Des manifestations ont éclaté à Manille après l’arrestation de la sénatrice Leïla de Lima. L’ancienne ministre de la justice fait face à des accusations de corruption liées au trafic de drogue. Elle est la principale opposante du gouvernement actuellement dirigé par Rodriguo Duterte, qui entend mener une guerre pour le moins sanglante contre les narcotrafiquants.
De vives réactions à l’arrestation de Leïla de Lima
On compte des milliers de manifestants ce vendredi 24 février à Manille, pour protester contre l’arrestation de la sénatrice, mais aussi contre la politique antidrogue de Duterte. Celui-ci mène en effet de sanglantes répressions contre les narcotraficants, qui se chiffrent en 2555 suspects tués selon la police philippine, et 4000 autres morts dans des circonstances inconnues.
Parmi les manifestants, l’ancien Président Benigno Aquino, qui a tenu à apporter son soutien à son ex-ministre de la justice. C’est sous son administration que Leïla de Lima, à la tête de la Commission des droits de l’homme, avait mené une enquête en 2009, sur des escadrons de la mort commandités par Duterte, alors maire de Davao.
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« Possible crime contre l’humanité »
Depuis que le pouvoir a changé de mains en juin 2016, pour atterrir dans celles de Rodriguo Duterte, Leïla de Lima s’était positionnée comme sa principale opposante. Elle a récemment qualifié le Président phillipin de « tueur en série sociopathe« , qui lui avait auparavant suggéré « d’aller se pendre« . Il avait de son côté déclarer vouloir « tuer plus » les « fils de pute de trafiquants ».
Dans un rapport publié le 31 janvier 2017, Amnesty International parle de « possible crime contre l’humanité », d’exécutions extra-judiciaires, ou encore de fabrication de preuves par la police. Selon le rapport, la guerre antidrogue ne constitue qu’un prétexte pour « tuer les pauvres« .
Fatou Bensouda, la Procureure de la Cour pénale internationale (à laquelle l’Etat philippin est partie), a émis un avertissement envers le gouvernement phillipin, et avait qualifié en octobre dernier la situation « d’inquiétante« .
Que risque Leïla de Lima ?
Mme Lima nie en bloc les accusations qui lui sont faites et se dit « honorée » d’être emprisonnée. Pour Amnesty, cette arrestation signe « une tentative claire du gouvernement philippin de faire taire les critiques envers le président Duterte et de détourner l’attention des graves violations des droits de l’homme« .
De nombreux témoignages accablent Leïla de Lima. Selon François-Xavier Bonnet, chercheur de l’Irasec à Manille, une instance du Ministère des Affaires étrangères, « tout repose sur les témoignages de grands criminels qui sont enfermés dans une prison de haute sécurité. Chacun de ces personnages-là ont un motif pour témoigner contre elle. L’ensemble des témoignages, ce sont ces criminels« .
La justice philippine étant réputée pour sa lenteur, le verdict pourrait ne pas tomber avant des mois d’attente.