Direction l’Italie aujourd’hui pour un Seriefonia qui vous convie au Bal du Diable en s’intéressant au compositeur Pino Donaggio.
[« SérieFonia : Season IV : Opening Credits » – Jérôme Marie]
[« EXTRAIT AUDIO – CARRIE »]
[« Carrie – End Title » – Pino Donaggio]
Comme ça, sans raison ni actualité particulière, votre SérieFonia se tourne pour une fois vers l’Italie. Mais pas que… Car Pino Donaggio, puisque c’est de lui que nous allons parler, a su se forger une impressionnante carrière internationale, forte de plus de 200 partitions partagées entre cinéma et télévision et dont le porte-drapeau reste assurément sa collaboration étendue avec Brian De Palma. C’est pas pour rien que je vous ai glissé du Carrie d’entrée de jeu… Vous vous souvenez de Carrie, d’après le tout premier roman de Stephen King en 1976, avec Sissy Spacek et John Travolta ? Et bien c’est LE film qui a permis la rencontre entre le compositeur et le réalisateur. A l’époque, le cinéma de De Palma est endeuillé après la disparition de Bernard Herrmann, qui avait précédemment composé pour lui Sœurs de sang et Obsession. Il fallait donc trouver du sang neuf pour Carrie… Pardon, j’étais obligé de la faire… et, bonne pioche, Pino Donaggio semblait résolument près à jouer les Bernard Herrmann de substitution. La preuve…
[« Carrie – The Closet » – Pino Donaggio]
Non, non, c’est pas Psychose. C’est bien Carrie. Si vous ne me croyez pas, le morceau s’appelle « The Closet » et c’est à la 36è seconde… Il s’agit d’un clin d’œil hommage, bien évidemment. Et absolument pas d’un pompage à proprement parler. D’ailleurs, le reste de l’album est plutôt différent… Vous verrez, je vous garde un autre extrait en réserve pour le final. Alors… Comment De Palma s’est-il intéressé à ce jeune composi… enfin, pas si jeune. Parce qu’il est né en 1941 en fait Pino Donaggio… En fait, la musique de film, c’est sa seconde carrière… celle qu’il attendait sans vraiment le savoir. Oui… Parce qu’avant, il faisait… ça…
[« L’ultimo romantico » – Pino Donaggio]
Chanteur de charme ! Ou crooner si vous préférez. Cette inoubliable chanson de 1971 s’intitule « L’ultimo romantico »… Tout est dit. Et des comme ça, il en a fait des dizaines entre 1959 et 1973… date à laquelle on lui propose sa première Colonne sonore… heu bande originale. Alors, je vous la fais en français parce que les titres italiens, ça va vraiment être trop compliqué… Il s’agissait du film Ne vous retournez pas, de Nicolas Roeg avec Julie Christie et Donald Sutherland. Et, pour le coup, l’histoire du recrutement de Pino Donaggio à la musique n’est vraiment pas banale. En effet, l’équipe de tournage s’était rendu à Venise pour deux semaines… On parle d’une coproduction anglo-italienne… et le hasard a voulu que le producteur Ugo Mariotti soit sur le quai au moment ou Donaggio descendait d’un bateau-bus. Mariotti, qui le reconnait instantanément… puisque, rappelons-le, Donaggio était un chanteur à succès… se persuade que cela ne peut être qu’une vision divine. Un authentique signe du destin. Le soir même, Donaggio recevait une proposition écrite pour écrire la musique du film… Et il a bien fait d’accepter ! Du jour au lendemain, tout a changé…
[« Ne vous retournez pas – Laura’s Theme » – Pino Donaggio]
Les producteurs anglais n’en voulaient pas et pourtant, ça fonctionne. Donaggio assure lui-même les parties pour piano et flûte et impose immédiatement son amour pour les mélodies, amples et à contre-courant (le plus souvent possible en tout cas) de l’action présentée à l’écran. Un art qu’il a maintes fois employé dans ses nombreux thrillers et autres films d’horreur en prenant soin à ce que le spectateur ne puisse anticiper les sursauts à venir. Bref, c’est donc en voyant Ne vous retournez pas que Brian De Palma a eu l’envie de travailler avec lui. Après Carrie, ont suivi… Pulsion en 1980…
[« Dressed to Kill » – Pino Donaggio]
Blow Out en 81, puis Body Double en 84…
[« Body Double » – Pino Donaggio]
L’esprit de Caïn en 92 et enfin Domino en 2019… Sans oublier Passion, avec Noomi Rapace… C’était en 2012…
[« Passion – Theme » – Pino Donaggio]
Mais bien avant tout cela, c’est par l’apprentissage du violon au conservatoire de Venise, puis à Milan, que le petit Pino… qui s’appelait encore Giuseppe… s’initie à la musique. Plus tard, il fait une rencontre déterminante en la personne de Claudio Abbado (qui deviendra plus tard le directeur musical du London Symphony Orchestra). C’est lui qui l’encourage à tout tenter pour percer et qui lui donne la foi en son talent… en totale opposition avec son père qui, de son côté, lui conseille de rester concertiste. Naturellement, il décide de suivre le premier conseil et remporte le concours de chant du festival de San Remo en 1961. D’ailleurs, s’il ne chante plus vraiment depuis qu’il est compositeur de musique de film, il n’en dénigre pas le travail des voix pour autant…
[« Home Movies – The Oldest Living Movie Directress » – Pino Donaggio]
De manière amusante et parodique, comme ici avec Home Movies, encore pour Brian De Palma. Et oui, je l’avais mis de côté pour préserver l’effet de surprise… Mais aussi de manière beaucoup plus sombre… surtout lorsque les réalisateurs culte de l’horreur à l’italienne, Dario Argento et George A. Romero s’associent sur Deux yeux maléfiques : film à sketches inspirés des écrits d’Edgar Allan Poe en 1990…
[« Deux yeux maléfiques – Preparing the murder » – Pino Donaggio]
Et côté horreur… comment ne pas également citer ses deux compositions pour Joe Dante en 1978 et 1981 ? Piranha d’abord…
[« Piranha – Piranha Upon Us » – Pino Donaggio]
Et, surtout, Hurlements ensuite…
[« The Howling – Transformation » – Pino Donaggio]
Le hic, c’est que Pino Donaggio ne parle pas anglais… Et qu’il est donc constamment accompagné d’un traducteur lorsqu’il travaille à l’étranger. Aussi, suite à une simple blague mal traduite (j’vous jure, c’est véridique), Joe Dante n’a ensuite plus jamais voulu collaborer avec lui. En tout cas, c’est comme ça que Donaggio le raconte. C’est con… Il aurait pu faire les Gremlins et l’aventure intérieure. Bon, nous, au final, on s’en fout, parce qu’on adore ce que Jerry Goldsmith a fait sur eux du coup. Olala, comme le temps passe… Va falloir que je me dépèche un peu. Mais bon, que voulez-vous ? Il a une telle carrière qu’il en devient laborieux de lui rendre pleinement justice. Pas grave, j’essaie quand même… Voici donc venir quelques titres 100% italiens ! Et on commence avec le très politique I banchieri di Dio (comprenez Les banquiers de Dieu) sur la vie de l’homme d’affaire Roberto Calvi…
[« I banchieri di Dio » – Pino Donaggio]
Puis on enchaine avec le tout aussi sérieux biopic du magistrat Giovanni Falcone, assassiné par la Mafia en 1992…
[« Giovanni Falcone » – Pino Donaggio]
… Avant de passer à la télévision avec la beaucoup plus légère série Don Matteo, avec Terrence Hill en prêtre enquêteur façon Grantchester… 12 saisons, 255 épisodes… sur lesquels Pino Donaggio en a composé pas moins de 56 ! Petite anecdote amusante : en 1984, Donaggio et Hill se retrouvaient déjà sur le remake de… Don Camillo ! Mais sans Fernandel, bien sûr…
[« Don Matteo – La luce della verita’ » – Pino Donaggio]
Toujours pour la télévision, c’est encore lui qui œuvrait sur la nouvelle adaptation de Sissi en 2009. Enfin, plus si nouvelle que ça puisqu’une énième (mais très réussie) série allemande a été récemment diffusée un peu partout ; y compris chez nous sur TF1 pour les fêtes de Noël… Toujours est-il que Sissi façon Pino, ça donnait ça… et ça donnait bien…
[« Sissi » – Pino Donaggio]
J’aurais pu vous quitter là-dessus… Mais je vous ai promis plus tôt de revenir à Carrie. Je tiens donc cette promesse avec le morceau « And God made Eve », juste parce que j’adore l’ambiance de ce p’tit piano si malin en opposition directe à l’angoisse des cordes… Pour le reste de sa filmo, et bien, vous êtes des grands et vous avez un clavier… Alors je vous encourage à aller chercher et surtout à prendre le temps de bien écouter. Sinon, qui sait ce qui pourrait vous arriver au bal de fin d’année…
[« Carrie – And God Made Eve » – Pino Donaggio]