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Philippe Tournon : « Didier m’a demandé de rester pour l’Euro »

Philippe Tournon

Quels joueurs vous ont le plus impressionné dans votre expérience au sein des bleus ?

C’est complexe. Sans aller très loin, je dirais bien évidemment Didier Deschamps. Il a fait un peu de média training à Nantes et sa perception des médias est immense. Il est confondant de justesse et ne se laisse jamais piéger par les journalistes qui ont des trésors d’imagination pour lui faire répondre à une question qu’il veut éviter. Il faudrait que tous ces jeunes aient du média training aujourd’hui, ils auraient toutes ses capacités que Deschamps possède. Il faut savoir qu’il n’y a pas de combat contre les médias, sinon ils sont perdus d’avance. Un exemple qui me peine, c’est Patrice Evra. Je ne le connaissais pas avant mon retour, j’ai eu l’a priori de Knysna et finalement, j’ai découvert un super mec, un vrai grand frère qui pourtant ne répond plus à un seul journaliste.

Didier Deschamps et Philippe Tournon sont inséparables en Équipe de France

Didier Deschamps et Philippe Tournon sont inséparables en Équipe de France

Il y a-t-il eu des membres de l’Équipe de France avec qui vous avez été en conflit personnel ?

Personnel non, pas vraiment. Mais il y a déjà eu des accrochages, c’est normal dans la vie d’un groupe. Je me souviens de Roger Lemerre pendant l’Euro 2000 où il était dans une situation délicate, et il s’est emporté. Un joueur avait refusé d’aller voir la presse, alors qu’il était programmé. Le responsable des syndicats qui bossait à la Voix du Nord (NDLR l’Euro était en Belgique) s’est élevé et à demandé de boycotter le sélectionneur, comme le joueur leur avait fait le même coup. Ils l’ont fait. Et là quand j’ai expliquais ça à Roger, il est parti dans du très grand Lemerre. Il m’a dit « je ne leur parlerai plus, tu peux leur dire que c’est fini, ils ont rompu le lien« . J’essayais de calmer la situation, mais ça n’a pas marché. J’ai essayé de lui expliquer après, il n’a rien entendu. J’ai dû avertir Claude Simone, président de la FFF à ce moment-là. Quelques minutes plus tard il y a eu un coup fil de Matignon ou de l’Élysée, je ne sais plus, tout est plus ou moins rentré dans l’ordre.

Pendant la Coupe du Monde, beaucoup de médias ont parlé de vous, de votre côté protecteur envers les joueurs et votre méfiance à l’égard des journalistes, ça vous va cette image ?

Oui, tout me va, moi. J’ai 71 ans donc je n’ai plus d’amour-propre monumental. Mais bon, ça fait partie des dérives, courtes certes, mais des dérives du journalisme. Le Petit Journal s’est amusé à me caricaturer, lorsque je fais mes conférences de presse et que j’essaye d’alterner gauche-droite pour les questions des médias, en chef d’orchestre. Mais bon, je trouve ça très drôle. Moi, comme les conférences de Presse sont à la télé, j’essaye qu’il n’y ait pas de blanc à l’antenne donc j’anticipe, mais de mon auditoire, mes gestes vont dans tous les sens c’est vrai. Comme je l’ai dit, je trouve ça drôle. Même quand je les houspilles et qu’on me met en scène dans ce côté-là, je le prends à la rigolade quand même, je ne vais pas craindre Le Petit Journal tous les matins.

IMG_2590À tête reposée, quelle expérience vous retenez de ce Mondial Brésilien ?

Je retiens que nous sommes rentrés avec la satisfaction d’avoir travaillé correctement et d’avoir bien fais les choses. Des objectifs, ça n’existe pas en Coupe du Monde, on y va pour la gagner. Sur le terrain, on a vu une équipe solidaire et entreprenante. Le comportement des joueurs, si important aujourd’hui au vu de notre image, dépendais aussi de ce qu’on ressentait en France. Le fait d’avoir regagner la sympathie et la considération des supporters fait qu’on est content de cette Coupe du Monde.

Vous deviez arrêter votre carrière après la Coupe du Monde ?

Oui, dans ma tête, c’était assez écrit, finir au Brésil, ce serait magnifique. Je devais déjà arrêter après l’Euro 2012, lorsque Laurent Blanc a décidé de partir. Il y avait peu de chance que le nouveau sélectionneur veuille de moi et que la Fédération veuille perdurer ma situation. Et Didier m’a contacté quand j’étais en vacances, il m’a dit « je reprends les Bleus, je veux que tu restes« . Et là, pendant la phase de qualification, je voulais arrêter. Mais en avril ou mai, avant la Coupe du Monde, Didier m’a convoqué dans son bureau. Il me fait « tu veux arrêter ? Mais attend tu es en pleine forme, tu as recrée une bonne ambiance avec les médias. Non, l’Euro en France, tu le fais avec nous !« .

C’est plus facile quand le sélectionneur est un ancien joueur que l’on a connu ?

Oui bien sûr. C’est normal, et puis Didier à toutes ces facultés d’avant et d’après-match, même en Coupe du Monde. Il arrive à mettre les dispositifs techniques rapidement. Didier aime préparait l’avenir, même avec la presse. Travailler avec lui, c’est une aubaine et c’est facile.

Vous avez sorti un livre intitulé « la Légende des Bleus » en 2004, où vous racontez vos histoires avec cette équipe. Aujourd’hui, vous êtes également le Français ayant passé le plus du match sur le banc, près de 290 sélections, pensez-vous qu’un jour, vous allez arriver à vous détacher de cette équipe de France ou c’est jusqu’à que la mort vous sépare ?

Faut voir pour les sélections, je suis à peu près à 278 (en aout 2014), je crois. Et il y a un match avec Manu Farria, qui continuera aussi alors qu’il voulait arrêter. Faudra qu’on fasse le compte un jour. Mais oui, c’est sûr qu’un jour, je me détacherai. Il faut que je surveille ma santé, mon poids. Et puis il y a la raison qui prend le dessus aussi, après l’Euro, ce sera fini.

Une Coupe du Monde et deux Euro, le palmarès le plus rempli de l'histoire des Bleus

Une Coupe du Monde et deux Euro, le palmarès le plus rempli de l’histoire des Bleus

Votre plus beau titre avec les bleus, c’est ?

Ben forcément 1998, car c’est le top, le titre à la maison. Mai 1984, c’est la première, c’était particulier. Et puis il y a eu l’Euro 2000 aussi où on déguste, mais le mieux c’était la Coupe du Monde.

Votre pire souvenir ?

Ben 1993… Ne pas prendre un point sur deux matches à la maison, c’était incroyable. On pensait tout qu’on nous dégagerait. Aimé (Jacquet) le premier, c’était un séisme, lui, il était adjoint direct de Gérard Houiller, il n’imaginait même pas continuer.

Le plus beau ? (à part, les titres)

Je dirais 1990, nous sommes partis au Koweït avec Platini qui venait de reprendre l’équipe. Les matches n’étaient pas immenses dans cette tournée, juste la RDA, le Koweït, pas exceptionnel. Mais on a fait des balades dans le désert, tirer à la kalachnikov, voir des dresseurs de faucons, Loulou Nicollin était avec nous au nom de la Ligue Professionnel, c’est un souvenir exceptionnel et insolite.

Des joueurs avec qui vous aimiez échanger ?

Toujours Didier Deschamps, du temps où il était joueur et entraineur, il y a eu Bixente Lizarazu et Martini aussi, c’était sympa de pouvoir discuter avant ou après le match.

Pour conclure, la phrase qui correspondrait le plus à votre carrière dans les médias et le foot ?

Je n’ai pas vraiment de phrase ou de citations. J’en ai une qui me vient en tête, c’est « plus le singe monte haut plus il montre son derrière » mais c’est plus pour mettre en garde certaines bavures de ce métier. Je ne vois pas une citation, mais le mot loyauté correspondrait parfaitement.

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