Avec son épisode Dirty Little Secrets, Preacher a provoqué la polémique et l’indignation de la Catholic League et de nombreux chrétiens. La série est-elle allée trop loin ?
Les scénaristes et comédiens de Preacher se doutaient-ils de l’émoi qu’allait susciter l’épisode Dirty Little Secrets (Saison 2, épisode 10), récemment diffusé aux États-Unis ? Certainement ; il faudrait être d’une naïveté confondante pour ne pas avoir anticipé la polémique qui allait s’en suivre…
Mais au fait, c’est quoi, Preacher ? Grossièrement résumé, c’est l’histoire de Jesse (Dominic Cooper), un prêtre violent, ancien braqueur, qui a perdu la foi mais qui est investi d’une sorte de super-pouvoir divin grâce auquel il peut contrôler les actes de ses interlocuteurs. En saison 2, poursuivi par un ange tueur à gages, ,il part à la recherche de Dieu avec son ex-petite amie Tulip (Ruth Negga) et un vampire nommé Cassidy (Joseph Gilgun). Leur road trip les emmène dans le Sud des États-Unis, et plus précisément à la Nouvelle-Orléans.
L’épisode qui fait polémique s’ouvre sur un flash-back : la veille de la crucifixion, on y voit Jésus Christ (interprété par Tyson Ritter, chanteur de All-American Rejects) en pleine relation sexuelle avec une femme, dans des positions diverses et variées. Bien que suggestives, les images ne laissent aucun doute quant à la nature de l’acte, tout comme les propos échangés .Un peu plus tard dans l’épisode, Jesse croise la route de The Grail, une organisation occulte qui cherche à préserver un énorme secret : les ébats de Jésus ont donné naissance à un enfant, et la lignée s’est poursuivie jusqu’à nos jours.Mais le descendant actuel, Humperdido, est un crétin congénital à moitié abruti, qui passe son temps à dessiner, se masturber et pisser sur les gens… Vous voyez le problème ?!!
Les associations chrétiennes, elles, l’ont bien vu ! Et n’ont pas tardé à s’en émouvoir, notamment par la voix de Bill Donohue, président de la Catholic League, qui a déclaré dans un communiqué : “Montrer Jésus dans une scène de sexe grotesque est une insulte à la sensibilité de tous les chrétiens, ainsi qu’à tous les gens de bonne volonté qui ne sont pas chrétiens. » Les réactions se sont multipliées, dans les médias et les journaux catholiques et conservateurs, mais également sur Twitter, où certains spectateurs ont manifesté leur mécontentement en demandant le boycott voire l’annulation de la série, qualifiée de dégoûtante,dépravée et blasphématoire. Des messages indignés qui n’ont pas ému outre mesure le créateur et coproducteur de Preacher, Seth Rogen, qui a répondu, également via Twitter : « Si ce n’est pas la meilleure approbation pour Preacher, je ne sais pas ce que c’est. »
If this isn’t a good endorsement of #Preacher, I don’t know what is https://t.co/A4Gs1QQDfZ
— Seth Rogen (@Sethrogen) 23 août 2017
Preacher n’est évidemment pas la première série a provoquer une telle polémique. Pour ne citer que les exemples les plus récents, Lucifer, American Horror Story ou The Young Pope se sont attirées les foudres des associations chrétiennes et des croyants. Mais à chaque fois se pose une question qui déborde largement le cadre des séries : celle de la liberté d’expression en général et du droit au blasphème en particulier. Peut-on tout dire, se moquer de tout – y compris de la religion, quelle qu’elle soit – sans aucune censure ou auto-censure ? Ou y a-t-il une limite, un seuil à ne pas dépasser ? Un débat particulièrement délicat, exacerbé en France par les attentats commis contre Charlie Hebdo, mais qui résonne partout dans le monde.
Nous n’avons pas la prétention d’apporter une réponse définitive à la question qui, du reste, relève de l’opinion personnelle. On peut considérer que la liberté d’expression est fondamentale dans une démocratie, et que rien ne doit la limiter ; ou au contraire, qu’elle doit s’accompagner du sens des responsabilités, et qu’il convient de ménager les sensibilités et susceptibilités, en particulier sur des sujets aussi sensibles que la religion. Ou encore adopter une position intermédiaire, considérant que la provocation se justifie si elle sert un propos et n’apparaît pas comme un simple moyen de choquer. Chacun en jugera.
Dans le cas de Preacher, on signalera toutefois que la série, par son scénario, est évidemment susceptible de choquer les Chrétiens. Sans même avoir vu un seul épisode ou lu les comics dont elle est adaptée, on peut deviner que l’évangile selon Jesse Custer va grandement s’éloigner des textes canoniques, et que la provocation et le blasphème sont l’une de ses marques de fabrique. De plus, diffusée sur le câble, Preacher n’est pas une série sur laquelle on tombe par hasard : on regarde Preacher parce qu’on l’a décidé… Enfin, Seth Rogen avait lui-même annoncé la couleur en twittant avant la diffusion de l’épisode: « L’épisode de Preacher de ce soir comporte des trucs auxquels j’étais impatient de donner vie depuis des années, et je suis CHOQUÉ qu’on nous ait laissé faire. » On était donc prévenu…
Tonight’s episode of #Preacher has some stuff I’ve been excited to bring to life for years and I’m SHOCKED they let us do it. Please watch.
— Seth Rogen (@Sethrogen) 21 août 2017
Il n’en reste pas moins que Preacher a provoqué un vif émoi. Et ce n’est sans doute pas fini… Si la série reprend la trame des comics (ce qu’elle semble encline à faire), les événements à venir risquent fort de provoquer de nouvelles controverses. Suite au prochain épisode…
Preacher (AMC / OCS)
Saison 2 en cours de diffusion.