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Philippe Tournon : "Didier m'a demandé de rester pour l'Euro"

Philippe Tournon

À un an jour pour jour de l’Euro 2016, Radio VL vous propose de (re)découvrir l’interview de Philippe Tournon, qui quittera les Bleus après l’Euro, après plus de trente ans de maison  

Août 2014

Un mois, presque jour pour jour après le retour des Mondialistes en France, Philippe Tournon et la FFF nous ouvrent leur porte pour une interview avec le mythique chef de presse des Bleus. Présent sur le banc des tricolores depuis 1983, l’homme le plus capé de l’histoire du football français revient sur ses cinquante ans de carrière au sein de la rédaction L’Équipe, et à la Fédération, dans une interview exclusive pour Radio VL.

tournonéquipedefrance

Radio VL : Vous avez rejoint la Fédération en 1983, après près de 20 ans de carrière à L’Équipe, aujourd’hui, vous sentez-vous encore journaliste ou un membre de l’équipe de France à part entière ?

Philippe Tournon : Non, il est clair que lorsque j’ai pris mes fonctions à la FFF, j’ai cessé d’être journaliste au sens le plus fort et le plus noble du terme. Je n’ai plus la prise de position des médias, le jugement sur la ligne éditoriale, sur le jeu des équipes et l’évolution des joueurs. Quand j’accepte de rejoindre la Fédération, c’est pour certains nombres de missions comme recréer un journal de la Fédération, ouvrir un service presse, et intégrer le staff de l’équipe de France à ce moment-là, j’ai la casquette FFF. J’ai clairement changé de méthode, d’optique et de maison.

Philippe Tournon, interrogé par Michel Drucker, lors de ses années à L'Equipe

Philippe Tournon, interrogé par Michel Drucker, lors de ses années à L’Equipe, Archives INA

Trouvez-vous qu’il y a une grande différence entre le journalisme de votre époque et celui d’aujourd’hui ?

C’est une nouvelle planète oui ! J’ai senti le choc quand je suis revenu en 2010, je n’ai pas reconnu les populations de ce monde. Déjà, chez les joueurs, avec un a priori des médias et une méfiance jamais vue avant. En même temps, entre Internet et les chaînes d’info en continu, il y avait une omniprésence de la presse qui n’était pas celle de mon époque. Et puis il faut expliquer à ce moment que les joueurs doivent être accessibles pour les médias, ce qu’ils ne comprennent pas forcément, car ce sont deux domaines qui ne se câlinent pas tellement.

Qu’est-ce qui vous a fait basculer de l’autre côté de la barrière en 1983 ?

Quand Fernand Sastre, Président de la Fédération à l’époque, est venu me voir à la demande de Michel Hidalgo, j’avais déjà entamé une réflexion personnelle sur ma vie, mes ambitions et le journalisme. À ce moment-là, j’étais jeune papa et forcément quand on grimpe dans les médias, on a moins de temps pour sa famille. De plus, une nouvelle forme de média arrivait, notamment à L’Équipe, avec une peopolisation du sport, c’était une orientation qui me plaisait modérément. Ce journalisme d’investigation qui allait au-delà des terrains était loin des motivations qui m’ont donné envie de faire ce métier. Je voulais être témoin privilégié de ce qui se passait sur le terrain et dans les vestiaires, mais pas plus. Dès le début des années 80 j’ai perçu cet éloignement du terrain qui ne me convenait pas trop. Donc lorsque Fernand Sastre m’a proposé ce poste, j’ai tout de suite accepté. Quand je suis parti en Espagne pour le Mondial 1982, je savais qu’en décembre, je quitterais mes fonctions pour les Bleus.

Vous avez été le premier à occuper ce poste à la FFF, avez-vous mis longtemps à installer ce poste inédit ?

Non vu que l’UEFA voulait déjà mettre en place ce poste pour l’Euro 1984. Et puis Michel (Hidalgo) souhaitait déjà que j’intègre les Bleus pour le Mondial en Espagne. Mais cela n’a pas pu se faire vis-à-vis de L’Équipe. Il fallait créer ce poste pour les diverses raisons que j’ai évoquées, c’est cette diversité qui m’a séduit. Monter ce service de presse était fondamental, comme recrée un vrai journal fédéral, il y avait pas mal de boulot.

En 1990 ainsi que 1994, la France ne s’est pas qualifiée pour la Coupe du Monde, comment avez-vous géré cela auprès de la presse ?

On oublie souvent que ce soit dans les équipes nationales ou en club, il faut un vainqueur et un vaincu. Les grandes équipes de France ont eu toujours un joueur exceptionnel, de Kopa dans les années 50, Platini en 80 et Zizou 98/2000. Il y a eu des absences discutables et condamnables dans les grandes compétitions, on aurait pu s’éviter cela, comme en 1993, où la clairement, on avoue nos erreurs. La presse a compris cela aussi.

Lors de l’arrivée de Jacquet, on parlait d’une équipe de France dans sa « bulle », comment expliquer ce terme ?

Le chef de presse des Bleus en conversation avec Aimé Jacquet, avant le Mondial 1998

Le chef de presse des Bleus en conversation avec Aimé Jacquet, avant le Mondial 1998

Ce terme de bulle ne veut pas dire grand-chose. Aimé Jacquet a instauré une structure que l’on appelle le langage interne et externe. On l’a vu dans Les Yeux dans les Bleus. Face à la presse, il s’exprimait de façon maladroite. Mais quand il parlait aux joueurs, c’était autre chose. Il les prenait aux tripes. Ce qu’il n’y a plus aujourd’hui. Quand Didier dit quelque chose à un de ces joueurs, il sait que ça sortira un jour ou l’autre, ce qu’il n’y avait pas encore en 98.

Est-ce la clé de la réussite du Mondial 98 ?

Oui, mais il y avait aussi un groupe solidaire. Aimé avaient ses méthodes de travail sur lesquelles il se concentrait à 100%, Henri Émile faisait la plaque tournante pour éviter que les problèmes reviennent jusqu’à lui. Et puis il y avait Laurent Blanc et Didier Deschamps, deux garçons, tout à fait performants, que ce soit sur et en dehors du terrain qui sont devenu, comme disaient les journalistes avec un terme que je n’aime pas forcément, les tauliers. Ils faisaient toujours passer la vie du groupe avant toutes choses, ils rappelaient que le groupe de 22, c’était le plus important. Surtout qu’on oublie vite que Zidane n’était pas là pendant trois matches et qu’il fallait tirer l’effectif à ce moment-là.

Si vous deviez comparer votre première coupe du Monde en 1986 et votre dernière au Brésil, quels enseignements vous faîtes de l’évolution du football sûr et en dehors du terrain ?

Faudrait refaire toute l’histoire du football depuis trente ans (rires). Les journalistes, les publicités, le marketing, tout à changer. Même le ballon, au grand désespoir des gardiens. Au Brésil il y avait 400 personnes de la FIFA, à mon époque c’était 30 maximum. Mais une chose n’a pas changé, c’est que la décision se fait sur le terrain. Sinon, tout est différent, avant je pouvais aller voir un joueur dans sa chambre, boire une bière avec eux au bar du coin pour poser mes questions, c’est impossible aujourd’hui.

Retrouvez la seconde parti de l’interview en page 2

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