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Quand la musique de film se la joue “classique” | Seriefonia #13

Pour ce nouveau Seriefonia, on se la joue classique grâce à la musique de film. Mais les compositeurs qui viennent n’en sont pas moins prestigieux.

[« SérieFonia : Season III : Opening Credits, Extended Version » – Jerôme Marie]

Fort malheureusement, le confinement continue cette semaine encore… Mais réjouissez-vous quand même puisque, du coup, votre SérieFonia poursuit sa diffusion en formule podcast-inédit… et sans réelle contrainte de temps. Ce qui me permet de vous proposer aujourd’hui une émission que j’avais à cœur d’assembler depuis déjà un bon petit moment… Et qui, par nature, nécessitait un format XXL ; dans la mesure où je tenais à ce que les extraits présentés le soient dans leur intégralité. La plupart étant, d’ailleurs, assez longs. Car un compositeur de musique de film, ou de série bien sûr, reste avant tout… un compositeur tout court. Et que nombre des plus grands parmi les grands se sont, parfois régulièrement, parfois fort occasionnellement, essayer à l’écriture de pièces dites « classique ». Opéras, concertos, symphonies, musique de chambre… Qu’il s’agisse de John Williams, James Horner, Bernard Herrmann, John Barry, Elliot Goldenthal ou d’Ennio Morricone – pour ne citer qu’eux – ils ont eu l’occasion de s’émanciper de la restriction des images et du montage à travers des projets pouvant être autant de leur propre initiative que motivés par une commande scénique particulière. Alors, histoire de donner un peu dans le chauvinisme… commençons, pour une fois, notre voyage un chouïa plus élitiste que d’habitude en compagnie de Bruno Coulais. Compositeur des Choristes, Microcosmos ou encore des Rivières Pourpres et de Belphégor, il signait en 2005 son magnifique Stabat Mater – construit à partir d’un poème (supposément) de Jacopone da Todi ; datant du 13éme siècle et s’attardant sur la souffrance éprouvée par la Vierge au pied de la croix de la crucifixion. Voici donc, rien que pour vous, le très poignant segment « Dolorosa »…

[« Stabat Mater (Dolorosa) » – Bruno Coulais]

De tous les compositeurs contemporains de musique de film : s’il y en a un qui revendique très ouvertement son appartenance au monde de la musique classique, c’est bien Elliot Goldenthal. Sonates, requiem, Symphonies, opéras, ballets… Sans même parler des musicals et autres pièces de théâtre pour sa compagne Julie Taymor… Depuis les années 70, le papa d’Alien 3 et d’Entretien avec un vampire enchaîne donc les œuvres scéniques avec avidité et, en 1997, c’est sur l’une de ses plus mémorables partitions du genre que les chorégraphies de Lar Lubovitch faisaient renaître – rien que par le geste – le mythe d’Othello, tel que narré jadis par William Shakespeare, grâce au talent des danseurs du San Francisco Ballet…

[« Othello (Othello and Desdemona) » – Elliot Goldenthal]

Pour rester dans les classiques à l’intérieur du Classique… Passons de Othello aux Hauts de Hurlevent. En 1943, Bernard Herrmann travaille sur l’adaptation cinématographique de Jane Eyre réalisée par Robert Stevenson… Et replonger ainsi dans les écrits de Charlotte Bronté (dont le roman éponyme a été publié en 1847) donne au futur comparse musical d’Alfred Hitchcock l’irrépressible envie, pour ne pas dire besoin, d’aller un peu plus loin dans l’univers de l’auteure en se vouant corps et âme à la confection de ce qui restera son seul et unique opéra… en 4 actes… d’ailleurs, et fort malheureusement, jamais joué de son vivant… Les Hauts de Hurlevent. Ecrit entre 1943 et 1951, il l’enregistre finalement intégralement en 1966. Côté représentations, il faut attendre 1982 pour qu’une version écourtée soit enfin jouée à l’opéra de Portland. Quant à la version complète, ce n’est qu’en 2011 qu’est est enfin montée à Minneapolis. Rappelons que Bernard Herrmann est décédé en 1975. Et, pour le coup, il a un peu triché en écrivant cet opéra… Puisqu’on y retrouve, de-ci, de-là, quelques bribes de Citizen Kane, L’aventure de madame Muir, La splendeur des Amberson et… oh tiens… de Jane Eyre.  

[« Wuthering Heights » – Bernard Herrmann]

Le très, très délicat art de l’opéra, Howard Shore aussi s’y est frotté… Et à l’initiative du Théâtre du Chatelet de Paris en plus. C’était en juillet 2008 et c’était… spécial. Imaginez un peu… La Mouche de David Cronenberg transposé en opéra classique avec un vrai chanteur à poil tout nu… Et ben, je le redis, c’est… spécial. Alors, je préfère largement partager avec vous l’un des autres projets du compositeur du Seigneur des anneauxMythic Gardens. Il s’agit d’une commande du American Symphony Orchestra visant à mettre en vedette les solos de la violoncelliste Sophie Shao. La pièce est courte… 20 minutes seulement… et puise son inspiration de l’architecture de trois grands jardins italiens. D’où le titre… Et foi d’Bessac… C’est peut-être pas le Seigneur, mais c’est bien beau quand même…

[« Mythic Gardens (Mouvement II, Medici) » – Howard Shore]

Changement d’univers avec… Michael Kamen. Vous le savez, le compositeur de Piège de cristal, Robin des Bois, prince des voleurs, X-Men, Highlander et tant d’autre était littéralement un musicien de tous les genres. Il a collaboré avec Queen, Metallica, Aerosmith, Eric Clapton… Pour ne citer qu’eux. En 1998, il compose un Concerto pour guitare. Puis, en 2001, arrive sa création The New Moon in the Old Moon’s Arms… Titre poétique s’il en est… Mais avant tout cela, en 1990, soit trois ans après le premier Arme Fatale, il proposait également son très suave Concerto pour Saxophone ; dont voici le second mouvement…

[« Concerto for Saxophone & Orchestra (Second Mouvement) » – Michael Kamen]

La pièce suivante est un peu à part. Conçu comme un album de studio et non en perspective de concerts ou de tout autre type de représentation : Eternal Echoes respire la musique de film de son auteur à pleins poumons. Et pour cause ! John Barry l’a pensé comme la partition d’un imaginaire qui aurait toujours été présent autour de lui. C’est pourquoi le rendu en sonne de façon si familière. Dans un premier temps néanmoins envisagé comme un accompagnement à la poésie de son ami John O’Donohue, ce voyage musical restera le dernier achevé dans la catégorie de ses créations marginales. Attention, les souvenirs de Out of Africa et de Quelque part dans le temps ne sont pas très loin…

[« Eternal Echoes (Elegy) » – John Barry]

Depuis le temps, vous connaissez tous mon amour pour John Williams. Pour ses incomparables bandes originales bien entendu… Mais aussi pour les différents thèmes qu’il a pu créer autour d’évènements aussi variés que plusieurs ouvertures de jeux olympiques, la célébration de la découverte des Amériques par Christophe Colomb ou, plus récemment, l’inauguration du Walt Disney Concert Hall… Sa collaboration avec le Boston Pop Orchestra est légendaire… Mais ce n’est pas tout ! Une vingtaine de concertos, une dizaine de musiques de chambre, et quelques symphonies… Que dire, que dire, que dire ?… Franchement, rien. Ce second mouvement de son Concerto pour violoncelle et orchestre parle suffisamment de lui-même…

[« Concerto for Cello and Orchestra (Mvt. II. Blues) » – John Williams]

Toute sa vie de compositeur durant, Ennio Morricone aussi n’a jamais cessé d’écrire pour la scène. Entre le début des années 50 et le milieu des années 2000, il aura entrepris des dizaines et des dizaines d’œuvres ; dont un grand nombre de musiques de chambre. Et attention : de toute la présente sélection, l’extrait qui va suivre est de très loin le plus atypique… Et, très certainement, le plus difficilement abordable. Car il faut bien comprendre que Morricone établissait une grande distinction entre la musique de film et la musique de concert. La première étant, par nature, une discipline appliquée, ou contrainte, à son support contextuel ; tandis que la seconde se veut infiniment plus libre. Il a d’ailleurs fait parti d’un groupe d’improvisation en s’intéressant à l’avant-gardisme. Le morceau qui suit a été composé entre 1995 et 1996 en collaboration avec son fils, Andrea. Il s’agit d’une pièce pour deux pianos et deux clarinettes. Et ça s’appelle « Lemma ».

[« Chamber Music (Lemma) » – Ennio Morricone]

Je vous avais bien dit que c’était particulier… Très loin d’un Cinema Paradiso ou d’un Il était une fois en Amérique… Mais telle est le but-même de cette émission : vous emmener là où tous ces compositeurs n’ont, justement, pas pour habitude de vous emmener. Aussi, lorsque Danny Elfman se voit commissionner un concerto pour violon par l’Orchestre symphonique national tchèque en 2016, sa composition s’émancipe-t-elle assez radicalement du style cirquassien qui le caractérise habituellement si bien. Après sa brillante série de concerts internationaux Danny Elfman’s Music for the films of Tim Burton, il offre donc à la jeune et brillante soliste Sandy Cameron de le rejoindre sur ce nouveau projet en 4 mouvements ; qu’il baptise avec humour Eleven, Eleven puisqu’il totalise exactement 1 111 barres de mesures ! À la baguette : on retrouve également le grand chef John Mauceri ; dont le talent et la passion n’égalent que la gentillesse… Voici pour vous le troisième mouvement, intitulé – et ça lui va bien – « Fantasma »…

[« Violin Concerto (Fantasma) » – Danny Elfman]

Vous le connaissez bien sûr à travers les films d’animations d’Hayao Miyazaki. Nausicaä de la vallée du vent, Le château dans le ciel, Porco Rosso, Le voyage de Chihiro, Princesse Mononoké… ou peut-être Le petit Poucet, réalisé par Olivier Dahan en 2001… Dans la forme, Joe Hisaishi a de quoi être considéré comme LE plus européen des compositeurs japonais, tant ses inspirations classiques semblent rattacher son style à nos propres traditions et influences. Pourtant, celui qui a également accompagné les films de Takeshi Kitano et a ainsi souvent a montré à quel point il pouvait magnifier l’art du minimalisme, s’impose comme la définition-même du compositeur pluriel ; comme le prouve par exemple son album Pretender – à la croisée des chemins du jazz, de la pop et du new age… Mais restons focalisés sur le classique. En 2003, il propose Etude : A Wish to the Moon… qui est, en fait, le quatrième opus de sa série Piano Stories inaugurée en 1988. Et je vous propose à présent d’en apprécier le « Bolero »…

[« Etude – A Wish to the Moon (Bolero) » – Joe Hisaishi]

Au commencement : James Horner ne se destinait pas à une carrière dans la musique pour l’image. Une fois diplômé de l’Université de Californie du Sud, il devient professeur en « théorie de la musique » et, en toute logique, s’imagine plutôt écrire des pièces de concert. Finalement happé par le cinéma dès la fin des années 70, ce n’est qu’en 2011 que le duo de cordes, les frère et sœur Samuelsen, lui commande un concerto pour violon et violoncelle. Le projet devient Pas de Deux, dont la première représentation a eu lieu le 13 novembre 2014 – soit moins d’un an avant sa mort – sous la direction de Vasily Petrenko et la virtuosité du Royal Liverpool Philharmonic. Bon, je verse ma p’tite larme et je vous retrouve après…

[« Pas de Deux (Part III) » – James Horner]

Voilà pourquoi je tenais à ce que ce SérieFonia ne ressemble à aucun autre et vous laisse apprécier, dans leur intégralité, ces morceaux qui ne sont que très rarement exposés au grand public. Et encore moins en radio. Ainsi pourrez-vous pleinement les ressentir et les apprécier. Et pour finir ce florilège naturellement tout sauf exhaustif… Je vous réserve une surprise plus grande encore. Combien d’entre vous savaient que Anthony Hopkins… Oui, Elephant Man, Hannibal Lecter, et Robert Ford de Westworld réunis… avait lui-même réalisé trois films ? Bon, c’est vrai, ils sont carrément passé à la trappe… N’empêche qu’il en avait également signé les musiques en personne ! Et ce n’est pas tout ! Sinon, ça n’entrerait pas dans le thème du jour…  Lui aussi a composé de nombreuses œuvres à caractère classique. En 2012, l’album Anthony Hopkins : Composer sortait dans les bacs. Au programme : quelques extraits de ses musiques de films donc… Mais également quelques partitions plus anciennes ; telle que ce « And the Waltz Goes On » sur laquelle je vais vous quitter et qui, j’aime à le croire, va en scotcher plus d’un ! Allez, à la s’maine prochaine… Restez chez vous, prenez soin de vous et vos proches… Et profitez-en pour écouter de la musique.

[« Composer (And the Waltz Goes On) » – Anthony Hopkins]

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