Ce mercredi, 31 migrants sont morts dans la Manche après le naufrage de leur embarcation. Comme beaucoup d’autres, ces derniers tentaient de rejoindre l’Angleterre.
Le drame est absolument inédit. En effet, il s’agit du naufrage de migrants le plus meurtrier dans la Manche depuis 2018, année où les traversées migratoires se sont largement intensifiées sur cette mer. Ce mercredi 24 novembre, au moins 31 migrants sont morts au large de Calais après le naufrage de leur embarcation. Une grave tragédie qui a suscité de vives réactions de la part de la France et du Royaume-Uni.
» La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière. «
Emmanuel Macron
Si les traversées illégales comme celle-ci ont sévèrement augmentées dans la Manche, elles sont notamment dues au verrouillage du port de Calais et de l’Eurotunnel qui constituaient avant 2018 des voies sécurisées pour rallier l’Angleterre. Ce mercredi, une grande partie des victimes étaient des Kurdes d’origine d’Irak ou d’Iran, tout comme bon nombre de ceux qui se sont récemment retrouvés coincés à la frontière polonaise.
De son côté, le premier ministre du Royaume-Uni Boris Johnson s’est dit » choqué, révolté et profondément attristé » par ce drame. Dès l’annonce de cette catastrophe, les autorités ont lancé des recherches contre certains responsables et Gerald Darmanin a notamment annoncé l’arrestation d’un cinquième passeur. Mercredi soir, le chef de l’Etat avait appelé à « accélérer le démantèlement des réseaux criminels », demandant un « renforcement immédiat des moyens de l’agence Frontex ». Par ailleurs, des ONG réagissent également et réclament des voies légales de passage vers le Royaume-Uni.
L’Angleterre, terre d’exil
L’Angleterre attire de nombreux migrants réfugiés en France car le pays est réputé pour offrir de meilleures conditions de vie et donnerait selon eux plus de chances de trouver du travail. Un véritable » El Dorado » et une source d’espoir pour des personnes qui n’ont absolument plus rien à perdre.
» Pour des raisons historiques ou des raisons familiales, certains pensent qu’il est plus facile d’être en situation irrégulière en Angleterre qu’en France «
Blandine Quevremont, avocate au barreau de Rouen
Néanmoins, comme l’explique France 3 Normandie, la vie en Angleterre est assez fantasmée et la réalité n’est finalement pas si rose que ça pour les migrants. En effet, les conditions de travail au Royaume-Uni sont relativement dures et elles sont finalement les mêmes qu’en France. Dans les deux pays, le fait de travailler sans papiers et sans autorisation est totalement illégale. Les migrants qui travaillent sans autorisation ou avant que leur demande d’asile soit validée s’exposent donc à de lourdes peines de prison. De plus, comme l’explique Blandine Quevremont, il n’y a pas non plus d’avantages en terme de protections sociales en Angleterre et l’accès au soin n’est pas évident pour les migrants en situation irrégulière. De ce fait, l’arrivée au Royaume-Uni peut provoquer de véritables désillusions chez des migrants remplis d’espoirs et ces derniers choisissent parfois de refaire le trajet inverse.
Par ailleurs, la dégradation prochaine des conditions météorologiques et l’arrivée massive du froid en hiver poussent les migrants à se précipiter pour rejoindre l’Angleterre le plus vite possible, avant que les traversées deviennent encore plus compliquées. Selon la préfecture, 31.500 tentatives de départ vers la Grande-Bretagne auraient été comptabilisées depuis le début de l’année et 7800 migrants ont été sauvés. Le 11 novembre, un record a été battu avec 1185 traversées de la Manche réussies en une seule journée, ce qui a particulièrement alarmé les gouvernements.
Des réseaux de passeurs très développés
Comme l’explique FR24 News, il est très difficile de demander l’asile au Royaume-Uni en tant que réfugié. De plus, il n’y a plus de voies légales pour traverser la Manche car la répression s’est accrue, notamment avec la sécurisation à outrance de certains passages comme le Tunnel sous la Manche. De ce fait, des réseaux illégaux de passeurs se servent de cela pour aider les migrants à traverser la Manche afin de débarquer en Angleterre. En échange d’argent, ces réseaux criminels offrent une place dans une embarcation à des migrants et leurs font miroiter une vie meilleure au Royaume-Uni.
Justement, comme évoqué en intro, les autorités ont intensifié la lutte et les recherches contre ces réseaux criminels après le drame de mercredi. Cependant, certains qualifient d’ » hypocrisie » le fait de vouloir rejeter l’entièreté de la responsabilité sur les passeurs. Selon eux, la fermeture des routes migratoires légales favoriserait largement ce genre de drames.
» C’est une hypocrisie immonde de dire qu’on va lutter contre les passeurs. Ce sont eux qui les ont fabriqués. «
Vincent de Coninck, chargé de mission migrants au Secours catholique de Calais jusqu’en 2018
Selon Vincent de Coninck, » c’est la sécurisation à outrance qui a fait les réseaux. » D’autre part, Delphine Rouilleault, directrice générale de l’association France terre d’asile, insiste sur la nécessité de » ne pas réduire ce drame à la question des passeurs « . » Nous avons besoin de comprendre pourquoi ces réseaux de passeurs prospèrent. Le vrai sujet, c’est la fermeture des routes migratoires légales »
» Cela fait des mois qu’on alerte le ministère de l’intérieur en disant que sans voies légales de migration, on va vers davantage de drames. «
Lucie Bichet, juriste au sein de l’ONG Safe Passage.
Des drames humains qui se multiplient et qui ne semblent pas prêt de s’arrêter..