A Lyon, le Cardinal Barbarin est cité à comparaître pour « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs ». Pour la première fois, il s’est exprimé devant les juges et les victimes. Un procès sur les silences de toute une hiérarchie.
Un homme d’Eglise face à la Justice des Hommes. Ce matin, au Tribunal correctionnel de Lyon, Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon, était cité à comparaître pour « non dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs ». Devant une centaine de journalistes, le prélat lyonnais s’est présenté à 8h30 devant les juges. Procès médiatique et procès de l’Église, le procès de l’affaire Barbarin est avant tout celui d’une hiérarchie silencieuse sur les crimes de Bernard Preynat, curé accusé d’avoir abusé de dizaines d’enfants dans les années 70, 80 et 90.
Vifs débats entre les avocats de Barbarin et les victimes de Preynat
Dès le début de la matinée, les avocats de Mgr Barbarin étaient très offensifs pour dénoncer la procédure et le manque d’intérêt à agir des plaignants. Jean-Félix Luciani, l’un des avocats du Cardinal, a souligné que “les faits avaient eu lieu quand ils [les plaignants] étaient mineurs » et ce sont arrêtés « avant la nomination du cardinal à Lyon en 2002”. L’avocat regrette de ne pas “savoir quel est précisément leur intérêt à agir car il faut un préjudice actuel, personnel et certains ». Et de questionner : « On parle de débat citoyen ? Est-ce le lieu ? Êtes-vous devenue la 3e chambre parlementaire, madame la juge ? Le tribunal correctionnel est le lieu des souffrances et de l’honneur” a conclu l’avocat.
De leur côté, les parties civiles ont assuré que leur intérêt à agir reposait sur « la peur » qu’ils avaient pour « pour les enfants au contact de Bernard Preynat” a souligné Me Debbache, l’avocate de François Devaux. “Il est inaudible d’entendre qu’il n’y a pas d’intérêt direct et personnel pour agir, a-t-elle poursuivi. Cela revient à dire que vous n’avez rien compris des souffrances des victimes d’agression sexuelle. Et ici, le seul élément qui a obligé les parties civiles à sortir de cet état, c’est la protection des enfants.” a-t-elle tempêté.
Barbarin : « Je n’ai jamais cherché à couvrir des faits horribles »
C’est durant l’après midi que le Cardinal Barbarin prend la parole. Avant de répondre aux questions des juges, le Cardinal lyonnais a redit « tout son respect aux victimes » en n’assurant n’avoir « jamais, ô grand jamais cherché à cacher des faits et encore moins à couvrir des faits horribles ». Philippe Barbarin – 68 ans – explique que consulter la justice pour dénoncer les faits « ne lui est pas venu à l’esprit » dès 2014, soit juste après son entretien avec Alexandre Dussot, la première victime à alerter le Cardinal lyonnais, car « les faits étaient prescrits ». « Je ne savais que c’était à moi de le faire » ajoute le prélat. Récusant les accusations d’inaction, Mgr Barbarin rappelle que « Rome est [son] autorité » et de continuer « j’ai pris mes responsabilités et agi dès que Rome me l’a demandé, avec des consignes claires ». Plaidant la relaxe pour lui-même, le Cardinal Barbarin affirme : « Je ne vois pas de quoi je suis coupable » en conclusion de son audition.
Interrogé sur son entretien avec la journaliste de « La Croix » Isabelle de Gaulmyn qui sous-entend dans un livre que Mgr Barbarin était au courant des crimes de Bernard Preynat, le Cardinal Barbarin décide de ne pas répondre, sur les conseils de son avocat. Avant de s’interroger sur la « conspiration du silence », y compris dans les familles des victimes qui « savaient ».
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