You revient avec une troisième saison parfois redondante mais toujours aussi perversement efficace et addictive.
C’est quoi, You (saison 3) ? Joe Goldberg (Penn Badgley) et Love (Victoria Pedretti) se sont installés dans une jolie banlieue, loin de Los Angeles. Futurs parents, ils veulent commencer une nouvelle vie rangée, sans les meurtres dont ils sont coutumiers et sans la tendance au harcèlement de Joe. Mais les habitudes ont la vie dure. Le jeune papa s’intéresse d’un peu trop près à la nouvelle voisine puis à la jolie Marienne (Tatie Gabrielle), au grand dam de Love qui compte bien sauver son couple. Par tous les moyens, quitte à laisser son impulsivité prendre le dessus.
La troisième saison de You a débarqué sur Netflix le 15 Octobre dernier. Créée par Greg Berlanti d’après les romans de Caroline Kepnes, la série connaît un grand succès avec son héros aussi romantique que psychopathe. En grande partie grâce à l’interprétation bluffante de Penn Badgley, Joe a réussi à séduire de nombreux spectateurs, bien qu’il soit un harceleur, un pervers et un tueur.
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Notre (anti)héros est désormais marié à Love. La jeune femme est enceinte et accouchera bientôt d’un petit Henry Forty (comme son jumeau décédé ; y a-t-il un pédopsychiatre dans la salle ?) Ils ont emménagé dans une banlieue bobo de San Francisco, où Joe se désespère des voisins en leggings adeptes du yoga et des smoothies détox. Il est toutefois résolu à s’adapter et a pris de bonnes résolutions avec Love : finies les conneries, les gens qu’on enferme dans une cage en verre et/ou qu’on bute. Peine perdue : Joe a vite fait de se découvrir une nouvelle obsession pour la jolie voisine Natalie (Michaela McManus) et de lui voler sa petite culotte. Coup classique et grossière erreur, Love découvre l’objet du délit. Or, s’il y a pire vengeance que celle d’une femme bafouée, c’est bien celle d’une psychopathe bafouée…
Et voilà comment une gentille petite vie de famille en banlieue vire au Mr et Mrs Smith psychopathes, au cross over entre Scènes de ménage et Esprits Criminels. You joue avec les doutes qui affectent la relation de Joe et Love, susceptibles de concerner n’importe quel mariage : je m’ennuie au lit avec l’autre, mon partenaire est peut-être infidèle, on devrait faire une thérapie de couple, je n’ai aucune idée de la manière dont on s’occupe d’un bébé. Au lieu de jeter des assiettes par terre, Love et Joe poignardent des gens. Sortir d’une cage dans une cave, c’est compliqué ; mais pas autant que de s’échapper d’une union avec quelqu’un d’aussi fou que vous et qui connaît tous vos trucs.
You développe ainsi ses deux personnages principaux à travers leur relation dysfonctionnelle, leur permet d’exprimer leurs émotions sans pour autant oublier de joyeuses scènes de meurtres, de séquestrations et de violence avec des victimes diverses et variées (dont nous ne dirons rien, excepté un anti-vax qui prend cher dans un joli clin d’œil à l’actualité). En creux surgissent des sujets tels que la parentalité, l’évolution du mariage traditionnel, l’érosion de la passion ou la boboisation de certains quartiers. Des thèmes traités de manière secondaire voire anecdotique mais avec une bonne dose d’ironie, puisque perçus à travers deux personnages mentalement instables.
Autrement, You reprend des éléments déjà exploités précédemment ; la dynamique entre Joe et celle(s) qu’il harcèle, des flash-back sur son enfance, certains rebondissements qui se voient venir de loin. Pourtant, l’ensemble fonctionne et, comme le voyeur qu’est Joe, on ne peut pas s’empêcher de regarder, avide de savoir ce qui va se passer. C’est une série qui accroche grâce à ses coups de théâtre, son ambiance perverse et la manière dont elle parvient à maintenir la tension. Sans rien de révolutionnaire, ces nouveaux épisodes sont addictifs avec de nouveaux personnages, nos deux tueurs poussés dans leurs retranchements, le niveau de folie qu’ils atteignent et l’humour toujours plus acide distillé par la voix off de Joe.
Joe, justement, poursuit ce qu’il pense être un chemin vers la rédemption – à sa manière, c’est-à-dire notamment en rendant justice au nouvel objet de son obsession, Marienne. Dans le même temps, on retrouve ces retours en arrière dans le passé de Joe qui expliquent voire essayent de justifier l’origine de ses déviances. Love, quant à elle, cherche à sauver son mariage – à sa manière, c’est-à-dire en tentant de raviver la flamme chez Joe et en dézinguant tous ceux qui peuvent menacer sa famille . Pour autant, You ne lui offre pas la même opportunité que celle qu’elle donne à Joe : elle a certes ses propres moments de réflexion en voix off, quelques révélations (évidentes) sur ce qu’elle a vécu, mais rien qui lui permette d’avoir la même complexité psychologique que son mari.
De sorte qu’elle apparaît comme une folle meurtrière déchaînée incapable de se maîtriser, sans rien pour expliquer ses actes. Comme si les scénaristes voulaient canaliser notre sympathie vers Joe exclusivement, faisant de lui le « gentil psychopathe » et de Love, la méchante. Or, la seule différence c’est que l’un gère un peu mieux ses meurtres et leurs conséquences et entre Joe et Love, il n’y en a clairement pas un pour rattraper l’autre. Heureusement, Victoria Pedretti interprète formidablement bien le rôle, tandis que Penn Badgley est toujours aussi flippant. Et on ne doute pas qu’il le sera tout autant dans la quatrième saison de You, d’ores-et-déjà confirmée par Netflix.
La troisième saison de You peut parfois lasser le spectateur avec ses mécanismes redondants, ses allers-retours constants, ses personnages répétant inlassablement les mêmes erreurs. Paradoxalement, si la formule montre quelques signes d’essoufflement, cette saison est sans doute la plus surréaliste, addictive et ironique des trois, avec sa double ration de folie et de déchaînement meurtrier. Imaginez Bonnie et Clyde à Wisteria Lane, ajoutez-y une bonne dose de jalousie, des méthodes éprouvées pour se débarrasser d’un voisinage gênant et saupoudrez d’une pincée d’ironie : c’est la recette de You. C’est parfois un peu indigeste, mais on en redemande.
You
Saison 3 – 10 X 45′ environ.
Disponible sur Netflix.