Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, présente ce mercredi 7 juin, en Conseil des ministres, le projet de loi « plein emploi ». Mais que se cache-t-il derrière ce concept de « plein emploi » ? Quelle ambition affichée aujourd’hui ?
Pour répondre à une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le Gouvernement présente ce mercredi, en Conseil des ministres, son projet de loi « plein emploi », une notion apparue au début du XXème siècle et qui fut théorisée dans les années 1930 par l’économiste J.-M. Keynes. Mais le « Plein emploi » ne signifie pas que le chômage a complètement disparu. L’objectif fixé par le Gouvernement : une réduction du taux de chômage d’ici la fin du quinquennat, soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement). 5% est donc le chiffre affiché pour 2027. Selon les chiffres du ministère du Travail, cela équivaut à la création de 1,7 millions d’emplois en cinq ans. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le marché du travail est en situation de « plein emploi » quand le taux de chômage est inférieur à 5%. Le plein emploi n’est donc pas synonyme d’un taux de chômage nul. Le « plein emploi » traduit surtout un des objectifs de la politique économique, en raison du coût économique et social engendré par le chômage. Ce qui induit par conséquent la question des moyens pour parvenir au « plein emploi », avec l’actuel projet de loi présenté ce jour en Conseil des ministres.
Le « plein emploi » : retour sur un concept
Le « plein emploi » est un concept économique qui se réfère à une situation où le taux de chômage d’une économie est très bas, voire nul. Il s’agit d’un état où la majorité de la population active d’un pays est employée, et où les individus qui recherchent un emploi peuvent en trouver facilement.
Dans un contexte de « plein emploi », l’offre de travail et la demande de travail se rejoignent efficacement. Les employeurs ont un accès suffisant à la main-d’œuvre qualifiée dont ils ont besoin, tandis que les travailleurs ont des opportunités d’emploi satisfaisantes. Cela peut conduire à une augmentation des salaires et à une plus grande stabilité économique.
Le « plein emploi » est souvent considéré comme un objectif souhaitable pour une économie, car il favorise la croissance économique et réduit les inégalités sociales. Lorsque les individus sont employés, ils gagnent un revenu qui leur permet de subvenir à leurs besoins et de contribuer à la consommation, ce qui stimule la demande globale. De plus, le plein emploi réduit les coûts sociaux associés au chômage, tels que les prestations de chômage et les services d’aide sociale.
Cependant, il convient de noter que le « plein emploi » ne signifie pas nécessairement que chaque individu a un emploi. Il peut y avoir une certaine friction sur le marché du travail, où les travailleurs sont en transition entre des emplois. Le « plein emploi » n’est donc pas synonyme de chômage nul, en raison de ce que l’on dénomme le « chômage frictionnel » incompressible (la faible durée de chômage entre l’arrêt d’un emploi et le début d’un autre, soit une période inévitable d’inactivité). De plus, certains chômeurs peuvent chercher des opportunités qui correspondent à leurs qualifications. Certains chômeurs peuvent être considérés comme structurels, c’est-à-dire qu’ils ne disposent pas des compétences nécessaires pour occuper les postes disponibles.
Le « Plein emploi » : l’actuel projet de loi et la naissance de France Travail
Le projet de loi, qui sera d’abord examiné au Sénat début juillet, passe par la création d’une nouvelle entité, France Travail, qui va prendre la suite de Pôle emploi, à partir du 1er janvier 2024 et au plus tard d’ici au 1er janvier 2025. L’objectif est de mieux coordonner les acteurs du service public de l’emploi, une meilleure coordination en « réseau » de toutes les parties prenantes pour l’accès à l’emploi (État, régions, départements, communes et intercommunalités).
Toute personne privée d’emploi s’inscrira via cette nouvelle entité ou via les CAF, car l’idée est aussi qu’une personne faisant une demande de RSA à la CAF se voit, dans le même temps, inscrite à France Travail, alors qu’aujourd’hui seuls 40 % des bénéficiaires du RSA sont à Pôle emploi.
Un accompagnement plus personnalisé des allocataires du RSA
Le projet de loi met en place également un accompagnement personnalisé des allocataires du revenu de solidarité active (RSA).
Et d’abord, le gouvernement veut conditionner le versement du RSA à la réalisation de 15 à 20 heures d’accompagnement par semaine du bénéficiaire du RSA. S’exprimant à ce sujet sur RMCInfo et BFMTV, dès le lundi 1er mai, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, l’avait expliqué. Il s’agit de conditionner le versement du RSA à 15 à 20 heures d’accompagnement par semaine pour les allocataires. À défaut, le président du Conseil départemental (le Conseil départemental étant compétent pour le versement des allocations), pourra, « dans un premier temps », « plus facilement suspendre le RSA » expliquait alors le ministre, et « ensuite le radier ». Mais il ne s’agit pas seulement de suspendre ou de radier, il s’agit d’accompagner et de viser l’insertion selon le ministre. Sur les 1 900 000 personnes allocataires du RSA aujourd’hui, l’immense majorité bénéficie d’un suivi social, mais « moins de la moitié bénéficie d’un suivi professionnel ». L’objectif est donc de mettre en place « des actions d’insertion, des actions de formation, d’accompagnement, sur tous les territoires, adaptées à chacun, pour faciliter le retour à l’emploi ». Le ministre du Travail le justifiait alors :
« Le RSA, c’est un revenu de survie (…), dire que nous devrions verser le RSA sans nous intéresser à la contrepartie, sans nous intéresser au parcours d’insertion, c’est d’une immense hypocrisie, parce que la société n’est pas quitte de son devoir de solidarité quand elle a versé 607 euros à un individu. Elle est quitte de son devoir de solidarité quand elle a aidé à retourner à l’emploi ».
L’objectif est donc net : « faciliter l’accompagnement vers le retour à l’emploi. (…) Le plein emploi n’est accessible que si nous arrivons à accompagner les plus éloignés, et parmi les plus éloignés, il y a les allocataires du RSA ». Une étude publiée par la Cour des comptes, en 2022, montre que sept ans après une première inscription au RSA, plus de 40% des bénéficiaires du RSA sont encore au RSA. « Ce n’est pas acceptable (…). C’est un échec social » avait souligné le ministre du Travail.
Chaque inscrit à France Travail signera ainsi « un contrat d’engagement ».
Et le projet de loi rend plus facile la mise en œuvre de sanctions pour les allocataires ne respectant pas leurs obligations.
Une politique volontariste dédiée à la petite enfance : « Sans mode d’accueil satisfaisant, pas de société du plein-emploi. »
Le texte comporte deux autres volets : l’un sur le handicap qui vise à améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi dans le milieu ordinaire. Lorsqu’une personne recevra une reconnaissance du statut de travailleur handicapé (RQTH), celle-ci sera automatiquement transmise à France Travail, pour que soit étudié ensuite l’environnement le plus adapté.L’autre volet du projet de loi porte sur la petite enfance, et vise à instaurer une garantie d’accueil du jeune enfant : ce qui passe, en particulier, par la création de 200.000 nouvelles places d’accueil pour les jeunes enfants qui seront créées d’ici à 2030 (100 000 places supplémentaires d’ici à 2027). Il s’agit de lancer un service public de la petite enfance qui constitue un frein à l’emploi.
La Première ministre, Elisabeth Borne, l’a exprimé lors de son discours du 1er juin 2023, à Angers, à l’issue du Conseil national de la Refondation dédié à la petite enfance : « Mener une politique volontariste pour la petite enfance, c’est agir pour permettre à chacun d’accéder à un travail », ajoutant : « Sans mode d’accueil satisfaisant, pas de société du plein-emploi. » Et d’affirmer ainsi la création d’« un service public de la petite enfance », ce qui passe par « une meilleure coordination entre les acteurs », avec le rôle notamment des mairies « en tant qu’autorité organisatrice de l’offre d’accueil. ». Cela nécessite d’injecter« plus de 5 milliards d’euros supplémentaires pour la petite enfance d’ici la fin du quinquennat ».
Pour les villes de plus de 10.000 habitants, un guichet d’information et d’accompagnement des parents doit être mis en place : un « relai petite enfance » sera déployé dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants, un guichet unique pour informer les parents sur l’offre disponible et les accompagner dans leurs démarches. Le site internet de la CAF, « monenfant.fr », sera également modernisé pour mettre à disposition des familles les informations sur les modes d’accueil et les places disponibles.