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Primaires démocrates : Pete Buttigieg, une primaire et puis s’en va

De candidat surprise à candidat sérieux. Il a suffi d’une seule matinée, ce mercredi 5 février, pour que les pronostics s’inversent. Pete Buttigieg, plus jeune candidat à la primaire démocrate, semble être l’homme de la situation. Arrivé en tête du « caucus » en Iowa, il se retrouve au même rang que les favoris que sont Joe Biden, Bernie Sanders ou Elizabeth Warren. Incarnation d’une gauche nouvelle prête à rivaliser face à Donald Trump ?

Pete Buttigieg, gagnant surprise ?

Une ligne modérée pour les démocrates ? L’État de l’Iowa a tranché et Pete Buttigieg se retrouve en tête d’une course qui s’annonçait très serrée. L’outsider et plus jeune candidat à la primaire démocrate (38 ans) a su bousculer la donne. Un résultat d’autant plus emblématique lorsque l’on sait que l’Etat de l’Iowa ne s’est jamais trompé concernant le gagnant de la primaire démocrate : traditionnellement, le gagnant du caucus de l’État du Midwest est le candidat investi.

Passage du flambeau entre les deux figures de la modération au sein du parti démocrate : les centristes Pete Buttigieg (à gauche) et Joe Biden (à droite). (SAUL LOEB / AFP / Getty Images)

Aucune radicalité, beaucoup de pragmatisme. Une opération séduction réussie pour l’ancien maire de South Bend. La modération l’a emporté devant la radicalité de Bernie Sanders, l’expérience de Joe Biden, et la raison de Elizabeth Warren. Résultat ? Pete Buttigieg a fait mentir les sondages donnant Joe Biden largement favori depuis 3 mois à échelle nationale.

Certes, la campagne n’est pas terminée. Le New Hampshire représentera un indicateur doublement important, d’autant plus que les nombreux couacs de ce caucus ne font qu’aggraver les hésitations. Mais les chiffres ont parlé. Le programme sera modéré ou il ne sera pas.

Un candidat sérieux.

Et le candidat ne l’est pas moins. Il serait le seul à même de rassembler la grande majorité de l’électorat démocrate en même temps qu’il pourrait attirer des républicains hésitants. Un positionnement stratégique en vue d’une confrontation inévitable avec l’actuel président candidat à sa propre succession. Le centre est le seul qui pourrait rivaliser avec l’ultra-droite trumpiste ?

Son histoire pourrait également jouer en sa faveur ; se plaçant comme le seul représentant de la minorité LGBT. Son positionnement aussi ; Buttigieg semble avoir conquis la modération traditionnelle de l’Iowa sans grand effort. Pour preuve : Hillary Clinton était donnée en tête en 2016, devant Bernie Sanders. Exit la centrisation nécessaire à l’assurance de la totalité de l’électorat démocrate pour certains candidats jugés trop radicaux. Incarnation suffisante ?

Un capital jeunesse venant compenser une absence de programme clair qui pourrait lui jouer des tours dans la suite de la campagne ; une campagne loin d’être finie jusqu’à l’accession à la White House le 3 novembre prochain. Mais son absence de mandat fédéral, sénatorial ou gouvernemental représente un dilemme : se présenter comme le candidat anti-establishment du parti pourrait lui faire valoir une décrédibilisation certaine.

Et tout le sens de son élection se retrouve au cœur de sa personne : il est le plus jeune – parfois deux fois plus jeune que certains de ses rivaux -, et il est inconnu. Même si son programme se rapproche des plus centristes des candidats comme Michael Bloomberg ou Joe Biden, il semble incarner l’enthousiasme d’une génération nouvelle qui veut redistribuer les cartes sans prôner une grande radicalité au sein du parti à l’instar de Bernie Sanders.

Des leçons d’un vote.

Le message est clair : le changement. L’électorat a envoyé un signal fort à son parti. Depuis trois années, les démocrates se sont opposés au mandat de Donald Trump sans forcément établir une ligne politique précise et un champ d’actions clair. Un parti immobile qui n’a pas su réagir devant le cataclysme qu’a constitué la défaite d’Hillary Clinton. Place maintenant à la nouveauté. Place à Pete Buttigieg.

De gauche à droite : Amy Kobluchar, Bernie Sanders, Joe Biden, Elizabeth Warren et Pete Buttigieg. (Aaron Josefczyk / REUTERS)

Cependant, il serait évidemment faux d’écarter la possibilité que Bernie Sanders soit le gagnant final, ni même le gagnant de ce caucus. Il serait également imprudent d’effacer le nom de Joe Biden, grand perdant de cette soirée, pour le reste de la course en même temps que celui d’Elizabeth Warren qui représentait la ligne plus pragmatique à gauche du parti, seule alternative raisonnable et crédible dans la perspective d’un duel final face à l’actuel président. Exclure la possibilité que Michael Bloomberg entre dans le jeu serait insensé lorsque l’on sait que sa stratégie vise, avant toute chose, le « Super Tuesday ».

Ce résultat est aussi annonciateur de la perte d’une certaine gauche démocrate outre-Atlantique. Le socialisme de Sanders effraie, le manque d’enthousiasme de Biden ne séduit pas. Entre eux figuraient d’autres noms comme Elizabeth Warren qui promettait un programme démocrate clair et ambitieux : un impôt sur la fortune pour les « supers riches », une assurance maladie universelle tout en bousculant les GAFAM du jeu financier. Trop radical ? Michael Bloomberg figurait comme une énième ligne centriste. Le choix a été celui de la jeunesse ; une jeunesse hors establishment. De là à dire que Pete Buttigieg soit un choix par défaut…

Mais le fait que Buttigieg arrive maintenant au niveau des 4 favoris fait de lui le grand gagnant de ce début de campagne. Une victoire à transformer mardi prochain dans le New Hampshire. Le rendez-vous est pris.

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Journaliste culture, politique et société
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