La deuxième saison de You nous ramène dans l’esprit perturbé d’un Joe Goldberg qui ne tarde pas à retomber dans ses vieux travers – pour notre plus grand plaisir.
C’est quoi, You (saison 2) ? Après les événements survenus à New York, Joe (Penn Badgley) tente d’échapper à la vengeance de son ex, Candace (Ambyr Childers) qu’il croyait morte et enterrée. Sous le nom de Will Bettelheim, il décide de repartir à zéro à Los Angeles, ville bobo et superficielle qu’il déteste. Il se rapproche de ses voisines, Delilah (Carmela Zumbado) et sa jeune sœur Ellie (Jenna Ortega), et il rencontre surtout la jolie Love (Victoria Pedretti), très proche de son frère jumeau Forty (James Scully). Alors qu’il était bien décidé à ne pas répéter les mêmes erreurs, Joe / Will devient vite obnubilé par la jeune femme. Cette nouvelle obsession et ces nouvelles rencontres vont faire resurgir ses pulsions meurtrières…
Qui – à part les personnes parfaitement équilibrées – n’aime pas l’idée de plonger dans l’esprit perturbé d’un maniaque ? Probablement pas les spectateurs de You. Créée par Sera Gamble d’après les romans de Caroline Kepnes et produite par Greg Berlanti, la série est de retour sur Netflix depuis le 26 Décembre dernier. Après une première saison qui a connu un succès surprise mais a aussi soulevé une polémique sur la «romantisation » de son personnage principal, You se glisse à nouveau dans la peau du charmant libraire Joe Goldberg… qui s’avère être un harceleur et un tueur.
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Nouvel environnement, nouvelle vie, nouveau nom et nouvelle obsession pour Joe… et même ressorts narratifs. L’intrigue semble parfois répétitive, avec une construction aux airs de déjà-vu. Joe cache ses pulsions derrière une façade romantique, est obnubilé par une jeune femme qui semble naïve mais piégée dans un relation toxique et qui cache de nombreux secrets, il prend sous son aile sa jeune voisine pour la protéger de la manière la plus tordue possible (comme pour Paco précédemment)… Et il raconte son histoire en voix off, entre commentaires ironiques et sorte de lettre d’amour adressée à Love, sa nouvelle « proie », à qui il explique ce qui doit arriver pour qu’ils puissent être ensemble puisqu’il est convaincu d’être l’homme idéal pour elle.
Pour autant, et malgré des intrigues souvent improbables auxquelles on a peine à croire, la formule fonctionne et on replonge vite dans cet étrange « thriller romantique pervers» à l’humour noir. Et les choses deviennent vite plus intéressantes lorsque, tout en suivant la même formule, You introduit des grains de sables dans l’engrenage. D’abord, le traqueur devient traqué, avec le retour de Candace. Ensuite, les nouveaux personnages s’avèrent plus complexes que ce que l’on croyait. A commencer par Love, interprétée par une lumineuse Victoria Pedretti : la nouvelle obsession de Joe est une femme séduisante et intelligente, moins fragile qu’elle en a l’air et qui réserve de nombreuses surprises au spectateur… et au héros.
En parallèle, Joe garde enfermé dans sa cage (qu’il a amenée de New York) le vrai Will Bettelheim (Robin Taylor de Gotham) dont il a usurpé l’identité, et hésite entre le tuer ou le libérer ; la relation qu’il noue avec Delilah et Ellie va vite le détourner de ses bonnes résolutions – en particulier lorsqu’il décide de protéger l’adolescente d’un prédateur sexuel (Chris D’Elia). Joe doit également gérer Forty, le frère jumeau de Love, toxicomane et cinéaste raté qui entretient une relation si étroite avec sa sœur qu’elle en devient toxique.
La principale innovation de You réside toutefois dans l’exploration du passé tourmenté de son héros à travers des flashbacks. On en apprend davantage sur son histoire, la source de ses déviances et les raisons pour lesquelles il est devenu ce harceleur / meurtrier. Comme on pouvait s’y attendre, l’origine du problème remonte à son enfance au sein d’une famille dysfonctionnelle et violente, qui lui a causé des dommages psychologiques irréversibles et l’a poussé à commettre le premier meurtre d’une longue série.
L’exploration du passé de Joe, la manière dont il se confronte à lui-même, sa voix off omniprésente à travers laquelle il tente de se justifier et de remettre en perspective son comportement rappellent évidemment Dexter mais sont aussi intéressantes que dérangeantes. La première saison avait déjà suscité la controverse, certaines voix s’élevant pour accuser la série de rendre sympathique un personnage aussi pervers et dangereux que Joe. Il faut dire aussi que Penn Badgley incarne parfaitement cet homme déséquilibré sous ses airs sympathiques et charmants, ce qui rend le portrait encore plus ambigu mais crédible. Et l’acteur s’est lui-même exprimé sur le sujet, fustigeant ceux qui confondaient romantisme et harcèlement, et qui voyaient dans son personnage un héros romanesque.
Sur ce plan, cette saison est peut-être plus perturbante encore : en revenant à la source du traumatisme et avec une intrigue qui fait de lui une sorte de justicier / protecteur à la Dexter (encore ; et il est du reste explicitement cité), You (re)pose une question essentielle : Joe est-il vraiment mauvais ? Si le personnage est complexe, la réponse ne l’est pas : il s’agit clairement d’un pervers aux stratagèmes plus que discutables (puis criminels) propres à un certain type de personnalité toxique – celle du harceleur. Et finalement, l’existence même du débat souligne combien il est facile de tomber dans les filets de ce type de prédateur.
Fidèle à la ligne tracée par la saison précédente, You livre dix nouveaux épisodes qui réservent des intrigues prenantes (en dépit de nombreuses invraisemblances et d’un inévitable parallèle avec Dexter), des coups de théâtre et rebondissements – et non des moindres, dans le dernier épisode. Malgré son sujet lourd et les discussions afférentes, malgré les multiples références culturelles et notamment littéraires, You reste avant tout un pur divertissement addictif. Et bonne nouvelle : une troisième saison ayant été confirmée, on n’en a pas encore fini avec Joe. Ni lui avec nous.