Après 7 années dans l’opposition, le parti PiS (Droit et Justice en français) est revenu au pouvoir en mai 2015 à la présidence et en octobre de la même année au Parlement avec une majorité absolue. Ce parti de droite souverainiste, conservateur et eurosceptique n’a eu de cesse depuis la formation de son gouvernement d’appliquer une politique qui selon la Commission Européenne ne répond pas aux exigences de « l’Etat de droit ».
Cet avis a été formulé après plusieurs épisodes qui ont débuté dès l’arrivée au gouvernement du PiS. Avec 39,1% des suffrages exprimés, le parti obtient 242 sièges et la majorité absolue: cela lui permet très vite d’entreprendre les réformes qui motivent aujourd’hui « l’avis sur l’Etat de droit » rendu par la Commission Européenne. Parmi elles, on peut citer l’annulation de la nomination de trois juges (entérinée sous le précédent gouvernement dans le cadre de son mandat) au Tribunal Constitutionnel avant d’en nommer trois autres plus favorables à la tendance politique du gouvernement actuel. Ou encore toujours concernant le même Tribunal, une modification aboutissant à sa paralysie et donc une absence de surveillance de la constitutionnalité des lois votées par le Parlement.
Une décision mûrement réfléchie
C’est la première fois que cette procédure est utilisée par la Commission Européenne mais n’est que la formalisation d’informations déjà transmises au gouvernement polonais lors de réunions notamment. Preuve que l’avis est une étape de plus: le vice-président de la Commission s’était encore rendu hier, mercredi 1er juin, à Varsovie, pour discuter de la situation avec la Première ministre Beata Syzdlo mais vraisemblablement sans succès.
Dans un contexte où les partis eurosceptiques et d’extrême droite montent partout en Europe, la Commission par cet avis entend rappeler que les Etats sont engagés par l’Union Européenne et doivent par conséquent se conformer à ses règles. La Pologne a maintenant deux semaines pour formuler une réponse, si elle ne le faisait pas d’autres mesures pourraient être prises allant jusqu’à « une suspension de certains droits prévus par les traités » après un vote des autres Etats membres.
Le gouvernement fait la sourde oreille
Quelques heures après que l’avis ait été porté à l’attention du public, le numéro deux de la diplomatie polonaise Konrad Szymanski a déclaré que cette décision est « connue du gouvernement » et sa transmission par écrit n’apporte « rien de nouveau« . Le Ministre des affaires étrangère polonais Witold Waszczykowski a quant à lui déclaré aujourd’hui qu’il lirait le texte « dans quelques jours, quand il aurait un moment de libre« .
C’est au cours de la même émission sur la radio publique qu’il a affirmé avoir fait parvenir le texte à la Première ministre ainsi qu’au Président. Avant de conclure que ce document émis par la Commission Européenne serait traité « comme une opinion, une suggestion ne nous obligeant à rien« . C’est sous ce dernier angle que le texte sera sans doute présenté en Pologne: certes l’Union Européenne se doit de faire respecter les traités et autres textes mais tout cela sans porter atteinte à la souveraineté. Il ne serait pas étonnant qu’un gouvernement ouvertement eurosceptique fasse voler le spectre de l’ingérence au dessus de la Commission et tente de décrédibiliser toutes décisions futures.
Voir aussi: Incertitudes autour de la Pologne et le portrait du président polonais