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Philippe Granarolo (Plus belle la vie) : « Bruno Livia a dû trouver une autre manière d’exprimer ses perversités »

Il est sans aucun doute le premier grand méchant iconique de Plus belle la vie. Le Dr Livia fait son retour dans la série après 14 ans et nous avons échangé avec son interprète Philippe Granarolo.

La dernière fois que le public de Plus belle la vie avait vu Livia c’était au début de la saison 3 en 2006 quand il était revenu pour se venger du Mistral. Enfermé depuis dans un quartier de haute sécurité, il n’était jusqu’à aujourd’hui jamais revenu dans la série. C’est désormais chose faite puisqu’on le découvrira vendredi en codétenu de Mouss. Nous avons pu échanger avec son interprète, Philippe Granarolo.

Quand après 14 ans, on vous a proposé de revenir dans Plus belle la vie avec votre personnage de Livia, comment vous l’avez pris ?

J’ai d’abord été très étonné de cette proposition. Comme le personnage avait suscité il y a 15 ans de l’engouement auprès du public, je pensais qu’il reviendrait plus tôt. Mais il était évident pour en avoir parler avec Richard Guedj (directeur d’acteurs sur le tournage mais aussi Picmal ndlr) que c’était très compliqué après l’intrigue dont j’avais fait partie de faire revenir un personnage aussi complexe et qui de toute façon avait été incarcéré pour ses crimes. Je suis donc passé à autre chose rapidement. Quand ils m’ont rappelé, la première chose que je me suis demandé c’est ce qui allait se passer pour mon personnage, comment il allait pouvoir réintégrer la série. Et en découvrant ce que les auteurs préparaient, j’ai été agréablement surpris car ils ont su transmuter le personnage originel vers une nouvelle forme. Sans parler d’évolution, il a obliqué, il est parti ailleurs et il est maintenant encore plus perturbé.

Dans ces premières images, découvrant comment Livia joue avec Mouss,n’ y-aurait pas un petit côté Hannibal Lecter chez Bruno Livia ?

Dès lors que l’on traite d’un univers concentrationnaire comme celui-ci, on doit repenser à la manière dont on fait vivre un personnage comme Livia. Le psychopathe qu’il était auparavant n’a plus l’occasion d’exprimer ses perversités et il les a transmuté ailleurs, il est devenu maladivement hypocondriaque, ne pouvant vivre que dans une propreté absolue ce qui est très compliqué en prison. Il se retrouve du coup à l’isolement et on lui adjoint un compagnon de cellule ce qui le met dans un stress profond. De la même manière que quand les animaux ont peur, ils sont agressifs, c’est pareil pour lui. Il va donc soumettre Mouss à cette volonté d’asepsie totale dans laquelle il veut vivre. Cela va donc créer un choc et le moteur de cette action entre Mouss et Bruno Livia.

Philippe GRANAROLO (Livia) Crédit : Olivier Martino / France 3 / Telfrance Série

On imagine combien c’est intéressant pour un comédien de jouer un méchant. Et ce qui a toujours été fascinant dans ce que vous avez apporté au personnage, c’est cette retenue permanente qui le rend terrifiant.

Il y a 15 ans, c’était effectivement le contrat de base entre les auteurs et moi. Il fallait que je reste sur une ambiguïté permanente, en tout cas jusqu’aux séances d’hypnose où il dévoilait tout son côté manipulateur, notamment avec le personnage de Charlotte Le Bihac (Hélène Médigue). Aujourd’hui, tout en maintenant l’ossature du personnage, ce qui le caractérise, il fallait lui apporter un comportement, une gestuelle, une voix, des micro-crises, des crispations qui collent au mieux avec ce nouvel aspect de sa personnalité et sa phobie. Dès lors que l’on joue comme ça, on ne peut plus jouer naturaliste quand on joue quelqu’un possédé par une phobie. On doit trouver des signes qui apparaissent à l’écran tout en trouvant une réserve. On doit le jouer de manière plus tendue, plus marquante, alors qu’il y a 15 ans il était plus lisse.

L’arrivée de Mouss va provoquer une transformation chez Livia car il est l’innocence, entraînant un profond changement qui ira jusqu’à ressentir les prémices d’une empathie. La seule personne dans le passé avec qui il n’avait pas eu ce rapport de domination c’était Céline Frémont. Mais depuis il a vrillé en une personne beaucoup plus perverse. Avec Mouss, il se laisse fracturer cette armure qu’il s’est forgé, le mal total n’existant pas et Mouss va donc avoir un impact sur lui.

Il y a 15 ans, Livia a été le symbole du changement profond qui s’est amorcé dans la série et qui a fait que Plus belle la vie a davantage joué avec les codes du genre. Comment vivez-vous la popularité de Livia depuis toutes ces années ?

On le voit bien, notamment dans toutes ces séries américaines que l’on aime, le personnage phare auquel toutes les polices du monde court, c’est la figure du tueur en série. C’est aussi un personnage emblématique dans la littérature, c’est le catalyseur des grandes peurs primales de l’humanité, celui qui s’octroie le droit à la mort. « Tu ne tueras point » est au cœur du fondement de toutes les sociétés.
Livia fait partie de ses personnages qui tue par plaisir. C’est donc un personnage qui sert de catharsis et qui permet de se créer une bonne dose de frayeur devant le petite écran, tout en sachant que ça n’existe pas, ce qui nous rassure après nous avoir donné une dose d’émotion durant le temps de la série. On reprend sa vie et on attend le lendemain pour avoir peur de nouveau. Comme lorsqu’on monte dans un train fantôme : on aime avoir peur un peu tout en sachant que ça va s’arrêter. J’ai donc eu la chance que l’on me propose ce personnage, de l’incarner à moment où la série changeait en profondeur en y faisant rentrer un personnage de ce type. Il est bien difficile par la suite d’en mettre d’autres sous peine de tomber dans une forme de banalisation. La série est donc partie sur d’autres intrigues. Aujourd’hui, Livia revient mais ce n’est plus le même qu’avant, il est différent. Comme une sorte de « double » qui évoluerait dans une autre direction. Mais il est toujours aussi inquiétant, toujours aussi dangereux.

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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