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Primaires citoyennes : les faux airs de la démocratie {ANALYSE}

Primaires citoyennes. Plusieurs projets, portés par des politiciens ou des entrepreneurs numériques, visent à permettre aux citoyens ordinaires de se présenter comme candidats à l’élection présidentielle. Toutefois, si ces initiatives politiques entendent réinventer le système politique actuel, ils sont confrontés aux verrouillages des partis politiques et des médias. 

44% des Français jugent les partis politiques inutiles, selon un sondage Harris Interactive publié en mai 2016. Plusieurs projets comme La Primaire de français, LaPrimaire.org ou La Vraie Primaire veulent réinventer la manière de faire la politique. Ces initiatives prétendent offrir à quiconque de se présenter comme candidat sans passer par le processus électoral traditionnel. Si chaque primaire citoyenne a son propre fonctionnement, la plateforme La Primaire.org permet à toute personne de s’inscrire.

Chaque participant signe une charte avant de dévoiler son programme et de défendre sa candidature. Ensuite, les seize candidats ayant recueillis 500 soutiens sur Internet ont donc été qualifiés le 15 juillet. Après une dernière phase de désignation, Charlotte Marchandise-Franquet a été élue sur LaPrimaire.org pour se présenter à la présidentielle. Elle n’a pas répondu en raison d’un «agenda trop occupé», mais Maxime Verner, l’une des seize finalistes, a commenté cette victoire: « Charlotte est bonne, elle le mérite » puis il explique: « nous refusons beaucoup de médias. Dès que les médias lui parlent, ils ne s’intéressent pas à Charlotte Marchandise, mais au nouveau dispositif de LaPrimaire.org et au candidat citoyen. Elle n’est vue que comme l’incarnation de l’appareil et elle n’est pas prise au sérieux par les médias » dit-il.

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Primaires Citoyennes : Charlotte Marchandise, candidate qui a remporté LaPrimaire.org avec 30 000 voix.

« Ces primaires citoyennes sont des échecs énormes »

Ce nouveau système, présenté comme alternative politique, n’a pas beaucoup de légitimité démocratique. Même si il permet à tout le monde de se présenter ou d’exprimer sa voix, Charlotte Marchandise n’a été élue que sur la base de 30 000 voix. Pour Maxime Verner, ce militant de 27 ans qui a dirigé sa première campagne présidentielle à l’âge de 18 ans: « Il y avait une belle sincérité, une grande énergie dans LaPrimaire.org, mais il y avait un profond manque de compréhension de ce qu’est la politique » explique-t-il. Outre le manque de personnel, de préparation et de communication, le vrai problème de LaPrimaire.org est « l‘absence de corpus idéologique sur lequel le projet a été fondé » avant de conclure, « le collectif était le fantasme de LaPrimaire.org. »

Pour Michel Guénaire, président du micro-parti Sociétécivile2017, ces primaires citoyennes sont des échecs énormes. « Les primaires citoyennes ne sont pas allées à leur terme. Les organisateurs Corrine Lepage et Jean-Marie Cavada ont rallié Emmanuel Macron. Et pour le LaPrimaire.org, Charlotte Marchandise n’existera pas dans l’élection car elle n’aura jamais les 500 parrainages des élus. » Agé de 60 ans, cet avocat dénonce l’immaturité politique et l’incapacité des mouvements citoyens à comprendre les enjeux des temps modernes. « Ce n’est pas avec des appels citoyens à peine suivis et mal organisés que nous prendrons le relais de l’État », ajoute-t-il.

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Michel Guénaire (à droite) et Maxime Verner (à gauche), candidats aux primaires citoyennes de LaPrimaire.org

 

En 2013, suite à la défaite de sa famille politique lors des élections présidentielles de 2012, Michel Guénaire tente de participer à la primaire de la droite et le centre comme candidat de la société civile. Refusé par le bureau politique du parti dirigé par Laurent Wauquiez, il dénonce les failles du système de la primaire : « La primaire a un double aspect: il met à la pointe des démocraties des partis politiques largement discrédités et il limite le registre de campagne des candidats aux sympathisants Et les militants du parti. Et pas au peuple français » explique-t-il.

Mettre les nouvelles technologies au service de méthodes politiques innovantes

Cependant, quelque chose rassemble les mouvements de citoyens : le rôle joué par les Civitechs qui cherchent à mettre les nouvelles technologies au service de nouvelles méthodes politiques. LaPrimaire.org a été organisée par les fondateurs de Democratech, une association qui a l’intention de mettre « la technologie au service de la démocratie », et dont le premier projet est ce primaire.

« LaPrimaire.org est emblématique de ce mouvement des Civitechs, à travers lequel les acteurs de la société civile, nouveaux arrivants en politique, tentent de mettre en place des plates-formes numériques pour rénover, transformer, concurrencer et contourner les structures politiques traditionnelles » explique Loïc Blondiaux, professeur de Sciences Politiques à la Sorbonne (Paris I) et auteur de Le nouvel esprit de démocratie: l’actualité de la démocratie participative.

Le chercheur souligne que LaPrimaire.org a réussi à mobiliser à travers une plateforme, une dizaine de milliers de personnes et à promouvoir une candidature. « 32 000 personnes ont voté à LaPrimaire.org, ce qui est plus que la Primaire des Verts. Toutefois, le talon d’Achille de ces  mouvements civils est la question de la représentativité. Les Civitechs se présentent comme idéologiquement neutre, ce qui correspond au positionnement de ses acteurs. C’est la revendication de cette neutralité qui est paradoxale avec la politique » commente Loïc Blondiaux.

 

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Lawrence Grodeska, #CivicTech Primer: What is “civic tech”?, sur le blog « Civicmakers ».

 

« Les Civitechs ne se limitent pas au système électoral », ajoute-t-il, « il y en a qui ont d’autres intentions. Le Parlement et les citoyens, par exemple, cherchent à contrecarrer le pouvoir des groupes d’intérêts dans le processus de fabrication de la loi. Cela implique de transformer toutes les institutions classiques en permettant aux citoyens d’exprimer un point de vue. C’est l’objectif de la démocratie représentative, même si on peut discuter ce postulat, que tout ce qui vient d’en bas,  du citoyen et du terrain, est fondamentalement pur et sain » conclut Loic Blondiaux.

Et c’est peut-être du côté de ces nouvelles initiatives citoyennes que l’on peut percevoir un nouveau rapport de chacun avec la démocratie. La technologie doit être au service d’une idée et d’un projet politique, avec une vocation humaniste et universelle. Le collectif ne pourra pas venir d’en haut et c’est peut-être le rôle de la technologie : établir de l’horizontalité pour créer des communs et revenir aux origines de la démocratie : le peuple.

 

About author

Co-Responsable et rédacteur du pôle Politique. Étudiant en journalisme au CELSA, je me destine principalement au photojournalisme et à la radio. Passionné de photographie.
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