Les disparus de la Forêt-Noire, nouveau pari en polar de TF1, mélange habilement le polar efficace et le propos politique plutôt fort. Une vraie réussite.
C’est quoi Les disparus de la Forêt-Noire ? Près de la frontière franco-allemande, au coeur de la Forêt noire et de la base militaire binationale; 12 corps sont retrouvés dans un charnier. Toutes les victimes sont des hommes, aussi bien français qu’allemands. Cette macabre découverte va venir raviver des souvenirs que Camille Hartmann, une juge d’instruction hors pair, croyait enfouis.
L’essentiel
Difficile de réinventer un genre omni présent à la télévision. Le polar occupe jusqu’à la saturation nos espaces de fiction, sur toutes les chaînes. Mais depuis quelques années, TF1 a entreprit une vraie refonte du genre en l’adossant à un vrai concept (le légiste qui parle à son épouse morte ; la flic amnésique qui pourrait être une criminelle ; la psy dotée de visions, …). Si la simple enquête a été pendant longtemps la norme, le concept prévaut aujourd’hui davantage. Les disparus de la Forêt-Noire est de ces séries. Croyez le car sans doute, cela ne vous sautera pas aux yeux a priori. La série donne l’impression de démarrer comme une enquête avant de bifurquer dès l’épisode 3 dans un concept bien plus « politique ». Ce savant mélange est bien le style des deux créateurs de la série, Julien Vanlerenberghe et Stéphane Pannetier qui l’avaient déjà appliqué à leur sublime création Infiniti (Canal+). Coproduite par Carole Della Valle et Nagui, Les disparus de la Forêt-Noire est un vrai pari, reposant sur un casting redoutable et franchement réussi : Hélène de Fougerolles, Grégory Fitoussi, Tchéky Karyo, Thierry Godard ou Laëtitia Eïdo.
On aime
La grande réussite de cette mini-série (?) est de proposer en tout premier lieu une excellente intrigue policière qui saura accueillir les amateurs du genre. La chaîne tient d’ailleurs beaucoup à ce qu’on le rappelle, qu’il s’agit avant d’un grand polar. L’écriture ne manque pas de nous égarer, multipliant les pistes potentielles, allant de la fabrication d’un jeune tueur en série, à l’exploration de mobiles bien plus sombres pour justifier le passage à l’acte. La tension monte crescendo et même sans le twist de l’épisode 3, le polar fonctionne vraiment très bien, notamment grâce à ce binôme très originale entre Karyo et Fitoussi. Impossible de ne pas être captiver par cette intrigue à tiroirs et son terrain de jeu cinématographiquement superbe qu’est la Forêt-Noire.
Mais dès le début de l’épisode 3, quand on pense que la série a donné ce qu’elle avait à donner, elle part dans une toute autre direction, politique cette fois, et le polar laisse pour le coup place à une série à concept, mais qui n’en demeure pas passionnante. Le rythme de la mini série oblige sans doute à aller trop vite dans la résolution des intrigues (c’est vraiment dommage) car il faut tout avoir résolu à la fin de l’épisode 4, obligeant les auteurs à concentrer, voire à condenser les avancées et révélations en un laps de temps assez court alors que le sujet central est lui bien plus complexe. Mais grâce à l’épisode 3, on comprend que cette accélération de la narration sert le propos principal, un sujet politique et véritablement d’actualité, traité ici de manière plutôt intelligente. Mais ce propos est si riche et si conséquent que rien ne permet de dire que la fin est une vraie fin, et non une ouverture vers une suite avec une intrigue qui exploserait ses propres limites. Certains points ne semblent pas être totalement réglés et donnent la sensation de poser les bases pour une possible suite, radicalement différente de ce que fut la première.
On saluera donc le binôme très juste entre le vieux et le jeune flic – Fitoussi / Karyo, et le rôle à contre emploi de Thierry Godard qui retrouve ainsi son partenaire d’Engrenages. Mais Hélène de Fougerolles tire aussi complètement son épingle du jeu en se positionnant dans un registre certes moins « solaire » que dans d’autres rôles mais mais qui lui permette d’amorcer un virage vers des rôles plus ambigus à l’image de la série Sam. Touchante, bouleversante même, la comédienne donne corps au trauma de son personnage et la juge qu’elle incarne devient ainsi au fil des épisodes bien plus ambivalent qu’elle n’est de prime abord. Au point que même sa résolution questionne véritablement : qui sert-elle à présent : la justice ou … les autres).
Une chose est sûre : quand la série touche à sa fin, on est convaincu qu’elle n’a pas encore exploité tout son potentiel et que le propos peut encore largement être développé. Comme si cette mini série n’était qu’un « pilote » XXL pour une série plus longue encore. On regrettera que le personnage vraiment passionnant incarné par Laetitia Eido ne soit que partiellement exploité mais là encore, sa dernière scène semble être plus construite comme une esquisse à autre chose que comme une véritable conclusion.
On aime moins
Le choix du titre simplifie tout au possible et enferme la série dans le cadre du stricte polar qu’elle n’est pas. Ce titre, Les disparus de la Forêt-Noire, limite aussi le champs des possibles d’une intrigue riche, titre qui en plus perd son sens quand la série bascule dans autre chose à l’épisode 3. C’est dommage et surtout ça rend potentiellement moins « sexy » une série qui in fine se révèle vraiment passionnante.
Les disparus de la Forêt-Noire
4×52 minutes
Sur TF1 dès le 5 janvier 2023