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Pourquoi TF1 fait beaucoup pour le renouveau de la fiction française ?

TF1 ? Le titre apparaîtra comme provocateur pour beaucoup. Et pourtant, force est de constater : la première chaîne de France a largement contribué à renouveler la fiction.

Pendant très longtemps, TF1 a trusté les audiences de la fiction française. Mais le renouveau initié par Canal+ au milieu des années 2000, suivi par Arte ou OCS, a poussé la première chaîne à revoir sa copie. Si elle a semblé le faire par petites touches dans un premier temps, elle est clairement passée à l’offensive, notamment grâce au travail successif de Marie Guillaumond et Anne Viau. Pour un résultat qui va dans le bon sens ?

Etape 1 : des fictions qui osent plus mais qui continuent de se « ressembler »

Dans les premiers temps, on ne peut pas dire que les prises de risque de TF1 aient été à ce point notables. Si de temps en temps on assistait à de singulières prises de risque à l’image de Flics ou de Profilage, visuellement les séries donnaient l’impression de se ressembler, à coup de code couleur et de filtre qui ne donnaient pas de réelle identité aux programmes si ce n’est d’être identifié « TF1 ». Cela ne donnait pas nécessairement des séries que l’on aimait pas regarder, mais les véritables prises de risque semblaient plus relever de cas « isolés ». Même Flics (Olivier Marchal) à la réalisation si soignée en saison 1, épouse « l’image TF1 » en saison 2. Et la multiplication des genres différents laissaient aussi un peu à désirer. Mais grâce au succès notamment de Profilage qui repousse ses limites en surfant sur « la ligne », la fiction de TF1 se prend à rêver à des lendemains différents. Mais l’image qu’elle s’est collée aux talons va être très très difficile à retirer !

« On a une structure classique de polar-scènes d’IML avec la doc (Institut médico-légale), interrogatoire, arrestation du coupable- mais dans laquelle on cherche à plus évoluer vers du drama autour de nos personnages principaux. En fait, on s’amuse plus aujourd’hui avec cette nouvelle écriture. On s’amuse avec les procédés narratifs en faisant des épisodes concept, du genre aussi. Mais ce sont des choses qu’on ne peut faire que quand la série est installée. »

Sophie Lebarbier et Fanny Robert (créatrice de Profilage)

Etape 2 : une politique de remakes souvent décriée mais payante

Si on reproche aujourd’hui beaucoup au service public de multiplier les polars et autres « Meurtre à … », pendant longtemps, TF1 était devenue la chaîne qui « faisait des remakes ». En gros : on veut bien prendre des risques mais si ça a été validé ailleurs. Des auteurs nous expliquaient souvent en off voir des sujets ou des genres retoqués alors qu’ils étaient validés par le voie de remakes. Le remake n’a de sens que s’il est une étape vers « autre chose ». Si c’est juste pour en produire et éviter la prise de risque, ça n’a pas de sens. Mais si c’est pour s’assurer dans un premier temps qu’on peut proposer une série médicale, une comédie, ou du genre, avant de produire les siennes comme « fiction originale », là cela fait sens. On a longtemps douté que la seconde option soit la bonne, il semble aujourd’hui au vu des programmes lancés que ça soit le cas. De plus, si la politique de remake a semblé répéter des modèles que l’on voyait partout, elle a aussi donné naissance à des fictions intéressantes et au succès non négligeable à l’image des Bracelets rouges. Ces remakes ont non seulement permis de proposer des genres différents, mais aussi des types de narrations différentes, plus éclatées, et de laisser davantage de liberté aux réalisateurs pour sortir de « l’image TF1 ».

Etape 3 : avec sa politique volontariste, TF1 fait mission de « service public » ?

Mais il est fou, qu’est ce qu’il dit ?? Un chaîne commerciale qui remplit une « mission de service public » ? On ne dit pas ici que les fictions proposées par TF1 sont des fictions de service public mais que la démarche l’est. Ou du moins qu’elle s’en approche.

Retour en arrière ! De la même manière que Profilage a joué un rôle non négligeable dans le changement de visage de la fiction TF1 (avec l’arrivée de héros plus borders comme Falco), c’est une autre série qui va jouer un rôle important : La promesse. Narration complexe et éclatée, une esthétique et une image qui lui est propre, la série symbolise à elle seule le renouveau de la fiction de la chaîne. Sans ce carton, difficile de savoir si d’autres projets auraient vu le jour. Mais elle a montré qu’on pouvait faire différent sans être un remake. Dès lors, de nombreux projets arrivent à l’antenne et prolongent cette nouvelle politique : un médecin légiste qui parle à sa femme morte ; une psy qui a des visions de personnes décédées ; des séries à grand spectacle, prestigieuse ; une consultante au haut potentiel intellectuel ; une série high concept sur des manipulations mentales ; du fantastique ; du teen drama ; des unitaires sociétaux ; un drama familial et humain teinté de fantastique ; … Non seulement la Une multiplie les formats mais elle renouvèle aussi son image et semble ne rien s’interdire (ou presque). Il faut dire qu’elle a un autre atout dans sa manche.

A lire aussi : On a revu pour vous … La promesse, série sombre et prenante (vl-media.fr)

Depuis 2017, TF1 s’est dotée d’un feuilleton quotidien (Demain nous appartient), suivi d’un second en 2020 (Ici tout commence). Comme on le dit souvent ici, le soap est un terrain de jeu infini pour « tenter des choses ». Le volume d’épisodes à fournir (260 par an) est tel que l’on ne peut pas se reposer sur ses lauriers et utiliser encore et toujours les mêmes recettes. Il faut imaginer, piocher dans les sujets de société, prendre des risques, mettre en avant des personnages qui seraient ailleurs au second plan, … En somme un vrai terrain d’expérimentation qui doit en principe par la suite infuser dans le reste de la fiction de l’antenne, grâce notamment à un renouvellement des visages (auteurs / réalisateurs ou comédiens(nes)) qui y font leurs armes. Et c’est ce qui semble se passer : l’existence d’une fiction de prime time qui ose juxtaposé à une fiction quotidienne populaire et moderne, n’est pas le fruit du hasard mais le fruit de travail d’équipes qui ont envie.

Bien sur il y a des ratés, tant d’un point de vue de la qualité (on ne les citera pas), que de l’audience. C’est le paradoxe d’ailleurs du public : réclamer des séries différentes mais ne pas les encourager par une audience suffisante. Un comble ! Le succès de « vieilles recettes datées » pourraient d’ailleurs refroidir les audaces de la chaîne comme des producteurs. Mais TF1 continue de proposer des séries / fictions qui lui sont propres, qui correspondent à ce qu’on peut attendre d’une chaîne commerciale, sans pour autant s’interdire des sujets, des genres au simple prétexte que cela ne va pas fonctionner en audience. Oser sans être freiné par l’audience (a priori, donc avant la mise en production des projets), c’est en ça qu’on dit que TF1 fait une mission de service public.

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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