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Pourquoi sommes-nous fascinés par les tueurs en série ?

Si certains admirent les tueurs en série, ils sont souvent considérés comme des monstres. Le documentaire Serial killer : autopsie d’une fascination qui sort le 11 janvier sur france.tv tente de décrypter cette fascination pour les tueurs en série.

Ted Bundy, Jeffrey Dahmer ou Charles Sobhraj sont des grands noms du crime. Si en temps normal, nous devrions les haïr, une fascination se développe à leur encontre. Beauté, intelligence ou simple pitié, nous font basculer dans la fascination. Entre curiosité morbide et désir de compréhension, pour quelles raisons arrivons-nous à être passionné par ces tueurs en série ? Si c’est la popularisation des récits true crime sous forme de podcasts, séries, documentaires et autres qui ont joué un rôle essentiel dans la fascination envers les tueurs, l’intérêt du public à leur égard n’est pas nouveau.

Qu’est-ce qu’un tueur en série ?

On parle de serial killer quand un individu a tué au moins trois personnes dans trois lieux différents et avec une pause entre les meurtres. On reconnaît un serial killer car il a un mode opératoire qui est le même utilisé pour tous les meurtres. La psychologie d’un tueur est très intéressante à analyser et passionne. Naît-on serial killer ? Peut-on le devenir du jour au lendemain ? Dans la majorité des cas, les psychologues s’accordent pour dire que l’enfance joue un rôle essentiel dans la construction d’un tueur.

En 2005, les chercheurs américains Heather Mitchell et Michael G. Aamodt ont étudié l’enfance de 50 serial killers. Ils ont constaté que, parmi eux, 50 % avaient connu des abus psychologiques et 68 % des mauvais traitements. On sait par exemple que Gilles de Rais (Barbe Bleue) a perdu son père et fut abandonné par sa mère durant son enfance, Guy Georges a été exclu par ses grands-parents et sa famille d’accueil, Michel Fourniret a été victime d’inceste. Les tueurs en série n’ont pas d’empathie, ils sont froids et très égoïstes. Des traits de caractère qui les déshumanisent et intriguent.

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Une fascination pour le pire dans l’être humain

Le tueur en série est souvent synonyme du mal, et le mal attise la curiosité. Il y a un engouement du public lorsque les actes sont dans la démesure. Cela a d’ailleurs rendu célèbre de nombreux tueurs en série comme Jack l’Eventreur ou John Wayne Gacy. « Imaginez supprimer le crime ou la violence du théâtre antique, de l’Opéra, du cinéma, du roman, de la télévision, des séries Netflix,  …. Il ne resterait pas grand chose pour meubler les discussions du matin….« , souligne Alain Bauer*, professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Shanghai, dans une interview qu’il nous a accordé.

Lors du procès d’Henri Désiré Landru le 7 novembre 1921, la salle était pleine. Ce tueur en série a passionné les contemporains, comme Maurice Chevalier, célèbre chanteur des années folles. Mais pourquoi tant d’engouement autour de ces « monstres » ? Nous en venons donc à la curiosité morbide et le désir de compréhension.

Considérés comme anormaux, les tueurs en série suscitent donc notre intérêt. Pour Konbini, Coltan Scrivner, un chercheur en sciences cognitives au Recreational Fear Lab de l’université d’Aarhus au Danemark, la curiosité morbide se définit comme le fait de chercher à s’informer sur ce qui peut représenter une menace. Nous avons tous un certain degré d’intérêt pour le danger, mais il varie en fonction des personnes.

Il y a également un désir de compréhension qui émane de l’être humain lorsqu’il est face à une situation anormale. S’intéresser aux modes opératoires des tueurs en série nous permet de travailler notre instinct.« J’ai l’impression qu’il incarne ce qu’il y a de pire chez l’être humain. Et comprendre ce qu’il y a de pire, c’est se rassurer sur tout le reste. » souligne Maxime Chattam, romancier, à propos de Charles Sobhraj. Ainsi, on observe la menace pour mieux la comprendre, sans jamais avoir à l’affronter.

La starification du tueur en série…

Nombreux sont les tueurs en série qui ont eu le droit à un film ou bien une série sur leur histoire. Le dernier a avoir fait parlé de lui à l’écran, c’est Charles Sobhraj, surnommé « Le Serpent ». La série que lui a consacré Netflix a fait de lui une star mondiale. À sa libération de prison en Inde, on le reçoit sur divers plateaux télé. Les médias n’ont de yeux que pour lui. La starification commence. Son histoire a fasciné et rapporté de l’argent à ceux qui ont écrit sur lui et qui ont réalisé des documentaires. « Notre société pousse la starification de tout et n’importe quoi et pousse à la consommation et un serial killer devient un produit de consommation », Cédric Anger, réalisateur.

Nous pouvons parler d’esthétisation du crime selon le professeur Bauer car « ce ne sont souvent pas des commentaires mais des docufictions. Avec beaucoup de fiction. », explique-t-il. À cause de la fiction, le tueur est largement sur le devant de la scène. Puisque le tueur est le personnage principal, le spectateur aura forcément plus d’intérêt pour lui.« La victime est noyée dans la masse des crimes de l’auteur qui devient quantitativement “extraordinaire”. Sauf si la victime est un enfant », explique Alain Bauer.

…vers sa glamourisation

Le terme glamourisation est définit comme « apporter un caractère glamour, sophistiqué, séduisant à » par le dictionnaire Larousse. Glamouriser un criminel n’est donc pas anodin. La glamourisation commence à l’écran. Netflix était sous le feu des critiques à la sortie de la série « Monstre ». Cette série retrace l’enfance et les traumatismes de Jeffrey Dahmer avant les meurtres. Les familles des victimes ont accusé la plateforme de glamouriser les actes du meurtrier. En 2022, une utilisatrice de X (ex-Twitter) a répertorié de nombreux tweets apportant du soutien à Dahmer.

Le choix du casting pour la réalisation de films ou de séries sur certains tueurs en série a aussi fait polémique. En choisissant l’acteur Zac Efron pour interpréter le tueur Ted Bundy dans « Extremely Wicked, Schockingly Evil and Vile » diffusé en 2019 sur Netflix, la plateforme fut critiqué par ce choix. Le charisme et le physique avantageux de l’acteur ont participé à la glamourisation du tueur. À contrario, le tueur Richard Ramirez n’a pas eu besoin d’attendre de voir son image dans une série ou un film pour avoir du succès auprès de la gente féminine. Sur des applications comme TikTok, « le traqueur de la nuit » a eu le droit à de nombreux « edit ». Des comptes lui sont même dédiés pour le mettre en valeur.

La fascination poussée à l’extrême

Il arrive parfois que la fascination soit poussée à l’extrême. « Il est assez courant, en psychologie ou en psychiatrie, de determiner un certain nombre de syndromes, celui de l’infirmière par exemple, qui pensent vouloir sauver pour l’amour leur partenaire. OU de se créer enfin une vie en sortant de l’ordinaire insupportable de leur condition. » , affirme le professeur Bauer. Cela expliquerait pourquoi certaines personnes développent une obsession presque dangereuse envers un tueur en série. Ce phénomène s’appelle l’hybristophilie. C’est une paraphilie dans laquelle un individu est sexuellement attiré par d’autres ayant commis un crime (viol, meurtre). Dans la culture populaire, ce phénomène est connu sous le nom de « Syndrome Bonnie et Clyde ». Il n’est donc pas rare que des détenus, incarcérés pour meurtres reçoivent des lettres d’admiratrices…

La fascination pour des tueurs a donc plusieurs degrés. Si les documentaires et fictions ont largement participé à rendre populaire les serial killers, cette curiosité envers ces êtres humains existé déjà bien avant.

*Le professeur Bauer a notamment écrit Au bout de l’Enquete, publié le 11 mai 2023. Son dernier ouvrage Tu ne tueras point, édité par Fayard, est maintenant disponible.

À lire aussi : 5 éléments pour comprendre …L’affaire Richard Ramirez

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