Le 2 mars 2015, le maestro français Michel Plasson, grand spécialiste du répertoire français tenait la baguette à l’Opéra National de Paris pour la première de la nouvelle production très attendue de Faust de Gounod.
Le chef d’orchestre n’avait rien à prouver ce soir là ! En effet, il était déjà salué unanimement par de nombreux mélomanes, pour l’enregistrement qu’il avait sorti chez Warner Classics de la même œuvre, considéré comme l’un des meilleurs de ces trente dernières années. Lorsque l’on a été bercé dans sa jeunesse par les basses redoutables de Boris Kristoff et l’impeccable direction du maestro, autant préciser que les standards sont élevés !
Dans cette nouvelle production, Vesperini joue la carte du modernisme en plaçant l’action de Faust dans les années 30.
La volonté du directeur artistique de faire écho à l’époque de la monté du fascisme est bien escomptée. Les décors sont épurés et semblent sculptés en fer forgé banc, le cabinet du Docteur Faust est vaste et presque vide. Quelques éléments symboliques succincts viennent rappeler au spectateur le lieu où l’acte prend place. Le patriotisme est de mise grâce aux chœurs. Dans le III,4, « Gloire Immortelle de nos aïeux ! » est entonné avec consistance, précision et solennité, clairement, la diction du français n’est pas brouillée comme souvent dans les grands airs où l’entrain semble dans certaines productions dépasser la performance ! Belle surprise de la soirée, les chœurs de la Bastille avaient une polyphonie très plaisante et ont fait preuve d’une belle unité avec l’orchestre. La valse « Ainsi que la brise légère » (II,5) est interprétée avec grand lyrisme et une candeur formidable. Un petit regret néanmoins : un décalage assez faible apparaît entre les pas de valse esquissés sur scène et le tempo de l’orchestre.
Autre élément intéressant des choix temporels de cette nouvelle version : les costumes.
En lien avec la mise en scène, les couleurs fades et un peu moroses de l’entre deux-guerres ont laissé perplexe un certain nombre de spectateurs. Après lecture du livret et de l’interview de Vesperini quant à ses choix artistiques, on comprend mieux la sobriété de ce Faust. L’opéra pour être grandiose n’a pas besoin d’être grandiloquent et le show pour être bon n’a pas à être luxuriant.
Au sein des rôles titres de cette nouvelle production, nous avons plusieurs « coups de cœur » à partager.
Le premier a incontestablement été le baryton Jean–François Lapointe pour son interprétation de Valentin, à la fois rigoureuse et extrêmement expressive quant au jeu scénique. Ainsi que la mezzo-soprano Anaïk Morel, qui nous a livré un Siebel aux vocalises gracieuses et chevaleresques. Il ne s’agit que d’interprètes francophones, la rédaction en a bien conscience, mais le choix de présenter des premiers rôles dont la diction du français est imparfaite peut interloquer. Certes le répertoire français, en chant lyrique est moins travaillé et enseigné que l’italien ou l’allemand, mais sur la scène de l’Opéra National de Paris, il est un symbole de notre culture !
Piotr Beczala, ténor incarnant Faust, s’était fait remarquer début janvier avec son CD « The French Collection » chez Deutsche Grammophon qui présentait une maitrise admirable de notre langue. Sa performance à Bastille a été un peu éclipsée par le spectre vocal des ses collègues Lapointe et Abdrazakov. Ce dernier, basse russe interprétant le rôle de Méphistophélès a un grand charisme scénique et arrive à chanter des graves particulièrement expressives, malgré une diction parfois imprécise du français dans le « Veau d’or est encore debout !»(II,3). Il était particulièrement agréable de remarquer la cohésion entre les rôles titres et les chœurs, laquelle était impeccable !