondaire. A savoir une sorte de mise en abyme qui établit un dialogue entre espionnage et interprétation, et qui interroge sur le métier ou la vocation d’acteur, l’impact psychologique du faux-semblant, la frontière poreuse entre rôle et mensonge, la manière dont se construit un personnage.

Gadi et Charlie, ou l’espion qui m’aimait

On a évoqué le rythme de la série : il risque fort de décourager certains spectateurs. Objectivement, il manque certains moments de tension, et  la lenteur d’exécution rend parfois l’ensemble un peu ennuyeux. Longue à se mettre en place, The little drummer girl décrit longuement le contexte et s’appesantit subtilement sur la psychologie de ses personnages. Il faut attendre les deux derniers épisodes pour que l’intrigue s’accélère, avec des scènes d’action et un engrenage qui se débloque enfin, jusqu’à la conclusion.

En revanche, la série séduit d’emblée par la mise en scène de Park Chan-Wook, qui s’est notamment fait connaître au cinéma avec le film Old Boy. Il a choisi de soigner la forme et, dès les premières scènes, la réalisation est élégante et l’esthétique sublime. Le jeu de lumières, les tons sombres d’une époque désuète et l’éclat de l’héroïne avec ses robes monochromes aux couleurs vives, la mise en scène des paysages naturels, le cadrage avec ses plans larges : la série reste empreinte d’une certaine froideur qui traduit bien la paranoïa ambiante et la tension omniprésente, tout en montrant des scènes spectaculaires, comme autant de  compositions. On pense par exemple à une séquence nocturne époustouflante devant le Parthénon à Athènes, dans le premier épisode.

Devant le Parthénon, scène emblématique de la série

Histoire complexe servie par l’interprétation fantastique des ses trois acteurs principaux, The little drummer girl est une mini-série éclatante sur le plan visuel,  qui séduira tous ceux prêts à se laisser porter par son atmosphère. Sublime dans sa mise en œuvre, elle demeure cependant austère en raison de sa lenteur volontaire, la forme prenant sensiblement le pas sur le fond. Ainsi, si vous cherchez une alternative à Homeland ou 24, tournez-vous plutôt vers Jack Ryan. Après tout, Tom Clancy est lui aussi une valeur sûre du thriller d’espionnage…


 The Little Drummer Girl (AMC / BBC One)
6 épisodes de 55′ environ.
Déjà diffusée sur MyCanal, prochainement sur Canal Plus.  

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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